1 | Le premier véritable souvenir de Pierrino est étouffant de chaleur, le soleil l'écrasant de ses rayons tandis que sous ses mains et ses genoux s'amoncelle de la terre sèche et de la poussière. Placé dans un trou sous la surveillance bienveillante d'un des doctorants de son père, avec une petite truelle et un petit seau proportionnel à sa taille, il apprend à fouiller tandis qu'au loin, sa mère et sa sœur aînée nettoient sous un auvent ce qu'extraient les techniciens de fouille. Il se souvient de son père qui lui visse une casquette sur ses cheveux bouclés et du regard absent de son frère lorsqu'il lui montre un tesson, un sourire trop grand où manquent des dents, un tesson qu'a placé là le doctorant lorsqu'il ne regardait pas. Il se souvient du short trop neuf et rêche, des pansements sur ses genoux écorchés d'avoir trop traîné sur la terre dure et des larmes qu'il avait versé quelques heures plus tôt lorsqu'il était tombé d'une élévation.
2 | Assuré de ne rien hériter du domaine familial, ni même des innombrables artefacts et les quelques incunables que conservait sa famille, Pierrino a toujours été rongé par la jalousie face à ce frère distant et malade. Malade à sa façon et c'est avec difficulté que le gamin s'est vu relégué au second rang, presque au même niveau que sa sœur. Jaloux, il l'était également de cette mère fatiguée et française qui appelait ses enfants par des prénoms francisés tandis que lui a toujours été Pierrino, Pierronino, jamais ô grand jamais sa mère ne l'a appelé Pierre. Dévoré par la rage, il savait que sa mère l'aimait, mais refusait les caresses et ses sourires, toujours caché dans un coin de porte à la voir enlacer son frère et, surtout, sa sœur.
3 | Lorsque Pierrino avait 5 ans, son frère et sa sœur l'ont emmené pour la première fois jouer sur la colline au dessus du village dans lequel ils passaient la plupart de leurs vacances. Ils l'installèrent dans une petite voiture construite par un des ouvriers de leur père, avec une caisse et des petites roues et la poussèrent jusqu'en haut. Lui devant, eux derrière, absolument ravis de leur bêtise, ils se laissèrent glisser jusqu'en bas de la pente en s'agrippant à la petite voiture. Malheureusement, celle-ci n'avait pas de frein et le seul moyen de la faire tourner était de se pencher sur le côté à la manière d'une luge. Ils ne virent que trop tard la procession dirigée par un prêtre et ne parvinrent qu'à hurler en se protégeant le visage de leurs mains. Ce fut Pierrino, placé judicieusement devant pour ne pas tomber, qui se prit le cercueil dans le visage et, sonné, ne parvint par à s'extirper de la petite voiture lorsqu'ils arrivèrent dans l'église où ils renversèrent plusieurs bancs. Son frère et sa sœur s'enfuirent en courant et son père fut appelé pour constater les dégâts et l'emmener à l'hôpital. Il fut le seul inquiété de ces jeux, ses aînés soufflant qu'il avait piqué la voiturette sans leur avis.
4 | Pierrino a couché avec la moitié de son département, la plupart des doctorantes de ses collègues et certaines des masterisantes des disciplines connexes. Les mains baladeuses et un sourire de tombeur, il profite de l'argent que lui procure sa famille, de son nom et surtout de ses diplômes pour attirer les jeunes débutantes, les ambitieuses et se former une cour de jolies filles. C'est ainsi qu'il a rencontré ses femmes, celles avec qui il les a trompées – souvent leurs amies – et aussi la raison pour laquelle toutes ses relations se sont conclues ; l'exclusivité, très peu pour lui.
5 | Lors de son premier mariage, Pierrino a vomi dans le décolleté de sa femme tout l'alcool et la nourriture qu'il a ingurgité – en comptant les 7 cannellonis qu'il a avalé d'un coup suite à un défi. Elle l'a poussé dans la mer et il a manqué de se noyer au point qu'elle a dû le secourir pour qu'il sorte de l'eau. Il s'est par la suite endormi dans ses seins. Il est d'ailleurs toujours catégorique à ce sujet : c'était la meilleure partie d'elle.
6 | Pierrot est un tricheur, dans son travail comme dans la vie. S'il a couché avec beaucoup de personnes, il a également profité pour récupérer leurs papiers, les soudoyer, écouter leurs aveux et leurs recherches. Il a fait de même avec ses collègues masculins, échangeant potins, astuces et jeunes doctorantes prêtes à tout contre des papiers et des nouveautés. Ou, si tout cela ne suffisait pas, voler leurs affaires ne lui a jamais posé de cas de conscience. S'il l'a fait avec Karst ? Certainement, et plus d'une fois, mais c'est de bonne guerre. Pas rancunier, il apprécie de voir que des gens sont capables de faire comme lui, ce sera alors à celui qui publiera le plus vite, qui fera preuve du plus d'astuce et de coups de putes pour arriver à ses fins.
7 | Il a toujours été plus attiré par les étoiles que par ce qui se trouvait sur terre ; pour lui l'origine vient du ciel et non pas du sol. L'idée d'être composé de poussière d'étoile l'a toujours fait rêver et il le racontait aux autres enfants dans les couloirs de l'école privée dans laquelle il se trouvait, le chuchotait dans l'oreille des premières filles avec lesquelles il a couché et dans celle de ses gamines lorsqu'il était là le soir pour les coucher. La vie vient de l'espace et les autres mondes sont habités.
8 | Déçu par la terre, par ses collègues, par la communauté scientifique, de ne jamais pouvoir hériter de la fortune familiale alors qu'il se décarcasse bien plus que la plupart des autres – surtout que sa sœur qui préfère s'occuper de ses enfants à lui que d’apparaître en robe aux soirées organisées, il décide de partir. Profitant du contact d'un cousin au troisième degrés de l'ami du frère de la femme du comptable d'un de ses doctorants, il s'est engagé avec ses recherches sous un bras, son doctorant sous le bras et Karst à ses côtés pour aller conquérir l'espace et surtout prouver à ces mal-baisés qu'il avait raison. Si le prix à payer était un de ses étudiants ? Alea jacta est.
9 | Pierrino a peut-être essayé une ou deux fois avec des hommes... peut-être même plus ? Il ne se souvient pas de tous les visages, comme il ne se souvient pas de tout l'alcool qu'il a pu ingurgiter sur des chantiers ou à des colloques, mais il se considère comme entièrement hétérosexuel. Cependant, si pour l'avenir de la science il était nécessaire de se marier avec son meilleur ami, il en serait ainsi. Bienheureux de ne pas perdre son nom – fier, il l'est Pierrot – il se vante régulièrement d'être celui qui porte la culotte dans le couple et rappelle à ces dames que même s'il est marié à un homme, c'est lui qui sait où mettre ce qu'il faut.
10 | Pierrino était un enseignant sur terre, pas nécessairement toujours très présent, partout et nulle part à la fois, à s'occuper des affaires de sa famille, des publications de son frère, de ses propres recherches et des chantiers de son père, Pierrino a toujours su faire preuve d'un esprit très pratique et déléguer les tâches qu'il n'était pas capable d'assurer tout en formant tout étudiant à sa portée pour qu'il puisse se débrouiller sans lui. Toujours l'anecdote et le rire au bord des lèvres, ses cours étaient certainement plus un one man-show qu'autre chose et il aimait improviser ce qui lui manquait – c'est à dire beaucoup de choses puisqu'il ne préparait ceux-ci généralement que quelques minutes avant d'aller dans la salle. Depuis qu'il est arrivé sur la flotte, il s'est approprié les plus jeunes, ceux qui sont encore malléables et à qui il faut tout apprendre. Il aime faire preuve d'une certaine démagogie et surtout pouvoir se rendre indispensable. La seule chose qu'il regrette réellement est la présence des parents... après tout les étudiants qui se faisaient avoir pendant ses cours étaient bien trop vieux et fiers pour faire appel à leurs géniteurs.