Shayan Mast 33 ans, infirmière

---

Les remontrances n’étaient pas à son goût. Le regard brun de Shayan se fit dur et elle se renfrogna aussitôt. Ne consentant à avancer vers Jenny qu’après un dernier regard en arrière, s’attendant presque à entendre un appel ou un signe sous n’importe quelle autre forme qui justifierait une bravade. Tant qu’ils n’avaient pas de réponse de l’autre équipe, ils ne pouvaient pas prendre de décisions. Ils avaient Mira, et elle savait sa collègue compétente mais le savoir ne l'empêchait pas de s'inquiéter. Pourtant, elle savait que si l'autre équipe ne répondaient pas tout de suite, cela ne voulait pas non plus dire qu’il leur était arrivé quelque chose de grave. Ils avaient peut-être juste d’autres chats à fouetter avant de leur répondre dans l'immédiat. L’infirmière passa à nouveau son poignet sur ses yeux pour les dégager et se pencha sur le front de la spéléologue en sortant des compresses de la sacoche accrochée à sa taille.

— Tête en arrière, Jenny.

L’enjoint-elle avec un petit mouvement du menton. Le sang coulait, mais les plaies à la tête étaient toujours plus impressionnantes qu’en réalité. Shayan s’attaqua à l’entaille près de la ligne de cheveux avant de dégager le sang de ses yeux et de son front. Un coup de désinfectant et la pose d’un strip et d’un pansement plus tard, le plus gros était traité. Mais avec un coup sur la tête, c’était plutôt le risque de commotion qui l’inquiétait. Elle testa la réactivité des pupilles de Jenny en faisant jouer sa lampe frontale puis se recula.

— Voilà, c’est nettoyé. Ça risque de faire mal pendant un petit moment encore… Je te donnerai quelque chose en sortant si c’est trop douloureux. Si tu as des vertiges, dis le moi tout de suite.

Recommanda-t-elle en rangeant son matériel. L’idée de reprendre le chemin ne lui apparaissait toujours pas comme une idée brillante mais elle se plierait aux ordres. Ils ne savaient rien de se qui se passaient derrière eux et ils avançaient peut-être sans savoir si le chemin du retour les attendait dégagé ou si la terre les avait avalés. Ne pas savoir mettait ses nerfs à vif. Elle jeta un coup d'œil aux autres membres de l'expédition, cherchant un appui ou un signe qui lui prouverait qu'elle n'était pas la seule à renâcler.

JENNY POIRIER 35 ans, spéléologue

---

Tout le monde va bien. Braxton prend le contrôle et ça laisse à Jenny un peu de temps pour souffler, pour calmer les battements effrénés de son cœur. Son équipe va bien, à en croire les croassements d’Abel et de Hamid, qui se rapprochent de son époux comme ordonné. Là où certains auraient pu croire à de l’autoritarisme, à des ordres là où il n’y avait pas lieu d’en avoir, la spéléologue n’entendait que le stress dans la voix étouffée de l’homme. Sa tête lui faisait toujours mal, et elle commençait à s’en rendre compte, la douleur pulsant au rythme de son cœur dans son crâne. Shayan s’approche, et Jenny penche la tête, obéissante malgré l’envie de protester. « J’vais bien », insiste-t-elle sans pour autant se défaire des soins consciencieux de l’infirmière. Elle plisse le nez à l’application du désinfectant, la sensation de vif picotement presque aussi désagréable que la douleur et la perspective d’une bosse considérable pendant plusieurs jours. Déjà aveuglée par la poussière qui s’était logée dans ses paupières, qui faisait doucement son chemin hors de ses yeux grâce aux larmes qui emplissait les coins de ses yeux – c’était pas à cause du caillou, promis –, la lampe de Shayan projetée dans ses pupilles achève de l’irriter, même si elle était consciente que c’était pour son bien. « Merci, Shayan. Je te tiens au courant. » Par réflexe, elle passe ses doigts sur le pansement, le frottant doucement à quelques reprises. La poussière achève de tomber, permettant à nouveau au groupe de se voir sans trop de mal. Ils étaient sales, mais vivants, et c’était ce qui comptait.

La radio émet un petit son strident avant que la voix de Regina ne se fasse entendre, arrachant à la spéléologue un soupir de soulagement. « Tout va bien aussi », qu’elle les rassure, sa voix laissant transparaître le sourire qu’elle arborait désormais. « On continue notre chemin, alors. On s’y voit bientôt. Terminé. » Requinquée, elle raccroche la radio à son épaule, puis ancre ses mains sur ses hanches pour observer le petit groupe. Ils y seraient bientôt, et ils pourraient ainsi se regrouper avec Jag et se concentrer sur ce qui importait vraiment : trouver ce qui clochait avec la terraformation. « Si personne n’a d’objection, continuons. J’estime que nous avons fait une bonne partie du chemin, déjà. » Signalant à chacun de reprendre sa place dans la formation, elle attend patiemment de se remettre en marche, malgré tout pressée d’être rendue au bout.

Dan Kipling 37 ans, garde

---

La radio grésilla en retour, laissant la voix de Jag résonner, pour leur annoncer qu’ils étaient  encore en état d’avancer, de quoi rassurer le garde.  Il était presque sur le point de faire demi-tour. Non seulement parce que c’était son rôle d’assurer la sécurité, mais parce que la mission dépendait de tout le monde, et puis peut-être parce que le tremblement de terre avait pu entraver leur unique sortie. Dans leur équipe seule Jenny semblait avoir été atteinte plus que de raison par les roches mais Shayan s’occupait déjà d’elle. Braxton avait émis l’avis de poursuivre, vite rejoint par les autres, et par Dan, qui avait laissé de côté l’idée de revenir sur ses pas. Après tout leur mission était prioritaire même s’il gardait quelques réserves.

- Demandons dans quel état est le chemin, histoire de savoir si on peut sortir par là où on est arrivé, mais ouais mieux vaut qu’on traine pas.

La voix rauque qui sortait de sa gorge malmenée par la poussière était à peine distincte. Il toussa pour récupérer un ton plus normal. Sa main papota son flanc à la recherche de sa propre radio, et il l’attrapa, pressant le bouton d’appel.

- Kol à Jag donnez évaluation de l’état du chemin d’accès. Kol. Terminé.

Seuls des grésillements lui furent rendus en retour, et jurant face au silence technique, il essaya sans succÈs d'ajuster les fréquences. La radio toujours en main, il se positionna à la tête du groupe, faisant signe au reste de l’accompagner. Avancer était difficile. Il n’y voyait quasiment rien. Se tournant vers le groupe il essaya de regarder Shayan pour voir si elle suivait, et la regarda furtivement, avant de reprendre la marche. Ses pas étaient désormais plus mesurés, le sable sous lui était maintenant recouvert de roches ausquelles il se heurtait, et il fallait redoubler de vigilence pour ne pas s’étaler.

- Faites attention où vous mettez les pieds c’est la folie par ici.

Shayan Mast 33 ans, infirmière

---

La voix de Regina voilée par les parasites de la radio fut un véritable soulagement. Donc l’autre équipe allait bien. Ria allait bien. Shayan sentit la tension dans ses épaules lâcher un peu de lest mais pas entièrement. Elle se sentait encore à cran vis-à-vis de l’intervention de « la plus haute autorité » actuelle. Et puisqu’elle n’avait pas d’objections légitimes ou constructives à opposer à Jenny, l’infirmière se remit en route avec le reste de la troupe, préférant éclairer le sol avec sa lampe frontale que de regarder les autres. Il fallait qu’elle pense à leur mission. Les autres colons comptaient sur eux. Ils ne pouvaient pas s’écharper comme des adolescents en excursion camping, ils devaient mener à bien ce qu’ils étaient venus faire là même si c’était dans la pire ambiance possible. Mauvaise ambiance alimentée de tous les côtés, songea-t-elle en entendant la remarque cassante de Braxton à Dan. La brune se raidit et ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil compatissant vers le garde. Surtout que ce foutu sismologue recommença quelques instants plus tard. Et lui, quel était son « atout premier » ?! Parce que diplomatie et management d’équipe ne semblaient pas faire partie de son kit de compétences.

Elle observa Dan regagner la queue de l’expédition et ralentit un peu la cadence pour se caler sur son rythme. Après l’intervention de Haas, elle se sentait obligée de dire quelque chose. Elle attendit quelques instants, ne sachant pas très bien quoi dire avant de se décider.

— Le pire, c’est que si cette expédition donne quelque chose, on pourra rien faire d’autre que s’extasier sur les bienfaits du travail d’équipe…

Souffla-t-elle avec un sourire rien qu’à l’intention du garde.

JENNY POIRIER 35 ans, spéléologue

---

Jenny pince les lèvres, embarrassée, imperceptiblement derrière son masque. Braxton prenait l’expédition au sérieux, et elle le savait fier de pouvoir y participer, tout comme elle l’était aussi. Or, leur groupe n’était pas composé uniquement de professionnels des chantiers, et il fallait s’y adapter. Elle préférait se dire que c’était la peur causée par l’éboulement et la blessure de sa femme qui le rendait si court, abrupt. Il renvoie Dan à l’arrière du groupe et elle en profite pour le rejoindre en quelques foulées rapides, baissant la tête pour éviter les protubérances rocheuses qui commençaient à se faire de plus en plus nombreuses et contraignantes. « Sois indulgent, chéri. Ils veulent tous bien faire. Ils n’ont pas l’habitude. » La voix basse, profitant de la distance qu’elle avait mise entre eux et le reste du groupe, elle lui sourit derrière son masque – il devinerait aisément la risette grâce aux pattes d’oies qui se dessinaient aux coins de ses yeux et le pétillant de ses prunelles marron. « Ça ne sert à rien de s’aliéner les autres sur un malentendu. » Elle avait dit ce qu’elle avait en tête et ça lui suffisait – elle passe donc aussitôt à autre chose, satisfaite de son intervention, poursuivant leur marche. Les tunnels étaient de moins en moins nets, comme s’ils avaient été creusés à la va-vite, ou alors par des machines défectueuses, et il fallait faire attention de ne pas décrocher des stalactites avec son front en n’étant pas suffisamment alerte. Son mal de tête ne se résorbait pas, mais c’était à prévoir, et surtout, elle ne pouvait rien y faire : elle s’affaire donc à l’oublier, autant que possible, en se concentrant sur leur avancée.

Dan Kipling 37 ans, garde

---

Tu passes devant, tu te mets derrière, fallait que les gens se mettent à se décider. Heureusement Dan était patient. Il stoppa dans son avancée, qui n’avait rien de très maladroite, malgré tout ce que pouvait en penser le reste de son équipe. L’un d’entre eux ne se priva pour lui faire une pluie de reproches déguisée de facon hautaine.

- Okayyyy.

La voix trainante de l’homme raisonna entre les parois. Dan était un gars tolérant mais ca aurait été plus agréable pour tout le monde si Braxton se détendait un peu le slip et arrêtait de donner des ordres. Le duo  mari femme était intenable. Leur rang d’expert ne leur donnait pas celui de chef tout de même. Il revint sur ses pas et ne manqua pas de toiser Braxton en passant.

- Mettez-vous d’accord avant qu’on arrive non ?

Surtout que mine de rien ca faisait des mois que la terre tremblait et le spécialiste qui ne se privait pas d’emmerder les autres n’avait toujours pas trouvé ce qui rendait Byblos invivable. De l’avis de Dan on pouvait parler à ce niveau d’une incompétence assez notoire. Heureusement il y eut le sourire de Shayan et il oublia tout. Il lui rendit à son tour un large sourire et marcha derrière elle, reprenant son rôle de gardien, s’assurant que tout le monde suivait. Lorsque finalement quelques mètres plus loin, ils rejoignirent Braxton qui les avait devancé, il lui mit sa main sur l’épaule, la serrant de facon amicale. Les mots que Braxton avaient lancés quelques minutes plus tôt n’étaient pas importants. Il lui parlait comme s’ils étaient des potes de toujours, et Dan quand il s’y mettait, ne gardait pas tellement de distance.

- Au fait Richter, tu nous parles plus de ce tremblement de terre qui nous a foutu dessus, il s’est passé quoi à ton avis ?

Braxton Haas 45 ans, sismologue

---

Tu entends bien Jenny, qu'il faut savoir être indulgent, que vous êtes prisonniers tous les 6 dans une atmosphère étouffante, glauque et obscure. Tu comprends ce qu'elle veut dire, mais la stupidité équivoque et le manque de sérieux ou de professionnalisme de certains apparaissent comme des exutoires nécessaires face au stress que tu rencontres toi même. Tu décides pourtant de prendre au mot ta femme, pour le bien commun. Tu te contentes donc de grincer des dents lorsque la voix de Dan résonne, tu l'ignores d'ailleurs quand il passe, préférant te dire que parler aux cons avait tendance à leur apprendre des mots dont ils ne connaissaient ni l'essence, ni le sens. Tu t'arrêtes pour consulter à nouveau tes données qui se compilent, les algorithmes accélérés par les calculs opérés par les programmes sous-jacents de la technologie fédérée. De nouvelles données, irrégulières et inquiétantes apparaissent par vagues depuis l'incident.

La main sur ton épaule, trop large pour être celle de ta femme, te crispe et tu fronces les sourcils pour lancer un regard courroucé vers Dan. Tu roules de l'épaule pour te libérer afin de t'éloigner à nouveau de quelques pas. « Je ne vous en parle pas parce que ce n'était pas un tremblement de terre, Dan. » Tu poses le terminal à plat sur ta main, baissant le bras de manière à ce que tout le monde puisse voir les résultats des analyses des sismographes que tu avais semé jusqu'ici. « Ce qui nous est tombé dessus n'est pas dû à un mouvement de plaques, ni même souterrain. Il a dû se passer quelque chose à la surface ou derrière nous qui a provoqué cet effondrement. » Tu pointes du doigts les données, ne comptant toutefois pas trop sur la compréhension de plus de deux personnes. Tes dents raclent tes lèvres tandis que tu pèses tes mots, cherchant une façon diplomatique de le dire et tu cherches le regard de Jenny avant de lâcher : « Jag doit en savoir plus. » Ton doigt glisse jusqu'aux dernières données répertoriées et tu tapotes quelques pics. « Ça, par contre c'est arrivé juste après et je ne sais pas ce que c'est. Ça vient du sol. Je n'ai jamais vu ce genre de phénomènes. » Tu relevais la tête, cherchant le regard de ta femme et d'Abel. « Je n'aime pas ça du tout. »

Pour faciliter la compréhension des donnés, le terminal de Braxton affiche une carte de l’activité sismique. Abel, resté jusque lors bien silencieux, sort soudainement de ses pensées en posant son doigt sur la carte. « Ca a bougé ! Haas, montrez vos précédentes analyses.  » L’ingénieur pointe les différences géographique de l’activité souterraine. Il remonte ses lunettes sur son nez puis continue d’illustrer la carte. « La salle de terraformation se trouve juste ici et l’activité juste là, puis là et enfin près de nous, ici. Soit ça nous suit, soit ça se dirige vers la salle. »

Et comme dans un timing presque parfait, une fois sa déduction prononcée, le sol sous vos pieds vibre. La secousse est légère mais vous vous y connaissez assez pour savoir ce que c’est. Abel regarde derrière lui alors que vous avez tous le réflexe de regarder plutôt sous vos pieds. L’homme ne semble pas tout dire. On devrait se dépêcher. Plus vite je remets le système en route, plus vite on en finit. »

JENNY POIRIER 35 ans, spéléologue

---

Même si c’était déjà partiellement le cas, Jenny aurait voulu être six pieds sous terre si ça avait pu lui éviter la confrontation entre Dan et Braxton, qu’elle espérait passagère. Elle ne savait pas comment interpréter la réaction et l’attitude de Dan, tantôt hargneux, tantôt sympathique, et bien que son époux semble faire preuve de maturité en préférant l’écouter, elle ne sait pas trop s’il tiendra le coup bien longtemps. C’est finalement en silence qu’elle s’intéresse à ce que le sismologue peut dire, jetant un coup d’oeil à son terminal pour constater les données qu’il consent à leur montrer. Elle ne comprend pas grand-chose, à vrai dire, mais elle déduit aisément ce que Braxton peut sous-entendre. Il devait être arrivé un souci à Jag, un éboulement, une chute, et qui aurait causé les secousses. À en croire les dégâts – et la douleur lancinante qui lui vrillait la tête – ce n’était pas rien, mais ils les avaient assurés qu’ils allaient bien. Ils ne pouvaient rien faire de plus désormais.

C’est finalement la suite qui la fait arquer les sourcils, lorsqu’Abel prend la parole pour ce qui lui semblait être la première fois depuis le début de l’expédition. Il avait toujours été timide, peu loquace – voire peu éloquent, si on en croyait Jenny –, mais elle était disposée cette fois à l’écouter sans rouler les yeux vers le haut. Possiblement parce qu’il n’avait pas cette condescendance qu’elle lui reprochait constamment, plutôt une sorte de préoccupation mal cachée. « Qu’est-ce que -- » entame-t-elle avant de s’interrompre net en raison des tremblements qui font vrombir le sol et détacher des petits cailloux du plafond. Par réflexe, elle monte le bras au-dessus de sa tête, le regard baissé vers le sol, mais rien ne la touche cette fois. « Qu’est-ce que ça veut dire, ça? » qu’elle reprend, mais Abel demeure silencieux, le regard rivé vers l’arrière avant de les enjoindre à tous accélérer le pas.

Elle n’aimait pas ça, Jenny; n’aimait pas sentir qu’il savait un truc qu’il leur cachait, mais faute de preuve, et jugeant que son opinion était biaisée par son irritation naturelle vis-à-vis de l’ingénieur, elle se tait, ajustant plutôt les bretelles de son sac à dos sur ses épaules avant de tourner les talons, avançant à grandes enjambées dans la seule direction qui s’offrait à eux.

Shayan Mast 33 ans, infirmière

---

Pas un tremblement de terre ? Shayan redressa la tête vers le sismologue, curieuse de savoir ce qui avait provoqué ce souffle phénoménal un peu plus tôt. Un sentiment des plus désagréable, comme si on l’avait branchée à un courant électrique ou qu’une main de titane compressait son pancréas, venait de se manifester. Ce n’était pas de la panique, mais on avait déjà dépassé le simple stade de l’inquiétude. Avec toute cette roche qui les entourait, difficile de mettre de côté l’idée qu’elle pouvait à tout moment les avaler de manière définitive. Son regard se posa sur le terminal que Braxton tenait en évidence pour en faire profiter tout le monde avant de se rendre compte qu’elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle regardait. À la place, elle se raccrocha à l’expertise du sismologue. Un effondrement serait logique. Vu le nombre de pierres qu’ils avaient croisé et qu’ils avaient dû déplacer plus tôt, il fallait croire que ces boyaux de terre n’étaient pas si solides que ça. Une pensée parfaite pour alimenter l’appréhension générale. Et s’ils étaient bloqués sous terre ? Seule une grosse roche pouvait déplacer autant d’air, non ? Non. L’équipe Jag aurait eu la décence de les prévenir.

La suite, en revanche, accentua ce maudit sentiment qui la tenaillait. Personne n’aimait quand il se passait des choses que les experts ne pouvaient pas expliquer. Et ni Braxton ni Abel n’avaient de quoi les rassurer. Comment ça « ça » le suivait ? Ça ne pouvait pas les suivre. Ils n’avaient ni matériel ni superpouvoir pour déclencher ou attirer quoi que… Comme pour la détromper, le sol trembla de nouveau. Quand Shayan redressa la tête, elle sentit que le mode panique n’était plus très loin. L’idée de se retrouver coincée dans cet endroit, prisonnière ou écrasée, n’était pas aussi séduisante qu’on pourrait le croire.

— Et bien allons-y alors, ne restons pas plantés là. Il doit bien y avoir une forme de structure pour protéger le matériel dans la salle, on y sera déjà plus en sécurité qu’ici…

À l’abri des pierres qui pourraient leur tomber dessus. Elle emboita le pas à Jenny et se fit violence pour maîtriser son souffle qui s’emballait et prendre de longues inspirations calmes et posées.

Dan Kipling 37 ans, garde

---

Le groupe avait repris son avancée et Dan s’était mis de nouveau après le groupe, examinant du regard les roches autour d’eux, de ses yeux intrigués. Il y avait de quoi s’extasier. De flipper aussi avec la terre qui avait décidé d’être inhospitalière, mais peu importait au final, l’endroit avait un aspect impressionnant. Toujours attentif aux autres, il remarqua sur l’une des parois un éclat et s’approcha pour l’examiner. D’un geste rapide du bout de l’ongle, il gratta autour pour voir s’il pouvait le détacher et y parvint assez rapidement. Et au creux de sa paume il y avait désormais cette pierre précieuse dont il ignorait totalement la valeur mais qu’il trouva plutôt jolie. Il la garda avec soin et lorsqu’il fut de nouveau près de Shayan, lorsque le groupe marqua un nouvel arrêt, il profita que personne ne soit près d’eux pour lui tendre sa récente trouvaille.

- Tiens pour me faire pardonner d’avoir été un abruti la dernière fois.

Il ne resta pas longtemps à essayer de discuter si cela lui plaisait ou non, il espérait que ca soit le cas, mais c’était le mieux qu’il pouvait faire. Ca lui avait pris du temps de dire les mots enfin espérés. Il avait pourtant réussi. Avec un diamant en prime ca le faisait presque.

Ils reprirent leur marche. La salle de terraformation n’était plus très loin et après plusieurs minutes, ils y parvinrent. Les machines s’étalaient sous leurs yeux. Dan qui n’avait jamais mis les pieds dans le coin marqua un arrêt, ses yeux s’attardant sur l’installation, pour laquelle ils s’étaient préparés. Il resta un moment en silence, appréciant la nouveauté, avant de se refocaliser rapidement, puisque maintenant il s’agissait de trouver ce pourquoi ils étaient venus ici. Scrutant avec soin l’appareillage devant lui, il tenta de se faire une idée de ce qu’il fallait faire, et de la meilleure route qu’il leur faudrait prendre.

Braxton Haas 45 ans, sismologue

---

Il y avait ceux qui étaient pressés par l'urgence de la situation et il y avait Dan et Hamid qui semblaient vivre dans une autre dimension. Tes sourcils froncés, tu t'arrêtes pour observer ce que fait le garde, t'attendant presque à le voir découvrir quelque chose d'important ; une faille, une marque, quelque chose qui vous indiquerait qu'ils étaient proches de la salle de terraformation. Non. Non, il venait de sortir un vieux caillou du mur. Tu soupires et tu rejoins Abel qui avance sans rien dire malgré les questionnements de ta femme. Son manque d'explications t'énerve également et tu commences à comprendre – poussé par l'atmosphère tendue du groupe – ce qui énerve tant Jenny à son propos.

Alors que vous reprenez la marche, certains de la route à suivre, tu ralentis pour te retrouver à la hauteur de Dan à qui tu mets une tape sur l'épaule. « Je comprends que vous essayez de rassurer Shayan, mais vous pourrez compter fleurette quand nous serons en sécurité, Dan. » Tes yeux fixés sur le dos de Jenny devant vous, tu te retiens d'accélérer pour la rejoindre. Elle est bien silencieuse et sa maturité vis à vis d'Abel fait passer tes actes pour bien puérils. « On compte sur vous. » Que tu finis par lâcher à l'attention du garde. Tu baisses les yeux sur ton terminal sur lequel tu suis la progression des secousses et des tremblements.

A quoi vous jouez, Jag

Lorsque l'espace s'agrandit, tu rejoins en trottinant Abel et Jenny, jetant à peine un coup d’œil aux machines qui vous entourent. Si l'endroit s'écroulait sur vous, tu aurais l'éternité pour admirer ton tombeau. Tel un petit canard, tu colles aux basques d'Abel. L'homme n'a pas décroché un mot, son silence t'énerve et tu es certain qu'il y a des données qui te manquent. Le spécialiste en terraformation, les secousses qui ont suivi l'arrivée de la Fédération, les éboulements, Jag, tout ça faisait beaucoup trop de coïncidences. « Abel ! Tu vas daigner nous expliquer ce qui cloche ? » Tu lui attrapes le bras alors que vous continuez à marcher, tu n'hausses pas le ton pour ne pas attirer l'attention des plus jeunes du groupe.

Shayan Mast 33 ans, infirmière

---

Alors qu’elle s’efforçait de repousser du mieux qu’elle pouvait toutes ses appréhensions dans un recoin de son crâne, Dan se matérialisa à ses côtés pour lui tendre quelque chose. Il savait choisir son moment, celui-là. Par reflexe, elle tendit la main et se retrouva avec un objet froid et irrégulier entre les doigts. Curieuse, elle baissa les yeux pour découvrir une petite pierre aux aspects irréguliers qui brillait de mille feux dans le faisceau de sa lampe frontale. On aurait dit un diamant ou une pierre de verre en imitant l’aspect.

À son grand soulagement, il ne s’éternisa pas pour voir l’effet de son cadeau et de ses mots. Shayan n’aurait pas su quoi dire et il lui épargnait d’avoir à se casser la tête pour trouver quelque chose malgré tout. Elle fit jouer la pierre brute entre ses doigts puis capta le regard de Braxton en redressant la tête, entendit son ton, et la glissa dans une poche de sa combinaison avant de reprendre la route. Malgré ce qu’elle pouvait penser du sismologue et de son ton paternaliste, il avait raison sur ce point. Ils devaient se mettre en sécurité avant de pouvoir penser à autre chose. C’était leur priorité, même avant celle de trouver ce qui n’allait pas avec le matériel de terraformation. Aucune crêpe humaine ne pourrait s’occuper du problème et permettre à leur colonie de survivre s’il leur sécurité se trouvait compromise.

Mais si l’infirmière pensait retrouver un semblant de sécurité en gagnant la salle des machines, elle semblait s’être bien trompé. Même dans l’espace de la salle, les secousses continuaient à se faire sentir et l’intervention d’Abel n’avait rien fait pour les aider à se sentir en sécurité. D’ailleurs, elle ne semblait pas être la seule à redouter ce qu’il aurait à dire. Alors qu’elle faisait le tour des installations – plus pour se donner quelque chose à faire qui l’empêche de s’inquiéter que par réelle utilité – elle vit le sismologue de l’équipe empoigner Abel par le bras et lui glisser quelque chose qu’elle ne réussit pas à entendre. Qu’est-ce qu’ils trafiquaient tous les deux ? Elle fit demi-tour et accéléra le pas pour rejoindre Jenny. Ses poings et ses pieds la démangeaient et elle aurait bien tapé dans un sac de sable pendant dix bonnes minutes pour se débarrasser de cette sensation de ne rien contrôler. Elle se posta près d’elle et demanda à voix basse pour contrôler les modulations de sa voix :

— Jenny. Qu’est-ce qu’on fait ? Qu’est-ce qui se passe ? De quoi parlait Abel tout à l’heure ?

Vous pénétrez enfin dans la salle de terraformation. La porte par laquelle vous entrez est banale mais la pièce qui se trouve derrière est tout autre chose. Rien n’avait laissé imaginer un endroit aussi vaste : creusé à même la roche, sans murs, ni plafond, juste une grande tanière. L’installation principale, imposante est installée au centre. Elle prend racine profondément dans le sol sans savoir jusqu’où et remonte tout aussi. La machinerie principale semble puiser profondément dans le sol une ressource qui vous échappe et remonte tout aussi haut. Les grilles qui font office de plancher donne un aperçu de la profondeur qui se trouve sous vos pieds.

Abel sursaute quand il est secoué par Braxton. Il remet ses lunettes en place et regarde autour de lui. « Rien. C’est qu’une rumeur qui m’inquiète… C’est débile. Dan ! Allez avec Haas voir ce qu’il se passe avec le générateur. Je crois qu’il manque de puissance.   »

Jenny et Shayan, en vous écartant de la machinerie (et du reste de votre équipe) pour observer les lieux, vous remarquez que les secousses ont aussi fait des dégâts dans la salle. Il y a des fissures dans les parois, des rochers de taille diverse qui jonchent le sol et toujours cet amas de poussière qui rend l’air lourd. Vous arrêtez votre pas devant une faille plus large. Ce qui vous attire réellement c’est la lumière qu’elle émet, tamisée mais agitée. L’une de vous passe à peine la main dessus que la parois s’effrite et offre soudainement une plus grande ouverture sur un tunnel.

« On est arrivé ! » Avec surprise, vous entendez la voix de Ria toute enjouée.  « On les a retrouvé ! »

L’équipe Jag a décidé de prendre cet étonnant raccourci qui menait directement à la salle de terraformation. Un tunnel qui n’était pas recensé sur vos cartes. Il partageait un mur commun avec la salle qui, à peine épais, s’est effondré d’un simple contact. Les deux équipes sont désormais réunis, et ce plus vite que prévu.


Shayan et Jenny passe dans le sujet l’équipe Jag. Jenny s’intéresse à l’étrange formation du tunnel, tandis que Shayan remarque la blessure de Quinn et s’empresse de s’assurer qu’il n’a rien.

Jackson et Kaya vous rejoint dans ce sujet. Jackson apporte le matériel à Abel et Kaya demande aussitôt un rapport sur l’état de la salle.

Dan Kipling 37 ans, garde

---

Décidement il y en avait des mystères dans cette salle de terraformation et Dan qui n’était pas stupide, mais qui restait un homme simple dans ses pensées, se demandait pourquoi on ne pouvait pas parler directement de ce qui n’allait pas. Tout le monde semblait vouloir garder ce qu’il savait pour lui. Aux yeux du garde c’était très peu productif. On lui donna pour mission d’aller faire un tour et il hocha machinalement la tête. Ca au moins il savait faire. Il n’y avait pas de grands mots mais enfin de l’action, ce qui était plus son domaine. Marchant en tête du groupe qu’il faisait avec Haas, il descendit au premier niveau de la machinerie en passant par l’une des échelles. Il n’était pas question de perdre du temps, et les deux hommes se rendirent au générateur principal. Dan n’était pas un expert en mécanique, mais il apparut assez vite que la raison principale de la perte d’énergie était simplement qu’un morceau important de roche s’était détaché du haut de la cave et s’était abattu sur une partie du générateur. Les décombres autour d’eux s'amoncelaient, et la partie du générateur qui avait souffert le plus semblait dans un sale état.

Arrivèrent sur ses entrefaits l’équipe JAG, et Kaya qui demanda un rapport eut droit à une simple explication.

La lampe braquée sur le générateur défaillant, Dan ne s'étala pas en discussions superflues.

- On vient juste d’arriver, mais à priori c’est là que c’est la merde.

Pour le reste ils n’avaient pas encore eu le temps de regarder, mais Dan était ravi de voir Jackson, parce qu’il le savait mécanicien, et qu’il était le plus à même de faire un état des lieux.

- T’en penses quoi Kranz, y’a un truc à sauver ?

En les regardant il apparaissait que l’équipe JAG avait aussi souffert de l’avancée à travers la roche, et il se mit à rire, mais pas méchamment, parce que lui-même ne ressemblait plus à rien.

- Vous faites peur à voir, qu’est-ce que vous avez fait pour nous rejoindre aussi vite ?

Il ne les avait pas vus venir du raccourci.

- On avait plus de nouvelles avec cette fichu radio, tout le monde est okay ?

Kaya Ongaro quarante-trois ans,observatrice

---

 Enfoncés dans le tunnel, Kaya se concentre davantage sur ses pas que sur l’obscurité qui les entoure. Puis, finalement, ils rejoignent la lumière, et retrouvent par la même occasion le reste de l’épique. Les retrouvailles se font par effusion pour certains. Mal à l’aise, l’observatrice reste en retrait et s’attelle plutôt à enregistrer le maximum de données et de photos, tout en dictant des mots précipités pour relater les derniers évènements. Elle vérifie minutieusement les cartes, mais ne repère (comme elle s’en doute) aucune mention sur celles-ci de cette pièce. « Kol ? Un rapport, s’il vous plait, elle fait peut-être un peu trop sèchement mais une drôle d’impression qui lui colle au ventre (et surtout persuadée que ce n'est ni le lieu ni le moment de se tomber dans les bras les uns des autres) avant de se tourner vers Dan. Notre radio a rendu l’âme à cause de l’éboulement d’un des échafaudages, impossible de la réparer. Mais ça a dévoilé ce passage, elle ajoute en le désigne du bout du doigts. Deacon est blessé, mais pour l’instant il tient sur ses jambes. Pour le reste, plus de peur que de mal. Une idée ce que pourrait être cette salle ? elle demande pour tout le monde.»

Braxton Haas 45 ans, sismologue

---

La réponse d'Abel t'énerve autant que sa volonté de t'éloigner. « Une rumeur ? » que tu siffles entre les dents, essayant de tirer encore quelque chose du doyen avant de finalement te détacher pour te dépêcher de rejoindre Dan. La descente se fait sans encombres et tu accueilles d'un bref coup d’œil les nouveaux arrivants de l'équipe Jag. Irrité autant par l'intervention de Dan que celle de Kaya, tu réponds un peu abruptement. « La salle de terraformation, le générateur est à moitié détruit, les secousses ne viennent pas de la planète. » Laissant à Dan le loisir de répondre au reste des questions de l'observatrice, tu remontes  l'échelle pour observer le reste de la salle et retourner vers Abel, autant pour prendre le temps de te calmer que pour prendre le temps de mâcher tes ressentiments. « Abel ! Abel, le générateur est à moitié détruit, Kranz et une partie de Jag s'y trouve avec Dan. Où est Jenny ? » Persuadé de la retrouver avec lui, tu jettes un regard autour de vous. Peu inquiété par la blessure de Deacon, tu l'étais certainement plus pour ta femme et par les silences d'Abel. « La rumeur, c'est sur les fédérés qui auraient fait quelque chose ? » Tu le savais qu'ils avaient provoqué des changements, qu'ils étaient probablement responsable des incidents mais qu'ils avaient aussi sûrement influencé sur des données qu'ils n'auraient pas dû et tu hésitais un instant à faire disparaître le terminal, peut-être que lui aussi influençait sur tout ça.