« Je m'abstiens. »

Evelyn ne peut se retenir de frotter ses mains sur son visage, comme si ça ferait disparaître le compte holographique qui dansait doucement devant l’assemblée. Le tintamarre des protestations et des acclamations n’est qu’un bourdonnement diffus à ses oreilles le temps qu’elle recouvre l’usage de ses sens engourdis par la triste réalisation qui venait de s’abattre sur elle. Malgré la voix forte de Warner au-dessus du brouhaha, tous ne se sont pas tus et c’est Evelyn qui hausse le ton à son tour pour faire régner l’ordre dans la salle. « Je propose… » fait-elle en se levant, toisant l’assemblée pour faire taire d’un regard les dissidents, « … que nous limitions au maximum les crimes assujettis à cette peine, quoi qu’il en soit. Étant donné que la loi martiale n’est plus, je suis d’avis que les tentatives de désertion, espionnage et mutinerie soient rétrogradés à des peines de type 3, et que le sabotage doive causer la mort d’autrui pour être qualifié de crime de catégorie 4. »

"Je suis d'accord pour la désertion et la mutinerie, mais l'espionnage ? Au contraire, ça me semble important de garder des mesures fortes à l'encontre de ce genre de crime, surtout avec l'ouverture des frontières."

« Notamment avec ce qui s'est passé dernièrement avec Keller. »

« J'aimerais faire écho au capitaine Rizzuto, qui résume parfaitement ma pensée. Il s'agit de bâtir une société qui, dans un avenir que l'on peut espérer rapproché, n'aura plus les contraintes d'espace et de ressources que nous vivons actuellement. Ceci étant dit, j'aimerais rappeler à miss Huang que l'attaque à laquelle elle fait référence, et qui, je suis sûre, est loin d'être oubliée, n'a rien à voir avec des Stellariens. Il s'agit d'agents extérieurs et en aucun cas des peines aussi ridiculement sévères ne changent quoi que ce soit à notre capacité de nous défendre contre des étrangers. Les Stellariens n'ont pas à payer pour la barbarie d'autres. C'est pourquoi je vous suggère avec égard de laisser ceux qui savent de quoi ils parlent débattre, à moins que vous soyez assurée que ce que vous avez à partager n'est pas une telle ânerie. » Elle marque une brève pause. « À défaut d'être entièrement d'accord, ce que propose le capitaine Andak me semble être la meilleure solution pour l'instant. »