Aller faire le tour d'un oasis lui apparaissait comme étant la meilleure des idées pour le moment. Akum avait envie de peindre cette planète sous toutes ses coutures, depuis les endroits les plus désertiques et invivables jusqu'à ses plus beaux et luxuriants écosystèmes. Il avait envie de tout savoir sur la nature, de tout comprendre. Il avait envie de se battre contre cette gravité qui le clouait au sol et de résister à cette impression étrange qu'il allait être aspiré par le ciel. Il voulait comprendre pourquoi la Terre tremblait et capturer l'essence même des quelques pluies qui tombaient parfois en hiver. Il voulait que chacune de ses aquarelles retranscrivent parfaitement ce que ceux qui n'étaient pas habilités à venir manquaient, afin de le leur offrir tout de même. Aucun doute que la flotte allait regorger de paysages de Byblos, dès son retour.

Rejoindre l'oasis n'avait pas été si compliqué, rétrospectivement. Il n'était pas vraiment interdit de s'y rendre, simplement d'essayer de nager dedans. Akum savait nager, son père secouriste l'avait emmené aux piscines de la flotte pour lui apprendre, cependant il n'aurait sans doute pas tenté sa chance ici. Il y avait des limites à ce qu'il était prêt à faire en toute illégalité et déclencher un incident diplomatique tout en le payant de sa vie en faisait partie. Aucune chance qu'il ne s'amuse à ça, donc.

De plus, il y avait une autre raison pour laquelle il ne comptait pas commettre de délits en cette journée et cette raison était qu'il n'était pas seul. Il avait invité Nova à venir avec lui pour passer un peu de temps ensemble dans un autre contexte que le travail ou les décors vus et revus de la flotte. Une balade inoffensive en terre à moitié inconnue, au milieu d'une végétation tropicale, voilà qui avait un goût d'aventure-mais-pas-trop qui convenait parfaitement au jeune homme. Ils étaient donc partis à deux, assez tôt le matin pour ne pas être complètement anéantis par la chaleur dès le départ et c'est dans une atmosphère de fébrilité qu'ils s'étaient mis en route.

Il y avait plusieurs raisons qui avaient poussé Akum à demander à Nova de l'accompagner plutôt qu'Aileas, mais la principale était simplement que depuis qu'il avait décidé de garder le secret de la maraîchère, les deux jeunes gens s'étaient beaucoup rapprochés. Ses allers et venues chez elle s'étaient multipliés pour satisfaire leur curiosité à propos des plantes qu'elle faisait pousser en toute illégalité dans sa chambre et la préparation d'un plan pour en récupérer encore plus n'avait pas manqué de resserrer des liens que le secouriste voyait tranquillement se former entre eux. Or, quoi de mieux qu'un décors aussi coloré et dépaysant pour éventuellement pousser la chance et se rapprocher un peu plus encore ?

-Tu es déjà venue aussi près de l'oasis la dernière fois ?

Nova était déjà venue précédemment, elle avait eu le temps de voler quelques graines, mais rien ne lui disait qu'elle avait également eu le temps de faire du tourisme. Quelques chemins traversaient la végétation pour leur permettre de faire une balade d'agrément et Akum n'avait pas l'impression d'avoir suffisamment d'yeux pour tout voir. Cependant, il cherchait le point parfait pour s'arrêter, un endroit où il pourrait avoir à la fois l'eau et à la fois la végétation. Si en plus il pouvait avoir la chance d'apercevoir un ou deux poissons, ça serait encore mieux. Il adressa un sourire lumineux à Nova.

-Tu crois qu'on verra un de leur dil... dili... dilubi ! Je crois que c'est ça ? J'ai un collègue qui m'en a parlé, j'aimerais bien pouvoir en dessiner un.

Les animaux l'intéressaient autant que les végétaux. Du point de vue de l'artiste, il avait besoin des deux pour rendre le tableau le plus réaliste, le plus complet possible. Il ne savait pas trop si Nova serait aussi heureuse que lui à l'idée de croiser un exemplaire de la faune locale.

Il fallait qu’elle aime Akum pour accepter de l’accompagner dehors alors que chaque cellule de la pantouflarde fragile qui sommeillait en elle aspirait à la fraîcheur et au calme des infrastructures d’Oyera. Leur technologie avait beau ne pas être très avancée, il y avait au moins la climatisation là-bas. Ainsi que des lits et des fauteuils dans lesquels se vautrer pour profiter de leur jour de repos. Et des douches pour se rafraîchir. Nova s’arrêta, perchée sur un petit rocher, pour décrocher sa gourde et s’offrir une grande gorgée d’eau froide. Son esprit avait du mal à cesser de revenir continuellement sur Aileas qui était probablement en train de faire ce que Nova serait elle-même en train de faire si elle n’avait pas suivi son ami : lézarder tranquillement. Même si la partie logique de son cerveau savait pertinemment que l’ingénieure était plus active que la brune et qu’il était assez improbable qu’elle passe un de ses rares instants de liberté à ne rien faire, cette vision l'obsédait.

Mais voilà, elle avait pris sa décision et il était bien trop tard pour songer à faire demi-tour. De toute manière, le chemin du retour serait sans doute plus pénible que de rester près de l’oasis. Avec le jour qui avançait, le soleil allait finir par taper de plus en plus fort et il valait mieux à ce moment être près de l’eau qu’en plein milieu du désert. Honnêtement, elle ne savait pas ce qui avait bien pu lui passer par la tête lorsqu’Akum était venu lui proposer l’idée mais maintenant qu’elle y était, il était clair qu’elle l’avait idéalisée cette balade ! Elle avait dû s’imaginer une balade sympa à travers l’oasis avec Akum, sachant qu’il adorerait, omettant dans l’équation la gravité, la poussière et surtout la chaleur.

Car en plein cœur de la nature byblienne, il faisait chaud. Tellement chaud que se le répéter ne lui apportait plus le moindre réconfort et le soleil tapait si fort qu’elle commençait à avoir mal à force de plisser les yeux. Et on ne parlait pas de la poussière du sol désertique qui lui irritait la gorge et la sueur qui faisait coller ses vêtements à sa peau. C’était peut-être une des raisons qui avait poussé Nova à rester en terrain connu la dernière fois qu’elle était venue.

— Non, pas vraiment.

Répondit Nova après avoir avalé une longue gorgée. Elle fit couler un peu d’eau dans sa main pour s’asperger le visage avant de refermer la gourde, glisser la sangle autour de son cou et de sauter lourdement du rocher.

— En fait… Je suis plutôt restée du côté des villes la dernière fois.

Pas la peine de préciser que la jeune femme n’était pas ce qu’on pourrait appeler une grande aventurière. S’il n’y avait personne pour l’accompagner ou un verre pour lui donner le courage qui lui faisait cruellement défaut, Nova ne se risquait à aucune folie. Piquer des graines dans une serre à deux pas de leurs quartiers était la plus grosse bêtise qu’elle ait jamais faite et on voyait le niveau… Elle rattrapa Akum en épongeant de sa manche l’eau qui gouttait de son menton. Son sourire la contamina et elle se mit à l’imiter sans s’en rendre compte, son sourire augmentant en l’entendant buter sur la prononciation du dilubi.

Elle tapota son bras en lui passant devant, se surprenant elle-même de le toucher avec autant de naturel. Quand on savait comment avait commencé leur relation, il fallait bien reconnaître qu’ils en avaient fait du chemin depuis le temps où elle l’évitait comme la peste parce que sa présence en tant qu’inconnu et représentant du sexe opposé la mettait mal à l’aise. Mais depuis quelques temps, ils étaient devenus plus proches et cette proximité mettait étrangement ses nerfs à mal.

— Ne t’inquiète pas… si tu n’en croises pas un ici, on pourra toujours aller en voir dans un élevage à Oyera. Ils seront plus faciles à croquer. Enfin… je veux dire… tu vois quoi…

Nova avait beau l’aimer, elle n’était pas sûre d’être taillée pour la nature. Avec tout le raffut qu’elle faisait, elle avait dû chasser toutes les bestioles aux alentours. Si Akum ne trouvait pas ce qu’il voulait ici, elle allait s’en vouloir, c’était sûr.

— Il y a d’autres choses que tu veux voir en particulier avant de partir ?

Si le reste de ce qu'il voulait voir pouvait être accessible dans la capitale, ce serait encore mieux mais la grande majorité de ce qu'il y avait en ville pouvait aussi être trouvé dans la Flotte.

Akum lança un regard approbateur à Nova lorsqu'il la vit sortir sa gourde pour boire. Rester hydraté était important sous de telles températures, il n'avait aucune envie de la voir s'évanouir à cause de la déshydratation. En revanche, se rafraîchir en utilisant sa précieuse boisson pour la déverser sur sa main n'était peut-être pas la meilleure idée qu'elle ai eu. Le réconfort serait de courte durée et l'eau lui manquerait plus vite si elle recommençait. Pour sa part, il buvait régulièrement, mais à gorgées mesurées, se forçant à laisser du temps entre chaque moment où il utilisait sa gourde pour économiser au moins jusqu'au retour.

Elle lui avoua ne pas être sortie de la ville la dernière fois, ce qui ne l'étonna pas outre mesure et arrangeait même ses projets. Il connaissait assez Nova pour savoir qu'elle n'était pas du genre téméraire, à se risquer à aller explorer n'importe où alors qu'il y avait un endroit climatisé où elle pouvait flemmarder jusqu'à sa prochaine heure de travail. L'idée qu'elle ai accepté de l'accompagner malgré son manque de goût pour l'aventure lui arracha un sourire attendri, mais il ne pouvait s'empêcher de se dire qu'il lui infligeait décidément une torture peu commune, malgré ses bonnes intentions de lui faire voir un peu les plantes dans leur environnement naturel.

Pourtant, pour le moment, elle ne faisait mine de rien, ne se plaignant pas tant que ça, ne boudant visiblement pas qu'il l'ai plus ou moins arrachée à son confort climatisé et à l'abri du soleil, semblant même faire des efforts pour essayer d'apprécier le moment. De son côté, Akum transpirait déjà, mais avait au moins l'avantage d'être habitué à cet état à cause de tout le sport qu'il faisait. La chaleur rajoutait néanmoins une dimension de plus en plus désagréable, bien qu'il allait falloir plus que ça pour le décourager de faire ce qu'il voulait.

-J'avais pas vraiment dans l'idée de les dessiner dans une assiette, mais pourquoi pas, gloussa-t-il.

L'idée de dessiner de la nourriture ne l'avait jamais effleuré, car la nourriture de la flotte était généralement banale et souvent la même, donc il n'en avait jamais vu l'intérêt. Il s'intéressait plus aux choses encore vivantes, pleines de vie et d'enthousiasme, mais plus que l'assiette, il s'imaginait sans mal Nova manger avec lui et se trouva quelque peu séduit à l'idée de la peindre dans une scène de vie banale, juste pour le plaisir de pouvoir la capturer dans un moment de décontraction.

Il garda l'idée dans un coin de sa tête, se disant qu'il trouverait sans doute un moment pour l'inviter à manger quelque part ici, espérant qu'il était possible de le faire, justement. Sur la flotte, à part les sandwich (certes fades, mais outrageusement addictifs) des distributeurs, il était difficile de trouver un moyen de manger en tête à tête. Cependant, l'idée revint au premier plan lorsqu'elle lui demanda s'il y avait d'autre chose qu'il voulait voir avant de partir. La transition n'était pas mauvaise. Il sauta sur l'occasion, l'air de rien.

-Eh bien tu sais, je me disais que j'aimerais bien aller essayer quelques spécialités locales... genre dans un restaurant par exemple. Il lui jeta un coup d’œil amusé. Un où il y a la clim, ça serait encore mieux. Il fit une pause, soudainement hésitant. En fait, j'aimerais bien qu'on aille y manger tous les deux, si un tel endroit existe et si tu en as envie.

Il s'était déjà trouvé plus assuré pour demander à une fille de passer un peu de temps avec lui, mais Nova était son amie et il ne savait si une telle invitation était une bonne idée. Il n'était même pas sûr de savoir où il voulait aller, avec cette proposition. Il fit un pas de plus, écarta une feuille grande et large et découvrit en dessous une plante plus petite, visiblement à l'aise sous l'ombre que lui apportait l'autre plante.

-Nova, regarde ! Il s'écarta pour lui faire de la place, intéressé. Tu penses que c'est un hasard ou un comportement spécifique ?

Ce qu’il ne fallait pas entendre ! Les diluais devaient grandir avant d’être mangés, c’était tout le principe d’un élevage. La brune était certaine qu’en demandant autour d’eux, ils réussiraient à trouver un centre d’élevage où ils pourraient les regarder évoluer, même si la magie de la nature n’était pas là.

— Ils sont vivants avant de passer à la casserole, gros malin !

Rétorqua Nova en réponse à son gloussement. Et puis même s’il n’y pensait pas à la base, elle ne voyait pas pourquoi le peintre ne pourrait pas s’y essayer. De nombreuses personnes s’intéresseraient sans doute à un tel sujet, elle en tête. Vu la nourriture que l’on pouvait trouver sur la Flotte, la présentation de plats exotiques joliment dressés ne pouvaient que susciter l’intérêt. S’il y avait un marché pour des images de repas succulents, la brune serait prête à devenir cliente. Elle qui aimait manger ne s’en priverait pas, songea-t-elle en s’efforçant de continuer à aligner un pas après l’autre, tête baissée comme pour esquiver la brûlure du soleil.

Aucune chance qu’elle attrape un coup de soleil grâce aux vêtements longs dont elle s’était couverte – et qui lui rappelaient douloureusement à quel point il faisait chaud – mais elle commençait à ressentir de plus en plus le poids du soleil dans son dos. L’eau vive de l’oasis leur apportait vaguement un peu de fraicheur mais ce n’était pas suffisant pour contrebalancer la chaleur ambiance. En temps normal, Nova serait déjà en train de se plaindre – et même depuis bien quinze-vingt minutes – mais elle essayait de faire bonne figure, considérant – pour une raison obscure issue des tréfonds de son cerveau – qu’elle devait se comporter en bonne petite guide pour ses amis. Cependant, elle sentait l’agacement pointer dans son cœur, et elle allait devoir serrer les dents pour ne se lancer dans une litanie de tout ce qui la saoulait et assumer le rôle qu’elle s’était auto-attribué. Heureusement, parler de nourriture avait toujours réussi à la détourner de ses sombres pensées.

Nova fronça des sourcils en l’entendant faire une pause, presque comme s’il avait hésité à lui demander. Elle ne s’arrêta pas de marcher, pour ne pas avoir l’air de se prendre la tête même si ses neurones tentaient désespérément de comprendre pourquoi il voulait mettre de côté Aileas. Ceci dit, ce n’était pas la première fois qu’ils se payaient un repas rien que tous les deux, mais généralement, c’est que quelque chose n’allait pas.

— Tu sais, moi dès qu’il s’agit de bouffe, je suis partante…

Commença-t-elle en tirant sur le col de son haut.

— Surtout que tu vas voir, leurs spécialités sont à tomber !

Rien à voir avec les portions plus faites pour répondre à un besoin physiologiques qu’on leur servait sur la Flotte. Nova avait mis le temps avant de retrouver son envie de manger lors de son dernier séjour mais dès qu’il était revenu, elle avait savouré les lasagnes aux néridas, elle s’était délecté des ryeles, elle avait siroté avec joie leur alcool local et n’avait pas non plus craché sur leur porridge super bourratif à la faroule. Manger de nouvelles choses apportaient un charme de plus au dépaysement et si Akum voulait en profiter lui aussi, qui était-elle pour le lui refuser ? Mais s’il voulait lui faire part d’un problème, il n’avait pas attendre qu’ils dénichent ou non un petit endroit où l’on pourrait leur servir à manger.

— Mais tu sais, si tu veux parler, on est pas obligés d’attendre d’être autour d’un repas…

Nova s’arrêta pour le lui dire et le découvrit quelques instants plus tard à demi penché sur une plante à feuille. Elle passa sa manche sur son front et alla s’accroupir à côté de lui pour regarder ladite plante de plus près.

— Il faudrait en trouver d’autres pour savoir… La plupart du temps, le hasard est roi dans les conditions naturelles mais si on en trouve d’autres, alors ça voudra dire que c’est bel et bien un comportement spécifique…

Il y avait vraiment quelque chose d’excitant à regarder des plantes à l’état sauvage, qui ne devaient leur existence et leur emplacement au hasard et à la ténacité de l’espèce. Ici, il n’y avait personne pour les chouchouter, leur ajouter de l’engrais ou de l’eau si besoin, rien, elles étaient livrées à elles-mêmes et arrivaient malgré ça à s’en sortir plus que bien. La plus petite plante semblait s’épanouir dans l’ombre de la plus grande mais rien dans sa pigmentation n’indiquait ouvertement qu’elle prenait ses aises dans la pénombre.

— Je serais bien curieuse de voir si celle-ci est capable de se développer au soleil…

Murmura-t-elle pour elle en regardant avec tendresse la plus petite des deux plantes un moment. Elle releva la tête vers Akum avec une petite grimace contrite.

— Désolée, je vais faire ma grosse touriste mais…

Elle sortit son terminal de sa poche et se pencha un peu pour prendre l’ensemble des deux plantes en photo en se promettant de prendre cinq minutes en rentrant pour aller voir un spécialiste et lui montrer la photo afin de résoudre le mystère. L’appareil rangé, elle posa ses mains sur ses genoux pour s’aider à se relever. La tête lui tourna une micro-seconde et elle l’ignora sciemment sachant qu’on lui avait répété mille fois de ne pas se relever aussi vite. Elle se secoua un peu pour chasser le vertige comme elle le faisait d’ordinaire et releva les yeux vers Akum.

— Elles vivent peut-être en symbiose… J’irai me renseigner en rentrant.

Ajouta-t-elle en lui souriant.

Akum se contenta de glousser un peu plus lorsqu'elle lui rappela qu'ils étaient vivants, avant d'être cuisinés. Bien entendu il le savait, mais il savait aussi que Nova aimait que les choses finissent rapidement dans son assiette et encore plus rapidement, dans son gosier. Elle avait un amour pour la nourriture qui ne risquait pas d'être malsain sur la flotte, où tout était plus ou moins dosé pour le bien être des Stellariens, mais qui risquait de devenir dangereux si elle se retrouvait livrée à elle-même sur un endroit comme Byblos pendant trop longtemps. Leurs corps en particulier, nés sur la flotte, n'avait connu aucun des excès liés aux abondances de produits trop sucrés, gras ou salés et risquait de mal réagir à une surdose d'aliments de ce type.

Cependant, ça ne devait pas les empêcher de profiter lorsqu'ils en avaient l'occasion et Akum savait que Nova n'était pas du genre à se priver. Aussi, il savait que son idée de restaurant en était une bonne et qu'elle ne risquait pas de refuser, ce qu'elle lui confirma en acceptant à demi mot avant de le prendre légèrement au dépourvu en lui indiquant que s'il voulait lui dire quelque chose, il pouvait se lancer sans attendre d'être devant une assiette. Akum avait effectivement certaines choses à dire. Ou peut-être pas. Rien n'était sûr dans l'immédiat. Il aurait aimé en parler à Aileas, mais la simple idée de lui faire part de ses doutes sur le sujet lui semblait risible, il savait déjà ce qu'elle dirait. Il aurait eu besoin d'un point de vue plus objectif. Plus mature aussi peut-être ? L'idée de demander des conseils à Ren et Maggie l'avait bien effleuré, mais ils étaient en plein déménagement, il n'avait pas envie de les embêter avec ça.

Aussi, plutôt que de répondre, il fit diversion en lui désignant une plante qui avait capté son intérêt, poussant sous une feuille grande et large. Le secouriste l'observa comme un trésor, cherchant déjà autour de lui pour voir si ce type de comportement se reproduisait ailleurs avant de revenir s'accroupir à côté de Nova, posant sa main sur son avant bras pour l'empêcher de prendre une photo tout de suite, fouillant dans sa poche pour en sortir une réglette qu'il posa à côté de la petite plante, pour servir d'échelle.

-Touriste oui, mais touriste pro, corrigea-t-il en retirant alors sa main de son bras couvert, souriant.

Il récupéra son objet une fois la première photo prise, lui laissant prendre une photo sans la règle si elle le désirait, puis se releva en continuant de regarder autour de lui. Ils auraient sans doute l'occasion de retrouver ce genre de petites indications sur le développement de la flore locale, au cours de la balade, même si elle se raccourcissait de minute en minute dans l'esprit d'Akum. Il faisait vraiment de plus en plus chaud, même lui commençait à en être dérangé.

-Tu vois ? Dit-il malgré tout. C'est quand même sympa de voir tout ça dans leur environnement naturel ! Ça change des serres en tout cas.

Il avait toujours voulu jouer les explorateurs, l'inconnu le fascinait, en particulier les environnements qui avaient su se développer tout seul. Il y voyait là un exotisme qui manquait cruellement aux couloirs artificiels de la flotte, sur laquelle on finissait immanquablement par se sentir à l'étroit. Il attrapa le devant de ses vêtements bybliens et tira dessous pour s'éventer un peu, ne réussissant qu'à brasser un peu d'air chaud. L'aventure c'était bien, mais il commençait à se dire qu'il aurait dû la tenter de nuit. Oui, les étoiles c'était quand même vachement plus romantique que la sueur et la chaleur écrasante du désert. Fausse bonne idée.

-Continuons encore un peu, puis ensuite on rentrera avant qu'il fasse trop chaud, proposa-t-il tout de même, bravement. Il paraît qu'il y a certaines plantes ici qui sont aromatiques, et avec d'autres, on peut faire des parfums. T'y crois toi ? J'aimerais bien en trouver.

Qu’est-ce qu’il avait contre les serres ? Au moins, on y pouvait contrôler la température et compte tenu que la chaleur semblait continuer à augmenter de manière incontrôlable, c’était plutôt un sacré argument en faveur des environnements contrôlés. Aussi peu naturels qu’ils puissent être. Ce que la jeune femme se mit en tête de lui faire remarquer, juste par principe. Et aussi peut-être un peu par orgueil, pour défendre l’honneur de ses lieux de travail. Disons que la chaleur la poussait à faire dans le détail.

— Mais dans les serres, il ne fait pas chaud. Sauf si on le veut.

Et puisque la Flotte privilégiait plutôt les plantes utiles aux plantes décoratives, les végétaux exotiques n’étaient pas légion sur l’Hélios, de même que les serres surchauffées. Mais encore une fois, il s’agissait d’orgueil mal placer. Être désobligeante juste parce que le soleil lui tapait sur le crâne n’était pas la meilleure façon de se comporter envers un ami. Surtout que bon, la traîner ici partait d’une bonne intention et Akum n’y pouvait pas grand chose, que ce soit à la chaleur, à la poussière ou la pesanteur qui rendait chaque pas plus pénible que le précédent. S’il avait pu y faire quelque chose, Nova ne doutait pas un seul instant qu’il l’aurait fait. Il était de ces personnes beaucoup trop bonnes pour ce monde qui se seraient pliées en deux pour aider son prochain. Il suffisait de le voir l’aider à prendre ses photos pour en être convaincu. Sauf que dans le cas présent, à moins de la porter en lui faisant de l’air – avec une grande feuille ou en lui soufflant dessus –, il n’allait pas pouvoir la soulager dans l’immédiat.

Par contre continuer ne faisait pas partie des solutions pour la soulager dans l’immédiat, bien au contraire. D’ailleurs… comment, quoi, pourquoi voulait-il continuer ? Sérieusement ?! De quoi était-il fait ? D’acier ? Ressentait-il au moins la chaleur ? Oui, bon… d’accord, le voir s’éventer comme il pouvait et suer comme n’importe quel être humain constitué sous un soleil de plomb lui imposait de reconnaître qu’Akum aussi devait ressentir la chaleur mais tout de même… où trouvait-il la force de vouloir continuer au lieu de rentrer ? Si elle s’était écoutée, Nova se serait sûrement laissé tomber sur le sol comme une larve et chouïner face contre terre jusqu’à ce que ça aille mieux. Mais elle ne pouvait pas rentrer toute seule et encore moins le laisser continuer de son côté. Qui sait ce qui pouvait rôder dans les oasis ? En attendant, elle allait devoir continuer avec lui et cette perspective fit naître comme un début d’angoisse en elle, étreignant son cœur et faisant remuer quelque chose dans sa poitrine, entre le sanglot et le spasme. Surtout que ce n’était qu’une rumeur, il n’avait pas même l’air certain à 100% que leur recherche porte ses fruits… Retenant à grand peine une grimace de désespoir, la brune tenta tout de même le sort, une main plantée sur la hanche pour supporter la gravité de Byblos.

— Tu es sûr que tu veux y aller maintenant ? C’est qu’il fait déjà bien chaud…

Elle sortit sa gourde pour boire une gorgée d’eau et réalisa qu’elle n’était vraiment plus aussi pleine que lorsqu’ils étaient partis. Au rythme auquel elle buvait, Nova risquait de se retrouver à cours d’ici une heure ou deux. Une bonne amie, la brune s’était jurée d’être une bonne amie jusqu’au bout et d’être le guide parfait pour Akum et Aileas sur Byblos. Il fallait qu’elle se retienne de se plaindre aussi longtemps qu’elle le pourrait, même si la limite commençait à être en vue.

— Enfin… c’est supportable. On fait comme tu veux hein !

Ajouta-t-elle en cultivant un air détaché totalement factice.

Elle soulevait un point clairement pertinent en disant qu'au moins dans les serres, il ne faisait chaud que si on le désirait. Cependant, il renâclait un peu à lui accorder ce point, car on perdait quand même une grosse partie de l'intérêt de voir les plantes dans leur environnement naturel, lorsqu'on se trouvait dans un lieu aux conditions contrôlées. Tout était trop parfait, trop rangé, Akum appréciait plus le chaos organisé qui les entourait en ce moment. Tout ici semblait aléatoire et pourtant, tout répondait à des règles qui satisfaisaient toutes les espèces vivantes, qu'elles soient animales ou végétales, sans quoi rien ne pourrait pousser ou se développer.

-Oui c'est pas faux, admit-il néanmoins, de bonne grâce.

Cependant, il continuait de regarder autour de lui, cherchant à garder en mémoire le plus de détails possibles, à la fois pour les peintures qu'il ne manquerait pas de faire et pour le simple plaisir de s'en mettre plein la vue en compagnie d'une personne à laquelle il tenait. C'était un peu son premier safari, mais composé uniquement de plantes. Et de quelques insectes colorés qui pouvaient être ou ne pas être dangereux pour l'homme. Il avait fréquemment voulu mettre la main à la poche pour demander à Charlie de quoi il s'agissait, mais se rappelait à chaque fois au dernier moment que non seulement il risquait de ne pas avoir les informations voulues et qu'en plus il ne pouvait pas porter jusqu'ici. Il en avait donc juste pris quelques uns en photo le long du chemin, quand ils se laissaient approcher sans filer se réfugier.

Il ne pouvait néanmoins pas manquer de remarquer que plus ils avançaient et plus Nova traînait des pieds. Il avait voulu lui montrer les bienfaits de la nature dans son état sauvage, l'excitation de l'aventure, chose qu'il ressentait à cent pou cent, mais elle semblait surtout de plus en plus écrasée par la chaleur et dilapidait son eau à une vitesse fort peu raisonnable pour quiconque souhaitant pouvoir retourner en vie à la civilisation, sur cette planète. Continuer un tout petit peu avait semblé intéressant au secouriste, à la fois pour lui et pour elle, surtout après leur découverte, mais il lui semblait soudainement de moins en moins raisonnable de poursuivre alors que le soleil commençait à se faire si intense qu'il se sentait presque écrasé contre le sol par ses rayons, en plus de la gravité contraignante. Ce furent finalement les mots de Nova qui le firent prendre sa décision.

-Non, tu as raison, souffla-t-il, il faut penser au retour et le soleil ne va pas descendre tout de suite, rajouta-t-il en jetant un très bref coup d’œil vers le ciel.

Il s'éventa une nouvelle fois, décollant le tissu qui adhérait à sa peau à cause de la sueur avant de le relâcher une nouvelle fois, de dépit. La prochaine fois, il ferait sa petite randonnée vers la tombée de la nuit, si c'était possible. Est-ce que c'était possible ? Est-ce qu'il y avait des espèces animales qui ne sortaient que la nuit ? Des plantes phosphorescentes aussi, peut-être ? Intéressé, il se promit de trouver une encyclopédie une fois de retour à la ville pour se renseigner sur les espèces nocturnes qui vivaient ici et s'il était envisageable de demander un guide pour aller la nuit dans l'oasis.

-Viens, rentrons, confirma-t-il en faisant demi-tour, réfléchissant déjà à sa prochaine expédition. Tu sais, je pense que la flotte peut vraiment apporter des trucs à Byblos. Je suis sûr que nos scientifiques pourraient trouver un moyen de rendre les vêtements thermos-adaptables, pour avoir un peu plus froid la journée, un peu plus chaud la nuit.

Ce genre de choses soulagerait sans doute de beaucoup la vie des Bybliens, mais pour le moment tous les efforts étaient concentrés sur la terraformation, qui était tout de même l'objectif à long terme de la coopération entre la flotte et Byblos.

Des vêtements thermo-adaptables, ça c’était une super bonne idée ! Une telle tenue leur éviterait de suer à longueur de journée dès qu’ils quittaient leurs quartiers le matin pour s’atteler à leurs tâches de la journée. Idem pour aller se balader. Tout le monde profiterait nettement mieux du paysage s’ils n’avaient pas à endurer la chaleur du désert. Dire que cette pauvre milice locale passait son temps à patrouiller quel que soit le temps. Rien que pour ça, ils suscitaient bien plus de sympathie chez Nova que celle de la Flotte. Si elle avait dû faire la moitié de leur patrouille, elle aurait déserté depuis longtemps.

Quoi qu’il en soit, il y avait une bonne nouvelle. Akum songeait à rentrer. Même s’il n’avait pas forcément l’air de sauter de joie à l’idée de retourner dans leurs quartiers. Du côté de Nova, le spasme de panique reflua et le soulagement l’envahit à l’idée qu’ils allaient pouvoir rentrer. Akum faisait déjà demi-tour. Et le soulagement laissa place à la culpabilité. Était-ce comme ça qu’elle se comportait comme une bonne amie ? En se plaignant d’avoir chaud et clamant vouloir rentrer alors que c’était la première fois que le secouriste venait sur la planète. Nova se mordit la lèvre avant d’accélérer le pas pour rattraper Akum.

— Attends ! Attends deux secondes !

Nova se mit sur son chemin pour l’arrêter en posant ses mains sur ses épaules pour l’arrêter. Elle releva les yeux vers lui pour étouffer la voix dans sa tête qui la traitait d’idiote. C’est vrai qu’elle se refusait quand même le confort et la fraicheur avec cette culpabilité malvenue.

— On est pas obligés de rentrer tout de suite là maintenant. On peut essayer de se trouver un coin frais, avec un peu d’ombre près de l’eau, le temps que la chaleur passe au lieu de piétiner dans le désert… De toute manière, comme tu l’as dit, le soleil ne va pas descendre tout de suite…

Entre attendre là où ils pourraient trouver le plus de fraicheur et affronter la poussière du désert, doublée de la gravité sous le soleil de plomb, même pour elle, le choix était vite fait. Et puis, il y avait aussi cette volonté d’accéder à toutes les requêtes du secouriste pour lui faire plaisir.

— Je sais qu’elle te tient à cœur cette sortie…

Ajouta-t-elle avec une esquisse de sourire pour le secouriste. Sans compter que s’ils s’arrêtaient un peu, leurs vêtements allaient peut-être sécher un peu avec la chaleur avant qu’ils ne repartent. Ceci dit, elle n’était pas sûre que ce soit un argument suffisant en faveur de la pause. Nova se retourna pour regarder tout autour d’elle et finit par repérer au loin des arbres rassemblés probablement au détour d’un bras de rivière.

— Tiens regarde, on a qu’à aller se mettre par là-bas.

Proposa-t-elle en le poussant pour le faire pivoter vers le chemin de l’aventure avant de le lâcher une fois dans la bonne direction parce que bon… il faisait chaud, ils collaient tous les deux, et rien que le toucher lui donnait encore plus chaud.

À peine avait-il fait quelque pas dans la direction opposée à celle de l'aventure que Nova le rappela et vint se poser devant lui, appuyant sur ses épaules pour qu'il cesse de marcher. Interrompu dans ses pensées d'escapade nocturne dans la nature, il lui lança un coup d’œil surpris, ne comprenant pas pourquoi elle l'arrêtait alors qu'il leur faudrait au contraire accélérer le pas s'ils ne voulaient pas avoir à supporter le soleil à son zénith pour le retour. En plus de ça, leurs réserves d'eau n'était pas infinie et il se doutait que leur consommation de ce précieux liquide irait croissante avec l'augmentation de la température.

Sa proposition fit naître un sourire sur les lèvres du secouriste, bien qu'il hésitait toujours. Évidemment, l'idée de passer un peu plus de temps ici, en particulier avec Nova, lui plaisait. À eux deux, ils pouvaient réellement s'amuser à découvrir la faune et la flore locale, ayant tous deux les compétences nécessaires pour étudier les espèces locales, ou au moins essayer de faire des hypothèses dessus. Akum aimait la recherche à cause de sa curiosité naturelle, mais aussi à cause du plaisir qu'il éprouvait à faire marcher son imagination dans le processus. Il appréciait également le fait que Nova cherche à le convaincre de rester un peu plus, ce qui était pour lui la preuve qu'elle appréciait cette sortie autant que lui, malgré son indéniable tendance à trouver toutes les excuses pour s'affaler quelque part, de manière générale.

Cependant, ce qui le toucha vraiment, ce fut la remarque qui suivit, montrant qu'elle tenait malgré tout à lui faire plaisir et qu'elle souhaitait qu'il profite au maximum de la sortie tant qu'ils y étaient. Elle avait vraiment le cœur sur la main quand elle le voulait, Nova. Pour un peu, il l'aurait enlacé. Mais il faisait définitivement bien trop chaud pour ce genre de démonstration. À la place il sourit un peu plus et posa ses mains sur sa taille, leur donnant l'air étrange d'adolescents gênés prêts à danser un slow. Sauf que Akum n'était pas gêné. Et qu'il n'était certainement pas le moment de danser un slow.

-Tu sais que t'es vraiment mignonne quand tu t'y mets ? Déclara-t-il.

Il la lâcha alors et la laissa le faire pivoter pour le mettre dans la direction des arbres les plus proches, leur principale chance d'obtenir un peu d'ombre et de fraîcheur. Elle le lâcha également une fois sûr qu'il irait dans la bonne direction, mais Akum avait encore quelques réserves à l'idée de rester coincé ici le reste de la journée. Quoi que s'ils restaient assez longtemps sans faire trop de boucan, ils pourraient peut-être apercevoir quelques espèces sauvages du coin ? Il espérait juste qu'il n'y en ai pas avec trop de dents.

-T'es sûre que tu veux pas rentrer ? Demanda-t-il une dernière fois. Même à l'ombre, il risque de vraiment faire chaud et puis je sais pas combien il te reste d'eau, mais c'est peut-être pas trop prudent, si ?

Il s'inquiétait également de l'effet d'une trop longue exposition à la chaleur sur son asthme. Il n'aimerait pas se retrouver impuissant à pouvoir l'aider, loin de la civilisation, incapable d'appeler des renforts. Il aurait du y penser avant de l'emmener faire une balade en plein soleil. Il se trouvait soudainement bien inconscient et son inquiétude fit un bond. Il s'arrêta.

-Nova, plus j'y pense et plus je me dis que c'est pas une bonne idée de m'attarder, dit-il d'un ton lent, avant de la regarder avec inquiétude.

Un petit sourire en coin se glissa sur ses lèvres.

— Je sais.

Répondit-elle, toute contente, en haussant les épaules. Akum retira les mains qu’il avait posées sur sa taille et se laissa convaincre de prendre la direction de l’amas d’arbres un peu plus loin. L’idée d’aller s’affaler sur un rocher et de profiter de la fraicheur de l’oasis rendait la perspective de rester dehors un peu plus supportable. Pour un peu, elle réussirait presque à apprécier l’idée de ne pas rejoindre les quartiers climatisés qui leurs étaient réservés. Si elle pouvait lui faire plaisir… Et elle en avait envie ! Plus qu’aller se vautrer sous la douche pour refroidir et se débarrasser de toute la sueur qui lui collait à la peau comme une deuxième peau. C’était peu dire. Akum avait été un ami en or pour elle ces derniers temps, il l’avait soutenue, il avait pris son secret comme si c’était le sien et il cherchait toujours à lui faire plaisir. Souffrir un peu de la chaleur et de la fatigue, ce n’était pas forcément grand chose pour le remercier. Un sourire sur les lèvres qui s’éternisait, Nova remonta à sa hauteur et manqua de s’arrêter en entendant son ami lui redemander si elle était sûre de ne pas vouloir rentrer.

Bien sûr qu’elle avait envie de rentrer ! Rares étaient ceux qui affronteraient le soleil cuisant de Byblos pour le simple plaisir de prendre le soleil. Elle non plus ne savait pas combien d’eau il lui restait mais ça ne devait pas être si grave que ça. Il lui suffirait d’affronter la soif en silence jusqu’à ce qu’ils rentrent à la base. La chaleur, en revanche, était un sacré argument contre. Ceci dit, ils étaient déjà en sueur et à bout de nerfs, alors un peu plus ou un peu moins…

— Mais non, t’inquiète !

Il ne fallait pas qu’elle se penche de trop sur la question, sinon elle allait perdre toute volonté et céder à l’appel de son lit qu’elle pouvait entendre à travers le désert et l’oasis. Elle le tira par la manche pour l’exhorter à avancer mais se retrouva arrêtée brutalement en même temps qu’Akum. Elle se retourna, curieuse de leur arrêt brutal, pour essayer de comprendre ce qui arrêtait sa curiosité. Nova pensait pourtant être le boulet qui les ralentissait dans leur odyssée pourtant… Le secouriste avait l’air soucieux. Elle lui fit face en plantant ses mains sur ses hanches, histoire d’en faire quelque chose et de profiter du petit souffle d’air qui leur tombait dessus.

— Pourquoi ?

Qu’est-ce qui pouvait bien le faire douter ? Nova aurait pourtant cru que, des deux, il serait le premier à se remettre en chemin. Elle leva la tête pour essayer d’estimer le temps qu’il restait avant qu’ils aient à affronter le mode cuisson à point, mais en vain, n’étant pas naturellement un cadran solaire. Loin de s’attarder autant sur les détails qu’Akum, la brune n’avait pas autant conscience de leur situation que le secouriste, qui était beaucoup plus alerté sur les situations mettant la santé humaine en danger. Espérant le convaincre – et surtout elle-même par la même occasion –, elle demanda :

— Tu ne veux plus trouver les plantes aromatiques ?

Son insistance était louable. En vérité, Akum se sentait transporté par l'affection envers Nova qui essayait tant bien que mal de lui faire plaisir en le poussant à rester encore un peu dans le désert, à chercher les plus beaux exemplaires de la faune et surtout, de la flore locale, puisque la faune semblait pour le moment s'être planquée à l'abri de la chaleur et de l'humanité. Passer une après midi sous un arbre à ne rien faire du tout semblait être dans le champ des possibles de la maraîchère, mais le secouriste ne faisait pas confiance aux températures jusqu'auxquelles pouvait grimper le mercure, même à l'ombre.

Cette planète était en fait tellement inhospitalière qu'il ne pouvait que s'émerveiller de voir que la vie s'y développait quand même, indépendamment de l'action de l'homme et de la terraformation en cours. Ou bien la nature était-elle arrivée avec la terraformation ? Non, les espèces locales étaient directement natives de la planète, donc il n'y avait effectivement pas eu d'intervention humaine pour les espèces locales. D'ailleurs, il se demandait quelle réaction auraient les écosystèmes de la planète, habitués à une exposition directe au soleil meurtrier et à la chaleur écrasante qu'il procurait, une fois que la terraformation aura rendu l'endroit un peu plus adapté à la survie de ses habitants humains.

Des questions intéressantes, s'il en était, mais là n'était pas le sujet.

Le sujet était de réussir à prendre une décision entre les deux options qui se présentaient à lui. Il aurait cru que Nova n'insisterait pas tant pour continuer à avancer, ce qui lui donnait envie de rester un peu plus juste pour lui faire plaisir, mais en même temps il était sûr qu'elle donnait dans la survie plus que dans la réelle joie d'être au milieu de la nature sauvage d'une planète à peine retrouvée par la flotte, ce qui lui causait des sentiments contradictoire. En effet il n'arrivait pas à se départir de l'impression qu'il allait contre sa volonté... tout en allant dans son sens. Il y avait de quoi être confus et c'est d'ailleurs la seule chose que devait exprimer son visage pour le moment, en plus de la chaleur qui lui donnait l'impression de tout juste sortir d'une piscine.

Cependant, restait le problème de la santé de Nova, qui n'était pas plus mauvaise que le Stellarien moyen, mais qui était contre adaptée aux efforts trop intenses ou aux expositions trop longues à certains facteurs aggravants. Comme par exemple la chaleur, qui devait peser sur ses bronches un peu fragiles. Normalement, le froid devrait être plus dangereux pour elle que le chaud, mais ici, la chaleur était tellement extrême qu'elle risquait tout  de même d'étouffer s'il lui faisait prolonger l'effort sous ces températures.

-Si, je veux toujours en trouver ! Mais j'aurais d'autres occasions tu sais ? Et puis si je me renseignais un peu avant, j'en trouverais encore plus facilement je suis sûr !

Il rechignait à mettre la santé de Nova sur le tapis, ne voulant pas lui donner l'impression de la considérer comme une petite chose fragile, alors qu'il la considérait effectivement comme une petite chose fragile. Était-ce de sa faute si elle donnait sans cesse l'impression qu'un coup de vent finirait par l'emporter au loin ? La seule raison pour laquelle il ne l'attrapait pas fermement par la main pendant ce genre de balade était que, visiblement, le vent, ici, il y en avait pas des masses. Et aussi parce qu'il commençait à tellement transpirer qu'il risquait de ne même pas être capable de l'attraper, sa main. Il hésita encore un instant avant d'abdiquer.

-Écoute, je me disais juste que la chaleur, tout ça, c'était peut-être pas hyper bon pour ton asthme. J'ai pas vraiment réfléchi en t'emmenant ici, je suis désolé, rajouta-t-il d'un air penaud. Je voulais juste te montrer un peu les plantes quand elles sont dans la nature, mais j'ai pas envie de te déclencher une crise alors que je voulais te faire plaisir.

Il fallait reconnaître qu’en y allant au petit bonheur la chance, Akum et Nova pouvaient mettre des heures avant de tomber sur ce qu’ils cherchaient. Un minimum de préparation faciliterait grandement leurs recherches. Quelques questions à quelqu’un qui s’y connaissait un minimum leur permettrait de trouver plus facilement tout ce qu’ils voudraient. Ceci dit, pour être tout à fait honnête, ce n’était pas à la préparation de leur prochaine sortie que Nova pensait. La brune trépignait intérieurement à la pensée qu’ils allaient pouvoir prendre le chemin du retour, et que ce ne serait pas parce à cause d’elle qu’ils abrégeaient leur excursion. D’ici quelques heures à peine, elle aurait retrouvé sa chambre, sa douche et surtout son lit. La chaleur y était peut-être pour quelque chose mais il lui sembla n’avoir jamais été aussi heureuse à une simple pensée.

Et puis Akum précisa sa pensée en lui expliquant pourquoi rentrer serait plus sage.

Nova faillit lui faire remarquer qu’elle était très simple à contenter. Lui ramener des fruits ou n’importe quel autre aliment vaguement sucré aurait largement suffit à lui faire plaisir. Il n’avait pas besoin de l’éloigner de la civilisation dans la chaleur et la poussière pour ça ! Sans compter que si quelqu’un devait faire plaisir à l’autre en ce moment, ce serait plutôt elle ! Sauf qu’Akum avait appuyé sur une corde qui n’était vraiment pas celle que Nova préférait. Une qui, étrangement, faisait disparaitre tous sentiments de compréhension et de culpabilité qu’elle aurait pu ressentir vis-à-vis de la situation. Celle de l’asthme. Certes, elle ne faisait rien pour entretenir son physique contre les conditions spéciales de vie dans l’espace mais cela n’empêchait pas la jeune femme d’être furieuse et frustrée dès que son corps lui refusait quelque chose. Ou la mettait d’office sur le banc de touche. Elle balança une petite tape sèche dans le bras d’Akum bras en fronçant les sourcils.

— Moi je voulais te faire plaisir en allant trouver ce que tu cherches !

Répliqua-t-elle, irritée de constater que finalement, même si le secouriste cédait la raison et décidait de rentrer, c’était quand même à cause d’elle. À cause de sa santé.

— En plus, je vais pas faire de crise, Akum ! J’ai pris mon inhalateur, je suis pas complètement idiote non plus ! Je ne m’en vais pas affronter un désert sur une planète dont la gravité m’écrase de la même manière que quand je vais à la cafétéria du coin !

Peut-être qu’en prenant la peine d’y réfléchir deux secondes, Nova aurait pu reconnaitre que si son ami s’inquiétait, c’est qu’il y avait sûrement des facteurs à risque dans cette petite balade, inhalateur ou pas, mais chaleur et fatigue lui pesaient et l’empêchaient d’aligner deux pensées cohérentes. C’était comme si elle était partie en balade avec ses parents. « Oh tu vas prendre froid », « oh tu ne devrais pas reprendre une deuxième portion », « tu as pris ton inhalateur? Il parait qu’il y a plein de poussière dans ce coin depuis qu’ils refont ci et ça »… Les lèvres pincées, elle baissa les yeux pour fusiller le sol du regard.

— Bon, bah demi-tour alors.

Finit-elle par lâcher après avoir pris une grande respiration pour essayer de repousser son accès de mauvaise humeur qui était digne d’un gamin mais certainement pas d’une femme de son âge. Nova savait qu’il ne pensait pas à mal et que tout partait d’une bonne attention. Il s’inquiétait pour elle. C’était juste de se prendre sa faiblesse en plein visage et le voir s’inquiéter comme s’il avait ramené une boule à neige dans une navette sans harnais de sécurité qui l’agaçait.

L’explication pourtant parfaitement logique et raisonnable que Akum lui donna, bien que fort gêné de devoir en arriver là, trouva malheureusement une oreille peu réceptive en la personne de Nova. Rien d’étonnant à cela cependant, le secouriste se doutait bien avant de le dire que son amie n’allait pas apprécier la remarque, bien qu’elle lui semblait importante, à lui. Assez importante pour qu’il se soit lancé à l’exprimer à voix haute, bien que tout penaud de devoir le dire. Il n’était pas certain que s’en faire ainsi pour elle méritait vraiment le coup qu’il reçu sur le bras, lançant un regard de chien battu à la maraîchaire en se frottant le bras. Il savait qu’elle n’aimait pas qu’on parle de son asthme, elle savait qu’il n’aimait pas la violence. Il y avait sans doute une certaine forme de justice dans tout ça.

Cependant, il était malheureux à présent, Nova lui mit sous le nez qu’elle était venu ici juste pour lui faire plaisir alors que c’était lui-même son objectif à la base, l’emmener dehors pour lui faire découvrir de nouvelles choses qui l’intéresseraient, la changerait de ses serres et plantations. À la place, ils avaient chaud, les gourdes se vidaient rapidement et pire encore, il avait réussi à énerver Nova en s’inquiétant pour sa santé. On pouvait dire que c’était une sortie bien ratée.

Hélas pour lui, Nova ne comptait pas le laisser s’en tirer à si bon compte et il du subir en plus de tout les reproches pleins de sarcasme de la jeune femme qui lui en voulait décidément beaucoup pour une inquiétude de sa part. Là, c’était sûr, il avait fait une grosse boulette et il n’était pas certain de savoir comment s’en tirer. Aussi, partant du principe que tout ce qu’il dira pourra être largement retenu contre lui à partir de maintenant et que le silence était encore le moyen le plus simple pour ne pas empirer la situation, Akum garda la bouche fermée et coinça ses mains qui ne savaient pas quoi faire, sous sa tunique, les faisant disparaître. Au moins elles seraient à l’abri du soleil.

Gardant sa ligne de conduite, la tête un peu basse, le secouriste se contenta de hocher la tête lorsqu’elle déclara soudainement qu’ils n’avaient plus qu’à faire demi-tour, se retournant simplement pour commencer à avancer en direction de là où ils venaient. Malgré tout, en marchant, il ne pouvait s’empêcher de jeter des petits regards à Nova, à la dérobée, plus pour savoir à quel point elle lui en voulait encore que par inquiétude de la voir s’écrouler à tout moment. Il n’avait aucune envie qu’elle reste fâchée contre lui.

Garder une mine d’enterrement n’était néanmoins pas le fort du secouriste qui, s’il réussit à conserver une mine sinistre pendant quelques minutes, ne tarda pas à voir son attention attirée également ailleurs, toujours curieux vis-à-vis de tout ce qui l’entourait, attrapant des détails dans le paysage qu’il n’avait pas relevé au premier passage. Un drôle de manège commença alors, Akum, l’œil brillant, observant les côtés du chemin avec l’air de vouloir s’arrêter toutes les cinq minutes pour examiner ceci ou cela, puis retournant à un état proche du deuil dès qu’il croisait le regard de Nova.

Pendant ce temps-là, le soleil se levait toujours plus haut et tapait toujours plus fort et ses vêtements lui tenait si chaud qu’il ne les conservait que parce qu’il ne souhaitait pas cuire instantanément à cause du soleil hargneux de Byblos.

Rationaliser sa mauvaise humeur n’était peut-être le meilleur moyen de la mettre de côté. Plus Nova se forçait à se calmer, moins elle y arrivait. Un peu de la même manière qu’à se répéter que ce n’est pas le le moment de tomber malade, on se retrouve dans un lit sur le Regina Mercy, brûlant de fièvre.

Boudeuse, la brune détourna le regard vers le bras d’eau serpentant à côté d’eux. Elle ne pouvait pas lui en vouloir de s’intéresser à tout ce que la planète avait de nouveau à découvrir pour deux stellariens comme eux. Mais si Akum essayait de jouer la carte de la repentance, il le faisait mal. Bien qu’énervée tant par son rôle de boulet que par la chaleur qui semait le trouble dans ses pensées, Nova l’avait parfaitement le vu changer d’expression une demi-seconds après avoir croisé son regard. Ce qui lui donnait maintenant le rôle de harpie. Joie. Dès qu’elle le regardait, elle avait l’impression d’être de la milice. Elle pouvait même l’imaginer se redresser quand il sentait son regard tout près de se poser sur lui. La brune préférait encore ne pas le regarder, trop vexée pour ça.

Et à ne pas le regarder toutes les cinq minutes, la jeune femme repéra autre chose sur le rivage. L’aventurière du dimanche s’arrêta subitement et fit un petit mouvement de la main pour intimer à son compagnon de l’imiter. Puis elle s’accroupit tout aussi lentement sans quitter le bord de l’eau du regard et laisser les rochers la camoufler en partie. Sur de la roche effritée, entre deux plants d’herbe sauvage, se tenaient deux dilubis près de l’eau. De passage ou arrêtés là à deux doigts de leur repaire, ils se tenaient tranquilles dans l’ombre de la végétation et la fraîcheur de l’eau. Elle se retourna vers Akum, l’index posé contre les lèvres et attendit de voir qu’il avait bien compris le message avant de pointer le même doigt en direction des deux créatures en murmurant :

— Là-bas.

Tomber sur deux spécimens relevait d’une aubaine inestimable. Jamais la brune n’aurait fait le pari d’en voir ici à l’état sauvage, pendant les individus encore libres bien trop malins et prudents pour prendre le risque de se faire capturer ou manger. Ces deux-là ne tarderaient pas à s’échapper aussi. Autant qu’ils profitent du spectacle tant qu’il durait. Et de la chance qui leur souriait. Vu le pas martial de Nova, elle aurait pu chasser toute la faune des environs.

Sa tentative pour apparaître le plus repenti et désolé possible ne semblait pas fonctionner outre mesure sur Nova, qui ne desserrait pas les lèvres et ne se semblait pas vouloir quitter son pas à la cadence quasi militaire. Cependant, il était possible que si elle ne se déridait pas, c'était uniquement parce qu'elle le surprenait à chaque fois à ne plus être vraiment désolé, lorsqu'elle tournait la tête un peu trop vite et le voyait observer la flore avec son intérêt habituel. Il essaya bien de paraître plus convaincant encore dans son air de chien battu, mais ne pouvait s'empêcher de laisser son attention dériver vers la nature qui les entourait. Il voulu plusieurs fois attirer l'attention de Nova sur quelques trouvailles, mais n'osa pas vraiment, de peur qu'elle ne soit encore réellement énervée contre lui.

C'est finalement elle qui mit en pause leur avancée inexorable vers les logements en s'arrêtant subitement, laissant Akum faire un pas de plus avant de se rendre compte qu'elle s'était stoppée. Elle lui fit un signe de la main et malgré sa curiosité, Akum ne dit rien, se contentant de l'imité en regardant dans la direction qu'elle lui indiquait, cherchant un instant ce qui avait attiré son attention avant de finalement les voir, sur l'autre rive.

Le plus difficile devint alors de tempérer son enthousiasme, de ne pas faire des bonds de joie et de rester le plus sagement possible accroupit derrière le rocher. Pourtant, l'excitation était à son comble devant ce qu'il voyait, puisqu'il s'agissait ni plus ni moins de sa première observation directe de naturaliste, le premier pas vers l'accomplissement de l'un de ses rêves qui consistait à observer le plus possible d'espèces animales dans leur environnement naturel. Ça n'avait l'air de rien comme ça, de simplement pouvoir les observer là, tous les deux, ces petits êtres qui vivaient simplement leur vie en toute liberté, mais pour Akum qui été né et avait grandi dans un gros tas de ferraille dérivant dans l'espace, c'était absolument fabuleux, voir magique. En vérité, la simplicité de la scène qu'ils avaient sous les yeux le touchait et il ne pouvait détourner les siens.

Il fit comme un geste pour chercher la main de Nova, avant de se rappeler que s'il la touchait, il risquait sans doute de rester coller par leurs sueurs respectives et à la place il lui serra le poignet, sans y mettre beaucoup de force, juste pour partager un peu plus intimement ce moment avec elle. Il était tellement heureux de ne pas être seul pour cette grande première que sa vue se brouilla momentanément à cause des larmes de joie qui lui montaient aux yeux. Il les essuya sans geste brusque, simplement pour ne pas effrayer les spécimens qui évoluaient devant leurs yeux, puis continua à les regarder jusqu'à ce que, d'eux-même ou sous l'influence d'une pression extérieure mystérieuse, ils ne s'en aillent dans la végétation, où les deux stellariens ne pouvaient plus les voir.

Délivré de cette obligation de ne pas bouger, Akum se leva alors brusquement, un air victorieux sur le visage et les deux poings levés vers le ciel agressif de la planète (il avait prit garde de lâcher Nova avant ça), les yeux toujours remplis d'émotion, puis il n'hésita pas à attraper Nova pour la soulever contre lui et la faire tourner un instant, la gardant férocement serrée contre son torse avant de la relâcher, avec un grand sourire.

-Nova, je crois que là tout de suite, si j'avais pas si chaud et que je transpirais pas autant, je t'embrasserais.

À la place, il la serra une nouvelle fois fort contre lui, puis s'écarta pour de bon, ayant définitivement trop chaud pour ce genre de démonstration d'affection désormais. Il s'éventa alors, attrapant le col de sa tenue pour le secouer un peu, commençant à parler immédiatement en même temps.

-T'as vu un peu ? C'est dingue, dingue ! qu'on ai réussi à en voir ! Sans toi je serais passé totalement à côté je pense que je me souviendrais de toute pour dessiner mais j'aurais dû prendre une photo mais j'ai pas pensé t'as vu comme ils étaient authentiques et naturels et vivants ? Ils sont tellement libres c'est si magnifique j'en reviens toujours pas que j'ai vu ça j'ai envie de voir ça tous les jours de toute ma vie maintenant tu penses qu'il y en a d'autres ?

Il n'arrivait plus à s'arrêter de parler à présent, sans prendre la peine de garder une voix basse alors qu'il gesticulait en même temps qu'il parlait, pris d'une sorte de joyeuse frénésie de ce qu'il considérait comme la meilleure expérience jamais vécue de toute sa vie, jusqu'à la prochaine, oubliant presque de respirer alors qu'il parlait.

Malgré le soleil de plomb tombant droit sur sa nuque et qui la rôtissait sur place, le spectacle valait la chandelle pour une Stellarienne comme Nova. Voir des animaux dans des enclos de l’Hélios était une chose, mais observer des créatures sauvages dans leur milieu naturel, c’en était une autre. Toute autre chose. Ils étaient tellement mignons tous les deux, complètement libres et totalement inconscients des deux observateurs qui s’en mettaient pleins les yeux à quelques mètres à peine d’eux. La brune se laissa attendrir par le spectacle, impressionnée par la scène mais aussi par la chance qu’ils avaient de pouvoir y assister. Ce n’était pas tous les jours que l’on croisait le chemin d’animaux sauvage, ni sur la Flotte ni dans un milieu aussi inhospitalier que Byblos !

Akum aussi semblait en avoir conscience. Ses doigts se refermèrent sur son poignet et elle ne fit aucun geste pour se dégager. Malgré la moiteur de leurs deux peaux l’une contre l’autre ou l’irritation qui l’habitait il y a encore peu. L’occasion prévalait sur la vague rancœur qu’elle avait de passer pour un boulet. Et puis… le roux avait l’air tellement ravi qu’elle aurait eu du mal à rester fâchée contre lui. Un sourire trouva son chemin sur ses lèvres et elle détourna les yeux pour profiter elle aussi du spectacle. Au bout d’un moment, les deux dilubis, las ou attendus autre part tirèrent leur révérence et disparurent en quelques bons dans la végétation. Contente de pouvoir retrouver sa mobilité à vitesse normale, Nova tourna les yeux vers son compagnon, prête à exploser en commentaires sur le spectacle mais il ne l’avait pas attendue. Les deux bras levés en l’air en signe de victoire, il exultait déjà. Amusée, la brune l’observa avec un sourire et poussa un petit cri de surprise avant de rire de bon cœur en sentant les mêmes bras se refermer sur elle et la faire tourner, pressée contre lui.

Il l’aurait… quoi ? Avant qu’elle n’ait eut le temps de réagir à une phrase sans doute bien plus innocente que ce qu’elle pensait, le jeune homme l’attirait de nouveau contre lui. Elle sourit de nouveau en rougissant, bien contente de se retrouver le nez dans son épaule pour qu’il ne le voie pas et recula dès qu’il la relâcha, réalisant que toute ce surplus d’activité lui avait donné trop chaud pour que son capital glamour puisse en tirer quoi que ce soit. De toute manière, que pouvait-elle vraiment espérer de son apparence après avoir marché ainsi sous le soleil aussi longtemps ? Rien. On était bien d’accord. Une chance qu’elle ne cherche pas à impressionner Akum, elle aurait lamentablement échoué.

Nova croisa les bras un instant pour le regard partir dans un commentaire enthousiaste avant de réaliser qu’elle avait beaucoup trop chaud. dans sa position habituelle. Elle préféra les relâcher le long de son corps, les écartant juste ce qu’il fallait pour pouvoir bénéficier de l’effet du vent lorsque celui-ci daignait souffler en ayant l’air de rien. Elle le regarda avec un regard tendre, ne sachant pas trop s’il attendait une réponse de sa part ou s’il s’agissait juste de questions rhétoriques sortant au fur et à mesure de son raisonnement.

— Doucement Ak’, tu vas nous faire un malaise à t’exciter comme ça ! Respire un peu…

Se moqua-t-elle gentiment. S’il s’effondrait au milieu du désert à cause de l’excitation, ils seraient dans de beaux draps parce qu’elle serait bien incapable de l’aider ou de faire autre chose que paniquer aveuglément. Des deux, c’était lui le secouriste. Si elle devait le secourir, il n’était pas dit qu’il s’en sorte entier. Nova se força à lever les pieds pour s’avancer vers lui même si chaque mouvement lui donnait envie de s’allonger par terre pour se reposer et le poussa doucement en direction de leurs quartiers avec un sourire. Comme lui, elle brûlait d’en parler, mais elle rêvait aussi d’ombre.

— Mais tu as vu comme ils étaient trop mignons avec leurs petites moustaches, et quand ils ont sauté par dessus la feuille, là… ils étaient a-do-rables ! Rien à voir avec ceux dans les élevages en ville ! On aurait dû prendre des photos…

Regretter un peu ne leur apporterait rien, surtout que sur le moment, Nova n’y avait pas pensé un seul instant.

— … on aurait pu les montrer à Aileas. Quand elle va savoir qu’on en a vu dans la nature, elle sera verte !

Elle aurait aimé que son amie ait été là pour voir ça avec eux, pour voir ce qu’ils avaient vu et s’en réjouir avec eux mais en même temps… ça lui faisait aussi quelque chose à partager avec Akum et seulement avec lui. Ça leur faisait une histoire rien qu’à eux.

De prime abord, Nova ne dit rien, se contentant de le regarder s’exciter d’un air amusé alors qu’il ne pouvait s’arrêter de parler avec enthousiasme du spectacle qu’ils avaient vu. Il avait rêvé de voir des animaux ainsi en liberté pendant cette promenade, même s’il était principalement parti pour montrer les plantes sauvages à Nova. Les voir était clairement l’accomplissement involontaire le plus incroyable et précieux de sa vie, jusqu’à maintenant et il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il était heureux de l’avoir vécu avec sa jeune amie et seulement elle.

Il n’avait pas parlé en l’air lorsqu’il lui avait affirmé qu’il l’aurait embrassée, tant la joie et l’excitation du moment étaient fortes. C’était quelque chose qu’il n’aurait en revanche pas dit à Aileas, malgré leur lien très fort, mais parfaitement amical. Les ambiguïtés qui avaient pu exister à une époque, naturellement ou de son propre fait, étaient depuis longtemps laissées au passer. Avec Nova c’était un peu différent, il prenait un plaisir d’une autre nature à se retrouver en sa compagnie et il lui mentirait s’il disait que c’était la première fois qu’il avait ainsi eu envie d’être proche d’elle d’une autre façon.

Cependant, le contexte ne s’y prêtait pas, ou plutôt, leurs situations physique respectives n’étaient pas vraiment idéales pour ce genre de rapprochement spontané, comme le prouvait la vague de chaleur qu’il avait tiré à la faire tournoyer un instant dans ses bras. Voilà pourquoi un restaurant serait sans doute plus propice pour commencer à faire les premiers pas dans la direction qu’il souhaitait emprunter avec elle. Il estimait y avoir suffisamment réfléchi, seul de son côté, mais également avec l’aide des quelques adultes en qui il avait confiance, dérangeant brièvement Maggie et Ren pour recevoir des conseils ou bien des précisions sur certaines choses. Il n’était pas dans ses intentions de blesser Nova à cause de son style de vie.

-Ouais, t’as raison, approuva-t-il, reprenant son souffle perdu pendant son monologue.

Il ne protesta pas lorsqu’elle le poussa gentiment pour le faire avancer dans la direction de leurs quartiers. La balade n’avait certainement pas été une perte de temps, il savait d’avance qu’il allait dès demain faire le tour de la ville pour demander si quelqu’un pourrait lui fournir un support pour peindre. Il avait besoin d’immortaliser ce dernier moment le plus rapidement possible, juste pour être sûr de ne pas en oublier les détails. Il devrait ensuite trouver un endroit où l’accrocher chez lui, mais il ne s’inquiétait pas vraiment de ça, ayant l’habitude de refaire complètement la déco de sa cabine au gré de ses envies.

Il écouta Nova en parler avec autant d’enthousiasme que lui, le faisant sourire largement alors qu’il la regardait avec une certaine tendresse. Sa mission du jour était remplie, il avait réussi à lui démontrer la beauté d’une balade en pleine nature, à mettre un peu d’étoiles dans ses yeux et même à ce qu’elle ne reste pas trop longtemps fâchée contre lui malgré sa maladresse et ses inquiétude à cause de son asthme. Il se garderait bien entendu de remettre le sujet sur le tapis, préférant de loin son humeur actuelle. Les dilubis lui avaient sauvé la mise sur ce point, il leur en devait une. Il ne savait pas comment les remercier, mais il leur en devait, indubitablement, une.

-T’inquiète pas, j’en ferais une peinture tu verras, ça va être chouette ! Déclara-t-il lorsqu’elle regretta de faire de ne pas avoir pris de photos, tout comme lui. Son commentaire suivant ne manqua pas de le faire rire. Oui, elle va être verte, je suis sûr qu’elle va vouloir qu’on l’emmène le plus rapidement possible pour qu’elle puisse en voir, elle aussi.

Aileas serait sans doute un peu déçue de ne pas avoir été là, mais sans doute pas longtemps, vu l’énergie qu’elle déployait pour que Akum et Nova passent plus de temps ensemble. Quand elle saurait qu’ils allaient au restaurant à deux, nul doute qu’elle serait ravie. Mais avant tout, il fallait rentrer et c’est désormais ce à quoi ils dépensèrent leur énergie, tout en continuant de commenter ce moment exceptionnel qu’ils venaient de vivre, à deux.