« Happiness Therapy. » | Le parrain qu’on lui a affecté s’est rapidement retrouvé confronté à un problème de taille… Elle. Ceci dit, il a été le seul à oser lui dire en face ce que tout le monde pensait tout bas. Et sans trop savoir comment, Nilin s’est retrouvée avec un rendez-vous hebdomadaire chez un psychiatre. Elle feint perpétuellement d’avoir oublié ses horaires, s’y rend en traînant des pieds. La vérité, c’est que ça l’a aidée ces dernières années, à réaliser certaines choses. Elle reste dubitative des effets, se ferme au chemin qu’elle a intérieurement parcouru. Elle parle peu, pendant les entretiens. Mais ce psychiatre est pire qu’un molosse, il ne lâche pas. Et elle est trop têtue pour baisser les bras aussi. Alors elle continue d’y aller.
« It. » | Nilin fait souvent des cauchemars, ce qui est somme toute normal avec ce qu’elle a vécu. Arrachée à Mars, à son père, à son enfance, à son innocence. Elle ne s’en plaint pratiquement jamais, préférant taire la noirceur qui sommeille dans chaque recoin de son existence. Et pourtant, c’est toujours là, à la tarauder. Ça attend une faiblesse quelconque pour l’engloutir toute entière. Elle dort peu, du coup, elle a des cernes presque imprimées sous la peau. Le psy a bien tenté de lui soutirer des infos sur ses troubles du sommeil, sauf qu’elle reste toujours muette. Remuer le passé, ça n’apporte que des problèmes supplémentaires. Elle en a suffisamment à gérer dans le présent.
« A History of violence. » | Donc, oui, sans surprise, Nilin en a bouffé. Sur tous les sujets possibles et inimaginables. C’est pour ça qu’elle a développé ce truc, cette espèce de carapace aux allures de bunker personnel. Elle se dit que si elle ne laisse plus rien l’atteindre, alors elle survivra. C’est plus facile d’avancer comme ça. Certains se transforment en arme vivante, elle, elle a choisi la défense. De temps à autres, Nilin frappe aussi. Elle ne sait pas réellement se battre, ceci dit, alors c’est plus quelque chose de brouillon et de hargneux. Sauf quand elle a un flingue en main.
« Ghost in the shell. » | Nilin a bidouillé tellement de fois son Charlie qu’elle connaît les procédures sur le bout des doigts. Quand elle est arrivée sur la Flotte, elle a commencé à trafiquer l’I.A. sur son temps libre, un peu par curiosité, beaucoup par esprit de contradiction. Elle s’est faite remettre au pas trop de fois, ce qui lui a fallu plus que de simples tapes sur les doigts. Et finalement, Nilin est parvenue à trouver le bon degré entre discrétion et efficacité. Sa version de Charlie est plus réactive, elle a des tendances à l’insubordination, jure parfois, fait des réflexions inopinées. Elle sait se tenir quand des représentants de la loi sont dans les environs. Peut-être qu’un jour, à force de trafiquer ses programmes, elle finira par lui donner un peu trop de répartie. Comme cette fois où Charlie a commenté bruyamment et de façon très imagée la façon dont la combinaison moulait le corps de ce mécanicien. Reset immédiat.
« Sexy Evil Genius. » | La Martienne semble née avec la technologie au bout de ses doigts. Alors qu’elle n’a appris à lire convenablement que vers ses douze ans, après des années à balbutier sur les mots, elle avait plus de facilités à comprendre comment fonctionnait les machines. Gamine de l’ère de l’ingénierie aérospatiale et des multiples avancées, elle a rapidement compris la nécessité de devenir indispensable pour survivre et s’éviter les corvées les plus dangereuses. Échouer à la solde de pirates était volontaire, une estimation pragmatique de ses chances de survie. Avec les années, elle a su tirer profit d’autres avantages – comme, sans surprise, le fait qu’elle soit une femme plutôt agréable à regarder. Elle joue rarement de cette dernière carte, ceci dit. Elle est moins à l’aise avec son corps qu’avec son esprit fragmenté.
« Solaris. » | Elle aime être parmi les étoiles. Surtout depuis qu’elle a rejoint l’Albatros. Rallier l’équipage d’Ethan a été un virage à 180° dans son existence. Certains diraient qu’elle avait échangé un mal pour un autre, mais ceux-là ne savent pas de quoi ils parlent. Ils étaient différents. Ils refusaient l’esclavagisme. Ils en avait assez bavé, l’un et l’autre, pour savoir qu’ils ne voulaient pas avoir ça sur la conscience. Beaucoup de choses, mais pas ça. C’est ironique de voir qu’à la fin, c’est justement leur refus de soumettre les plus faibles qui leur a tout coûté. Chienne de vie.
« Burn out. » | On ne dirait pas comme ça, seulement Nilin c’est une passionnée des petites choses qui explosent. C’est comma ça qu’elle a rencontré Ethan d’ailleurs, elle jouait pour l’équipe d’en face qui voulait supprimer un concurrent direct. Ils l’ont envoyée bidouiller leur vaisseau, elle avait tout programmé pour que la surchauffe entraîne une magnifique explosion. Évidemment, ça ne s’est pas fait – mais c’est une autre histoire. L’important c’est qu’elle a gardé la vilaine manie de mener les systèmes au bord de la surchauffe, même si c’est juste pour donner une leçon à un mécano. Ça les fait paniquer, ça la fait rire. Elle a confiance en ses capacités. Ceci dit, le risque zéro n’existe jamais. Le pire, c’est qu’elle en a parfaitement conscience quand elle lance ses conneries. C’est juste qu’elle s’en contrefout. Ou elle fait bien semblant, en tout cas. A cause de ses manies, de son tempérament fougueux, elle a déjà récolté trois rendez-vous avec Lady Grace. Le premier de deux jours, le second d'une semaine complète. A sa décharge, elle venait d'arriver sur la Flotte et elle n'a été incarcérée que sur une période de deux ans. Le dernier remonte à un an seulement, un mois complet à cause d'une altercation violente avec un autre Stellarien. Elle garde une rancune tenace envers cette personne, et n'aurait pas hésité à récidiver si elle n'avait pas craint d'être mariée à vie à la Lady.
« Love me if you dare. » | Il y a ce jeu, qui court depuis des années entre Ethan et elle. Ils tiennent un tableau sur l’Albatros, avec un résultat serré. Presque cent points chacun. Si Nilin y parvient en premier, elle écope du titre de capitaine de leur équipe réduite. Si c’est le cyborg, elle se soumet à ses volontés pendant une année entière. L’un comme l’autre appréhendent leur défaite, parce qu’ils savent qu’ils seront impitoyables. Et comme des gamins, ils marquent leurs points à grands coups de défis idiots, avec certains effets secondaires. Ethan s’est retrouvé avec le prénom de la jeune femme tatoué sur sa fesse gauche, parce qu’il avait eu le malheur d’exiger la même chose d’elle. Avoir le prénom de son capitaine entre les seins, même en mandarin, c’est plutôt difficile à expliquer. Ceci dit, ils assument parfaitement leurs idioties. C'est une façon comme une autre de rester un peu sain dans le chaos ambiant. Et elle a écopé d'une sacré avance quand elle a bouclé sa formation en ingénierie spatiale.
« Muse. » | La première fois que Nilin a vu l’art qui parsemait les murs de la Flotte, elle a trouvé ça idiot. Ou en tout cas, décalé. Puis elle a compris l’importance de ces éclats d’imagination, de joie, de couleurs. Un jour, elle est même tombée sur une sculpture de bric et de broc, aux allures de bête prédatrice. Sans se l’avouer, elle est tombée sous le charme du travail de Boris Asimova. Maintenant, elle rôde toujours dans les parages, elle découvre les nouvelles œuvres avec impatience – et respect, aussi. Jamais elle ne sera capable d’un tel talent artistique. Elle sympathise lentement avec l’extratrice, lui apportant de temps à autres des pièces ou des éléments uniques pour ses sculptures. Participer, même d’une maigre façon, à la conception de ces beautés lui donne un profond sentiment de satisfaction.
« Ready Player One. » | S'il n'y avait pas eu l'Albatros et Ethan, Nilin aurait continué sa vie en solitaire. Sans le moindre regret ou remord. Parce qu'elle ne connaissait que ça. On ne peut pas regretter quelque chose dont on ne sait rien. C'est comme le goût d'une côtelette de bœuf, si on y a jamais goûté, on ne peut pas réaliser le manque. Le psy a dit que ça l'avait bouffée. Cassée. Rendue bancale, d'être toute seule. Elle, elle dirait que ça lui a permis de survivre jusqu'à ce que ça devienne intéressant. C'est pas du sentimentalisme, c'est la vérité. Sa vie n'était qu'un enchaînement de missions et de crédits sales, de claques perdues, de parents fantômes. Rien de bien glorieux. Après, ça a changé. Elle a changé. L'événement qui l'a le plus marqué, c'est quand l'équipage de l'Albatros s'est retourné contre le capitaine et elle, le second, pour des crédits supplémentaires contre des esclaves. Elle savait, à ce moment, qu'elle faisait quelque chose de bien. Quelque chose de complètement stupide, mais de bien. Et Nilin n'en a pas parlé depuis, néanmoins elle en est fière, d'avoir ramassé comme pas permis et d'avoir gardé la tête haute pour ce qu'elle pensait être juste. Ce qu'elle savait être juste. Sauf que c'est pas ça qui fera d'elle un héros. Ils crèvent toujours horriblement, les héros.