ONE Il est né dans une famille banale sur Byblos, d’anciens employés de Shevchenko qui se sont recyclés pour mieux équilibrer l’effectif d’une planète qui avait besoin de sacrifices pour devenir un vrai havre de paix. C’est ainsi qu’il a grandi en jouant dans les champs de faroule de son père, bientôt rejoint par sa petite sœur, constamment en mouvement comme si sa vie en dépendait. Ses parents n’ont jamais essayé de le brimer, de l’empêcher de courir partout, l’envoyant simplement jouer dehors s’il se révélait dur à contenir.

TWO Il n’est pas particulièrement doué à l’école, a du mal à se concentrer sur les leçons, oublie systématiquement de faire ses devoirs, et pourtant il réussit à avancer, plus par chance que par réel talent. Damian préfère aider son père dans les champs quand il rentre de l’école, après tout, ça dépense son énergie, ça le garde de bonne humeur, en santé, en forme. Il échoue un peu sur le plan scolaire, mais pas suffisamment pour lui causer un retard majeur – de toute manière, il est du genre attachant, et les professeurs n’hésitent pas à faire des exceptions pour lui permettre de rattraper un examen par-ci, un oral par-là. Sûrement que ça aide que maman est institutrice dans l’école où il fait ses classes. À quinze ans, il quitte les bancs d’école, lassé par la routine et l’immobilité.

THREE Avec la bénédiction parentale, il bosse un temps dans les champs de faroule, puis quitte sa ville natale pour la capitale sans plan précis, vivant de la générosité des autres. En échange de travail manuel, non qualifié, il grappille sofas, repas et douches chez des inconnus, se révélant doué avec les outils, mais ne considérant aucun rôle comme ingrat. Damian a gardé des enfants, fait du ménage chez des aînés, bossé dans les champs, été livreur, bref, il se débrouille, travaille dur, et surtout, rend au centuple ce qui lui est donné. Il apprend rapidement, ne se plaint jamais, et surtout, est reconnaissant pour la chance qui lui est offerte chaque fois qu’une opportunité se présente à lui. Une formule gagnante pour tous et qui lui offre un grand sentiment d’accomplissement.

FOUR Deux ans après qu’il soit parti de la résidence familiale, il apprend que le complexe où vivaient ses parents a été complètement rasé par un incendie d’origine électrique. Pas de miracle : seuls deux résidants s’en sortent, l’un brûlé au second degré et l’autre une jambe en moins, mais aucun des survivants n’est de sa famille. Il n’est retourné à sa ville natale qu’une fois, et c’était à l’occasion des funérailles de ses parents et de sa petite sœur. Il a ensuite évité le nom de la communauté comme si elle portait une malédiction, se refusant même à le prononcer. Or, la vie continue, et même s’il garde proche du cœur le souvenir de sa famille, il se dit qu’ils n’auraient pas voulu qui s’apitoie sur son sort si longtemps. Il repart aussitôt, en vagabondage, prenant les boulots qui passent, souvent à peine plus de quelques semaines au même endroit.

FIVE Il aboutit quelques mois après le drame dans un restaurant qui lui offre un job de serveur contre un lit et de quoi manger, une générosité qui le marque. Les Knowles l’accueillent comme s’il faisait partie de leur famille, ce qui ne manque pas de le toucher, même s’il a initialement du mal à s’attacher à leur gamine, du même âge qu’aurait Sofia si elle était encore vivante. Or, elle le colle, la petite, et il ne peut faire autrement que l’aimer aussi, espiègle comme elle est, curieuse et vive. Damian reste plusieurs années à bosser pour les Knowles, comme serveur, plongeur, cuisinier parfois lorsque le besoin se fait sentir, évitant tout de même de passer tout son temps chez eux lorsqu’il n’est pas en service. Il n’a nulle envie de s’imposer dans leur dynamique familiale, même s’il y trouve un réconfort certain.

SIX Il retourne à la capitale après quelques années passées avec les Knowles pour bosser dans une distillerie, où il apprend les subtilités de l’alcool fort typique de Byblos, de la bière brute, mais goûteuse dont ils ont le secret et du vin élégant qui est le préféré de leur leader. Damian n’a pas le choix d’apprendre à se contrôler, à se poser un peu, le brassage de l’alcool demandant des calculs et des techniques qu’il était loin de maîtriser d’avance. C’est là qu’il acquiert le plus d’expérience pratique, le plus de connaissances, aussi : faute de sautiller partout, il se force à se concentrer, et se surprend lui-même de la facilité qu’il a à assimiler certains concepts difficiles. Son intérêt pour sa nouvelle discipline est tel qu’il parvient à apaiser sa bougeotte naturelle : encore aujourd’hui, c’est le seul moment où on peut le voir calme, voire serein.

SEVEN Comme beaucoup de Bybliens, Damian est fasciné par la délégation stellarienne, allant jusqu’à insister pour faire les livraisons jusqu’aux complexes où les fédérés sont hébergés pour les voir d’un peu plus proche, essayer d’en apprendre plus sur ceux qui représentent le premier contact de sa planète avec le reste de l’humanité depuis le débarquement des soldats d’élite, quelques années auparavant – rien de cette envergure. On parle de diplomatie, de traités, et ça le fascine, mais pas autant que les rumeurs qui veulent que les Bybliens soient invités à immigrer temporairement sur la flotte pour y travailler en prévision de la colonisation d’une autre planète. À son sens, c’était la suite logique de son parcours de vagabond, l’ultime expérience. Alors il attend, puis, lorsque le timing est bon, soumet son dossier pour immigrer. Quelque temps plus tard, la flotte est attaquée, et il croit voir son projet tomber à l’eau. Ce n’est que quelques jours après la réouverture des canaux de communications qu’il reçoit la nouvelle que son dossier est accepté. Le temps d’emballer ses affaires et il s’embarque sur la première navette.

EIGHT Damian est du genre impulsif, à faire ou dire ce qui lui semble approprié sur le moment sans réellement réfléchir, mu par une certaine insouciance inoffensive. Étrangement, être un tout récent immigrant ne l'a pas empêché de se considérer tout de suite chez lui, et il a pris ses aises, explorant les coursives des vaisseaux qui lui sont accessibles avec une curiosité presque gamine. Il parle avec les autres sans complexe, soucieux malgré tout de se faire une place rapidement dans son nouveau milieu. Si la plupart des Bybliens sont voués à retourner près des leurs lorsque la flotte s’en ira, direction Qiang, Damian n'est pas sûr de ce qu'il fera. Il n'y a rien qui le retient sur Byblos, mais en même temps, rien non plus ne l’attache à la flotte. Il se dit qu'il verra bien en temps et lieux (ou, comme on dit sur Byblos, il pourra traverser le canyon une fois qu'il sera arrivé au pont).

NINE Il aimerait trouver les gens de la délégation qu'il a aperçus de loin sur Byblos afin de discuter avec eux, de combler les lacunes culturelles : les aider, en somme, à tirer le maximum de leur passage sur sa belle planète natale. Il espère aussi les aider à trouver le problème avec la terraformation de la colonie, même s'il n'y connaît rien, ne serait-ce qu'en faisant office de soutien moral. Il a beau n'avoir personne de proche sur Byblos, plus maintenant, il serait triste de savoir que tout ce que leur bon leader les a aidés à bâtir se retrouve inutilisable en raison de la mort précoce de la colonie. Dans un sens, il se dit que les Bybliens, s'ils étaient délogés, pourraient sûrement rejoindre les Stellariens sur Qiang, mais il préférerait que ce soit un choix plutôt qu'une obligation liée à la chaleur de Gattaca.

TEN En vrac : Il ne parle pas du tout mandarin, contrairement au reste de la flotte, la seule langue parlée et enseignée sur Byblos étant l’anglais; il galère parfois à comprendre certains manuels qui ont été chargés sur son terminal pour faire son travail (et par ça, il veut dire qu’il ne pige absolument rien, ce qui complique les choses). • Fraîchement débarqué, on lui reconnaît aisément l’accent chantant de Byblos, peut-être un peu plus prononcé que les autres immigrés en raison de ses voyages constants d’un bout à l’autre de la colonie. • Il a eu la « chance », au départ, d’avoir une cabine tout seul, mais pas étonnant de voir pourquoi personne ne la voulait : elle est absolument microscopique. Il ne s’y trouve jamais, parce que de toute manière, il se prend les pieds partout et il n’a pas assez de place pour bouger à sa guise. Il a fini par trouver un arrangement plus agréable avec un Stellarien qui souhaitait s’affranchir d’une colocation trop bruyante. • Il avait les cheveux longs quand il est arrivé sur la flotte, mais il les a coupés très rapidement, comme pour marquer une séparation nette.