Khan avait beau être supposé se détendre ce soir, il travaillait. Il ne travaillait pas pour le Colossus, il ne travaillait pas pour de l'argent, il ne travaillait en fait tout simplement pas pour quiconque d'autre que lui-même. Sourire de façade, verre à moitié plein dans la main, une attitude décontractée soigneusement étudiée, il profitait de la soirée pour se faire bien voir de la populace. Il plaisantait avec certaines de ses connaissances venues en famille pour l'occasion, ébouriffait les cheveux des enfants avec l'air bienveillant d'un parrain attendrit par ses filleuls, rencontrait les proches et les amis de ses collègues, mais également certains membres de l'équipage des autres vaisseaux. Le but du jeu était simple. Avoir l'air le plus sympathique possible pour ne pas s'attirer les soupçons lorsque sa promotion brutale et inattendue surviendrait.

Au détour d'une conversation, son regard faussement chaleureux glissa sur la foule et s'arrêta sur un visage familier. Elara Hartmann en personne, visiblement aussi perdue qu'une antilope seule à un point d'eau, inconsciente de l'approche furtive des crocodiles qui ne faisaient qu'attendre patiemment sous la surface pour se faire un petit quatre heure. S'excusant à ses vis-à-vis, Khan les délaissa pour se diriger vers elle, faisant attention à ne pas tamponner un enfant ou autre qui traversaient parfois rapidement son chemin. Il ne pouvait bien entendu pas manquer de la saluer, malgré son envie très marquée de lui faire rencontrer le premier sas venu. Autant se débarrasser des choses déplaisantes tout de suite, de façon à être tranquille plus tard. La bousculant apparemment "sans le vouloir", il se retourna vers elle.

-Oh, madame la déléguée ! Je ne vous avez pas vu, lâcha-t-il sans s'excuser, de sa meilleure imitation de politesse. D'ailleurs, ça fait un moment que je ne vous ai pas croisé. Vous avez trouvez un autre vaisseau à aller sauver ? demanda-t-il avec un sourire agréable, comme si l'ironie (et l'espoir) ne dormait pas sous le ton badin employé.

Ou d'autres gens à aller faire chier, plus probablement. Il se passait très bien de sa présence dans son bureau, leur dernier échange avait été tout sauf agréable en partie - voir totalement - à cause de lui, malgré quelques satisfactions ponctuelles. Il se rappelait encore de sa frayeur au malheureux coup de poing qu'il avait pu faire subir à son meuble. Un doux moment, en vérité.

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Khan ne perdit pas son sourire face à la réponse toute aussi plate qu'elle lui servit. Malgré les apparences, il n'y avait pourtant aucun bon sentiment enter ceux individus et le vice-capitaine n'avait qu'une hâte : voir le visage défait de la déléguée, le jour où il se retrouvera enfin à la tête du Colossus 5, le vaisseau qui était selon lui le plus prometteur de la flotte. Pour l'instant cependant, il devait simplement jouer les bons et gentils monsieur qui ne souhaitait que le bonheur de chacun et discutait avec la populace le temps d'une soirée mondaine. Quant à savoir s'il surveillait les allées et venues de Hartmann sur le vaisseau, Khan n'était pas près d'avouer qu'il avait effectivement mis quelque chose de ce type en place pour pouvoir l'esquiver plus facilement lorsqu'il la savait à bord.

-Bien entendu, vous savez à quel point j'apprécie nos petites... entrevues ?

Il n'était pas certain de pouvoir appeler ça des rendez-vous, tant le professionnalisme en était absent. S'ils parlaient effectivement de travail lorsqu'elle avait l'outrecuidance de venir sur ses plates bandes, la manque d'amabilité et de retenue sociale dans leurs échanges mettait immédiatement un terme à toute prétention de sérieux pour leur rendez-vous. D'autant plus que privé de public et de surveillance, Khan ne se sentait pas obligé de rester dans les bornes de la bienséance et la politesse. Ce qui n'était pas le cas aujourd'hui. Il allait d'ailleurs rajouter quelque chose lorsqu'une tierce personne s'interposa entre eux, le privant du plaisir de pouvoir l'insulter tranquillement sous couvert de politesse pendant que personne ne s'intéressait à leur conversation.

Il ne connaissait pas du tout la nouvelle venue, qui se présenta comme étant Kim Hyun Ae, du Tiantang. Elle s'inquiéta immédiatement pour Elara, ce qui ne fit que faire monter l'agacement chez Khan, bien qu'il se garda bien de l'exprimer. Au contraire même, il garda un sourire poli en serrant fermement la main tendue par la nouvelle venue.

-Khan Andak, Vice-Capitaine du Colossus 5, son regard se reporta sur Elara alors qu'il lâchait la main de Hyun Ae. Tout va bien oui, je disais justement à Mme. Hartmann à quel point j'étais attristé de ne plus la voir passer à mon bureau. Nos conversations n'y manquent jamais d'intérêt.

résumé:

La foule a toujours eu ta préférence, c'est après tout comme une évidence de s'y mêler, de te l'approprier. Tu jettes des sourires aux, tu agites la main en direction d'autres, un bain de foule n'a jamais tué personne. Et River et toi excellez à ces jeux-là, aux jeux de dupes qui les entube depuis des années. Un sourire à ton épouse, un souffle à son oreille : « Tu es superbe. Les yeux pétillent de malice, de délice. Comme à ton habitude, darling. » Sous ses airs d'impératrice des glaces, de garce (diraient certains), la rousse est une constellations d'adorations, de passions, d'attentions. Tu sais comme elle a travaillé pour y arriver, pour satisfaire l'appétit de ses ambitions. Un baiser caresse ses lèvres, donne l'illusion d'une image maritale parfaite, d'un amour inébranlable, imparable. Tu sais qu'il y a longtemps qu'il s'en est allé, qu'il s'est tiré, que les années l'ont saccagé, abîmé. Il vous reste la tendresse dans l'ombre de ses maîtresses, de ces corps qui se pressent à elle, ivre de caresses. « Quel coeur as-tu prévu de briser ? », un rire sucré danse, virevolte, s'effiloche alors que ton regard se porte en douceur, en lenteur sur une autre chevelure rousse. « Sweetie, la main paresse sur son dos, accroche son épaule pour l'attirer, la presser à toi dans une douce étreinte. Comment vas-tu ? »  Toujours cette douceur, cette chaleur dans les yeux et le coeur. Comme si les tiens te ramenaient toujours à la maison, même un soir d'élection. « Alors ce vote ? », glisses-tu, ayant depuis longtemps, un moment, accepté que vos choix seraient différents. Là où River veut la guerre, tu sais que cela détruirait, bousillerait ton affaire. Là où Sirrah rêve d'une expérience humaine à grande échelle, les ressources seraient rares à trouver, estimer mais peut-être que cela pourrait s'avérer être un nouveau défi de cuisiner du steak d'alien. Ton choix s'est depuis longtemps porté vers Priya, vers la conciliation, le choix de la  raison.

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Résumé:

Sirrah : LightCoral Charlie (de Sirrah) : OldLace

Plateforme Delqa, 20 mars 2227 C'est comme une sensation d'apogée, d'apothéose qui s'annonce ou grandiose, ou bien morose - car ce soir voit la conclusion définitive du chapitre Wilkinson, le commencement d'un autre qui reste encore à nommer. Partout dans la Flotte, on peut sentir, presque toucher, cette sensation de basculer, de virer enfin après le marathon électoral. Demain, rien ne sera comme aujourd'hui, et tous le savent - tous l'appréhendent, tous espèrent que la faveur populaire ira dans le sens de son favori, du meilleur (ou du moins pire pour ceux qui ne trouvent leur compte dans aucun des candidats en lice). Aujourd'hui, comme beaucoup d'autres, elle a profité d'un moment libre entre deux consultations pour aller voter à l'un des comptoirs du Regina Mercy. Pas tellement difficile en voyant le gruyère qu'est devenu son agenda de rendez-vous au fil des annulations. Et avec la fermeture anticipée des services psychiatriques du vaisseau, elle est même rentrée plus tôt, concédant un changement de tenue à Ambroise avant de les rejoindre, lui et River, à un des rassemblements du Columbiad. « Sweetie, lance-t-il en l'emprisonnant dans une étreinte où elle se réfugie volontiers de cette foule floue et bruyante qui se presse et s'empresse autour d'elle : comment vas-tu ? » Une moue un peu boudeuse qui n'est pas contrebalancée par le haussement d'épaules indifférent. « C'était calme. Très peu de patients sont venus aujourd'hui. » Et on pourrait la traiter de workaholic à l'image du fille de son parrain mais ses parents, eux, savent que son amour des puzzles se diffuse jusqu'aux séances de psychanalyse qui constituent son travail. « Alors ce vote ? » Sirrah s'apprête à lui répondre qu'elle est surtout impatiente de savoir lequel d'entre eux va gagner le pari lancé dimanche dernier, à l'heure du déjeuner. Bien que partisane du projet de Jonathan Zafy, c'est sur la vindicative qu'elle a parié, presque persuadée que l'humeur belliqueuse des humains est ce qui va faire capoter toute son expérimentation, flinguant sa précieuse fourmilière sous les feux de la guerre. Mais d'aussi près, il lui est impossible de rater le regard de son père, fixé sur elle-ne-sait-qui, et le large sourire qui trace une ligne au milieu des traits estompés par la malvoyance. « Qui est-ce ? » « Impossible à dire dans cette foule » lui souffle immédiatement Charlie à l'oreille alors elle ajoute, taquine : « Tu as enfin trouvé un amant comme je te l'ai conseillé, Ambroise ? »

résumé:

Le nouveau chapitre tant attendu pour la flotte. River est évidemment de la partie, affublé d’une tenue relativement colorée, d’un rosé pastel, choisi avec soin par son époux et son goùt prononcé pour la couleur. Elle même, en totale autonomie, se serait orienté vers un noir profond ou un bleu nuit. Les couleurs chatoyantes ne sont pas principalement présentes dans sa garde robe, mais Ambroise insiste toujours pour qu’elle attire l’œil par quelques choix audacieux et pourtant peu risqués. Le sourire est présent, semblant franc et véritable, alors que le couple, que beaucoup qualifient de princier, fait son apparition au milieu de la foule. Pourtant, le sourire de River cache toujours des attentions bien moins éloquentes, bien moins pures. Ici, c’est un air carnassier, à la fois nerveux et vindicatif, qui fait pulser le sang de la commandant de l’Helios. Un sourire, léger mais plus franc, se dessine sur ses lèvres, au compliment de son époux. « Merci darling, je dois te remercier pour cela, après tout, c’est toi qui m’a conseillé cette tenue l’autre fois, je ne l’ai pas oublié » Et dieu sait que s’il y a bien une personne que l’ego de River daigne accepter, écouter et tolérer, c’est bel et bien Ambroise. En tout temps, l’homme possède son entière confiance en plus de son respect et ce depuis toujours. « Je dois dire que tu n’es pas mal non plus, même si je n’ai aucun doute que c’est ton sourire charmeur qui fait papillonner tous ceux portant un regard sur nous » Dit-elle entre ses dents, discrètement, en saluant d’un signe de têtes ceux qui lui offrent leurs respects. River sait que contrairement à elle, son mari a un tempérament charmeur qui marche à toute heure du jour et de la nuit. Une certaine chaleur dont elle est bien incapable, de façon sincère et désintéressée.
Bras dessus bras dessous, les époux Perrault-Frye arrivent enfin à hauteur de leur fille et après une étreinte douce, c’est River qui s’approche de sa fiche pour déposer un baiser sur sa joue, prenant grand soin de ne pas la marquer d’une trace de rouge à lèvre, avant de presser ses doigts des siens. Son affection à elle. « La plus belle en ces lieux, à n’en point douter » Déclare la rousse avec un léger sourire. Le regard brillant de fierté. Mais finalement, alors que la conversation diverge, rappelant sans mal à la commandant le pourquoi de sa présence ici et bel et bien la soirée qui va définir la suite de sa vie, c’est autre chose qu’elle remarque. L’échange de sourire, avec un homme dont elle connaît le nom, comme la profession. Simplement parce que River a toujours pris un réel plaisir à tout connaître de tout le monde. Asseoir une certaine domination par la connaissance. Parce que le pouvoir n’est pas essentiellement la force, le savoir possède ses propres armes. Le gloussement est léger, et pourtant palpable, lorsque Sirrah se montre, fidèle à elle même, d’une franchise à toute épreuve. « Je ne crois pas, ma fille, sinon je serai déjà au courant, n’est ce pas, darling ? » Dit-elle en tournant le regard vers Ambroise, un léger sourire au coin des lèvres. Elle le sait, sans même craindre quoi que ce soit, qu’il lui en aurait déjà parlé car s’il y a bien une règle qui régit leur mariage, c’est l’honnêteté en tout temps. « Qui plus est, tant qu’à faire, choisi le plus jeune et fougueux pour plus de piquant, que cela ait un intérêt » Renchérit-elle comme soulignant une évidence. River n'a aucun mal à se servir des uns et des autres pour ce qu'ils sont. L'empathie n'a jamais fait partie de sa personne, encore moins de son vocabulaire.

Résumé:

La distraction que pouvait lui apporter sa conversation avec Elara Hartmann était toute relative et perdait considérablement de son intérêt à présent qu'ils avaient été interrompus par une illustre inconnue. Inconnue qui se révéla n'être qu'une sbire de plus de la déléguée. Se retenant à grand peine de lever les yeux au ciel devant une sollicitude comme toujours exagérée à l'encontre d'Hartmann, il songea que cette dernière se porterait bien mieux si tout le monde n'était pas constamment occupé à lui lécher les bottes. Ou plutôt, il s'en porterait bien mieux. Il ne demandait qu'une fenêtre de tir suffisamment large pour l'éjecter de son vaisseau à tout jamais, mais le travail lui était grandement compliqué par des imbéciles qui feraient mieux de se préoccuper de leur propres affaires.

Son antipathie pour Hyun, déjà assez haute au moment où elle avait affirmé avoir décidé de garder un oeil sur Hartmann, ne fit que croitre un peu plus lorsqu'elle lui demanda si son travail consistait à jouer les larbins auprès du capitaine. Si son sourire ne fana pas, son regard en revanche se durci considérablement. S'apprêtant à adresser une sèche réplique à l'insolente, il fut coupé dans son élan par Hartmann, évidemment amusée par l'affront qui lui était fait. Lorsqu'elle prit congé d'eux, il ne lui adressa qu'un sec signe de tête avant de reporter son attention sur la jeune femme restée avec lui et son manque flagrant d'éducation.

-Je ne saurais mieux vous conseiller en vous disant de mesurer vos propos. La limite entre l'insouciance et l'insolence est très fine, et vous venez de la franchir. Le capitaine sait parfaitement s'occuper de lui convenablement. Mon métier consiste à diriger le Colossus 5 et à y faire régner un semblant d'ordre et de confort pour ses habitants. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser.

Et sans faire preuve de plus de politesse, il la planta là, de fort mauvaise humeur, mais résolu à la retrouver ailleurs. De loin, il avait cru apercevoir Crius, mais ne le retrouvait plus. Alors qu'il s'apprêtait à rejoindre le bar pour y ruminer seul, les lumières se tamisèrent et les conversations se turent. Les résultats des votes approchaient. C'est avec confiance qu'il observa les hologrammes afficher progressivement les scores des candidats, éliminant sans surprise Zafy en premier, avant qu'une vive déception ne le traverse. Mugheri élue. Une femme dénuée de caractère et d'ambition à la tête de ce qui était sans doute la structure la plus ambitieuse jamais fabriquée par l'homme. Elle n'aurait même pas dû avoir la prétention de postuler. Soupirant, il vida son verre d'une traite avant d'aller s'en faire servir un autre, sans chercher la conversation particulière de qui que ce soit.

Résumé: