TAKE THESES BROKEN WINGS AND LEARN TO FLYIls ont chuté, si fort et de si haut, ses chers parents. Et avec eux, ils ont entraîné leur fille plus bas que terre, jusque dans les plus sordides égoûts. Autrefois si respectés, autrefois brillants, ils sont devenus moins que rien : inutiles, dépassés, obsolètes. Plus personne n'avait besoin d'eux nulle part, l'effondrement de l'entreprise leur a tout pris, ils devaient se contenter des restes, pour eux comme pour leur fille. D'une éducation correcte, Max est passée à l'éducation des rues. Rapidement, elle a dû apprendre à se débrouiller, à trouver d'autres moyens de subvenir à ses besoins. Et au sein de Keller, c'est celui qui gueule le plus fort qui se fait entendre. Alors elle a gueulé, ce petit bout de femme, elle s'est mis les bonnes personnes dans la poche pour se protéger, et elle a vu le salut dans ces bolides incroyables qu'elle allait voir avec curiosité, dès qu'elle le pouvait, le regard plein d'étoiles. Elle avait seize ans quand elle a rejoint Crash !! en 2210 et elle a gagné sa première course quelques mois plus tard. Pour fêter sa victoire, elle s'est fait tatouer deux petites ailes sur le bas de la nuque. Durant quelques temps, c'est devenu un peu son foyer. Elle était jeune, elle était inexpérimentée et si frêle au milieu de tous ces pilotes aux airs revêches et à la gueule barbouillée d'huile de moteur. Mais bon sang, que c'était mieux que tout ce qu'elle avait pu voir jusque là. Enfin, elle déployait ses ailes, enfin elle s'envolait.

THE SOUND OF SILENCEElle déteste le silence. Le calme relatif de la flotte l'angoisse, si loin de la frénésie ininterrompue de Keller et de son agitation constante. Elle aime l'animation, elle aime la vie qui s'exprime par les mots, elle aime la musique aussi – surtout. Au bord de la Valkyrie, elle cassait les oreilles de l'équipage avec ses playlists interminables qui résonnaient parfois à fond, dans la cabine de pilotage. Chanter par dessus ? Ca ne lui faisait absolument pas peur. Encore aujourd'hui, ça reste son petit plaisir ; son terminal regorge de titres qu'elle ne se lasse pas d'écouter.

LIVE FAST, DIE YOUNG, BAD GIRLS DO IT WELLElle ne l'a pas cru, quand la capitaine de la Valkyrie l'a approchée pour l'engager, à l'époque. Elle avait toujours espéré Au fond, elle souhaitait faire partie de quelque chose de plus grand ; elle aimait l'adrénaline, elle aimait la vitesse, mais elle voulait plus, elle voulait mieux. Anne, elle avait une gueule, elle avait les manières, elle avait tout pour elle et Max n'a pas hésité à la suivre. Pirate, elle l'est devenue, sans le moindre état d'âme, sans le moindre scrupule. Elle parcourait les cieux et atteignait les étoiles avec sa nouvelle famille, des femmes incroyables qui n'avaient pas froid aux yeux. Oui, que des femmes, des conquérantes de l'horizon, des farouches guerrières de l'espace. C'est ce qui a plu à Max ; si petite et frêle d'apparence, mais hargneuse et terrible quand il est temps de montrer des dents. Ce qu'elle ne peut imposer par sa carrure ou par la force, elle l'impose par la ruse et le charisme. Elle n'a pas froid aux yeux et elle sait se faire entendre.

MISERY LOVES COMPANYElle n'a jamais eu l'ambition d'aller sur Terre, ni de découvrir ce monde qui était autrefois le foyer de l'humanité. La Terre, c'est le Triumvirat désormais et le Triumvirat, c'est ce qui est à l'origine de l'effondrement économique qui a atteint Keller et donc, ses parents. Tout ce qu'elle y voit, c'est un peu de profit supplémentaire. Oubliés les pillages d'épaves et de stations, Max a mis le cap en direction de la Planète Bleue en 2222, dès que les commandes de la Valkyrie lui ont été transmises. Les pirates se sont mises à transporter des réfugiés, moyennant de l'argent ou des pièces technologiques de grande valeur. Il y a bien plus à gagner à profiter de la misère des autres, c'est la dure leçon qu'on lui a enseigné, autrefois, et elle l'a appliquée consciencieusement.

EVERYTHING I NEEDÀ bord de son vaisseau, Max a passé les meilleures année de sa vie. Elle connaissait la Valkyrie comme sa poche et le dirigeait avec aisance, elle s'entendait terriblement bien avec chaque membre de l'équipage, y compris la nouvelle, qu'elle a engagée dès son accession au poste de capitaine. Elles avaient longtemps collaboré ensemble, Joe avait quelque fois bricolé son vaisseau de course sur Keller, puis elle était restée son contact privilégié par la suite. Au moment de devoir retrouver un nouveau membre d'équipage, la question ne s'est même pas posée : c'est elle qu'elle voulait à bord. Heureusement, les collègues l'ont tout de suite adoptée. Bien que réservée, elle avait le savoir-faire qu'il fallait et la ruse nécessaire pour ne pas se faire bouffer toute crue. Et au fil des semaines, Max est lentement tombée sous le charme, mais elle ne la voyait pas. La jeune pilote a toujours aimé les femmes. D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, elle préférait admirer leurs courbes délicates aux carrures plus fortes et lisses des hommes. Si sur Keller, elle a quelques fois eu des aventures – plus ou moins longues sur la durée – sa réelle première relation sérieuse s'est faite sur la Valkyrie. Non pas avec la douce ingénieure, mais avec leur médecin de bord. Olivia avait quelques années de moins qu'elle, des boucles brunes et des yeux gris ; elle était aussi tendre qu'elle était intransigeante et elle n'avait pas son pareil pour les jurons. C'était une relation affectueuse et sincère, sans être une passion à en perdre la tête. C'était un feu d'artifices, pas une explosion.

IT'LL END IN TEARSTout était de sa faute. Elle se le répète encore aujourd'hui, parce que c'est plus facile ainsi, plus facile que d'admettre que les torts étaient partagés, plus facile que de songer à ce qui aurait pu être fait pour éviter ça, plus facile que d'admettre que c'était la seule solution. Il y avait les tirs et il y avait la panique. Les réfugiés criaient leur angoisse à tribord, Lucy était partie aider Amaury aux canons à bâbord, Olivia était avec elles, en train de rassembler le matériel médical pour s'occuper de leurs invités ; l'un d'eux s'était violemment cogné la tête dans une manoeuvre risquée. Et des risques, elle en a pris, Max. Aujourd'hui encore, elle en sait pas ce qui les a menées à ce fiasco. Était-ce le douanier qui avait merdé, étaient-ce les réfugiés qui ne s'étaient pas faits assez discrets, était-ce elle qui n'était pas assez éloignée de la portée de leurs radars ? Le vaisseau a été trop endommagé, Max peinait à distancer l'ennemi et pratiquement tous les voyants étaient au rouge. Elle ne pouvait manoeuvrer et s'occuper de ça, elle avait besoin que quelqu'un agisse, et vite ! Et c'est bien ce qu'il s'est passé. Joe a agi, vite – trop vite. Ils ont fini par semer leurs poursuivants, ils ont fini par les distancer et par avancer au coeur des étoiles dans un vaisseau miraculeusement encore entier. Et dès qu'elle l'a pu, Max a quitté son poste pour hurler sa colère et sa détresse. Au fond, elle sait, elle le sait très bien, que Joe a pris la seule décision nécessaire, celle qui leur sauverait la vie. Elle se rappelle encore le regard des réfugiés, de ces hommes et de ces femmes, de cet enfant, même, qui les accompagnaient. Elle revoit leurs visages parfois, la nuit, en fermant les yeux. Mais elle n'arrive pas à passer à autre chose. Elle rejoue sans cesse le film de ces événements en cherchant le moment où tout a basculé, en étudiant tout ce qu'elle aurait pu faire pour l'éviter. Et elle en veut encore à Joe. Elle lui en veut, même si elles ont décidé de faire la paix, elle lui en veut en espérant que ça l'aidera à dormir car elle aura un vrai coupable à pointer du doigt. Mais ça ne marche pas. Ca ne marche jamais.

SAIL ON, MY LITTLE HONEY BEE C'était pas tous les jours facile, de se retrouver là dehors, pour récupérer de la ferraille sur de vieilles carcasses de vaisseaux ou de partir à la chasse à l'astéroïde. Mais travailler, c'était toujours mieux que l'alternative. Arrivées en 2226 au sein de la flotte, Joe et Max ont amarré la Valkyrie sur le Colossus 5, elles ont débarqué leurs passagers puis elles ont à nouveau répondu à toutes les questions des douaniers. Les pirates ont montré patte blanche : après des années à jouer les passeuses entre la Terre et la flotte, il était temps de tourner la page. Piloter une abeille, c'était un peu comme troquer sa voiture de course pour un vieux tacot essoufflé. Mais elle s'y est fait, à ce quotidien, dans sa combinaison jaune, elle s'y est fait à l'étrange mode de vie de la Flotte. Elle a même réussi à se faire quelques amis, à faire passer le temps entre deux missions en partageant un verre avec les collègues ou en allant voir des parties de ce sport zéro gravité qu'elle ne connaissait pas avant d'arriver ; à présent elle y joue même parfois, uniquement pour le plaisir et pour se vider la tête. Elle vit toujours dans la Valkyrie, qu'elle voit reprendre vie peu à peu, à mesure que Joe la retape avec leurs maigres moyens. Ca n'en chasse pas vraiment les souvenirs, mais c'est un début, peut-être.

WHERE IS MY MINDMax n'est pas faite pour l'immobilité, elle le sait. L'extraction, ça va bien un moment, mais elle a besoin de plus de suprises, de plus d'aventures et d'adrénaline. Les dernières élections l'ont rendue perplexe ; elle ne se mêle pas beaucoup à la politique de la Flotte, ça ne l'intéresse pas tellement. Cela dit, elle tend toujours l'oreille pour flairer les bonnes occasions et l'ouverture de la commission l'a immédiatement intéressée. En bonne Kellari, elle sait qu'elle serait plus utile à la Flotte dans un poste tel que celui-ci et elle postule dès qu'elle le peut. Elle n'en parle qu'à quelques personnes autour d'elle – quelques personnes mais pas à Joe. Alors quelle n'est pas sa surprise quand elle apprend que c'est elle, la commissionnaire qu'elle accompagnera. Elle ne sait pas encore si c'est une très bonne idée, mais elle ne veut pas renoncer à son affectation. Elles auront tout le temps pour réaliser si c'est une erreur ou non.