LEANDRO & ORION.

Les joues humides (de larmes, de sang ? il n’aurait su le dire) et la poitrine en feu, Orion fonça le long d'une coursive… et se prit un mur de plein fouet.

Super.

VDM.

***

Le jeune homme sortait d’un combat clandestin, et celui-lui l’avait laissé sur les rotules. Son crâne lui faisait mal, un goût métallique emplissait sa bouche et de nombreuses plaies parsemaient son visage et ses bras. Mais plus que son corps, c’était son orgueil qui avait été atteint ; la défaite qu'il venait d'essuyer lui avait laissé un goût amer dans la bouche, et un sentiment de honte dans le creux du ventre. Mais au moins… au moins, il ressentait quelque chose d’autre que cette torpeur épaisse, gluante, désagréable, dans laquelle l’avait plongé la mort de Thomas. Il avait refusé de bander ses blessures, puisant dans la vision du sang un réconfort un peu honteux.

Il était désorienté par la douleur, comme s’il était ivre ; le mur qu’il venait d’embrasser était d’ailleurs le troisième. Le choc n’en fut pas moins douloureux, et il se laissa glisser au sol, palpant son nez pour estimer les dégâts, reprenant difficilement son souffle. Rien ne semblait cassé, mais il devinait qu'un hématome n’allait pas tarder à grossir au beau milieu de son visage, d’abord écarlate, puis d’un jaune verdâtre aussi douloureux à regarder qu’à toucher. Youpi.

Lorsque l’air se remit à circuler dans ses poumons sans lui donner l’impression d’être composé à 99% d’acide, il se releva et s’appuya contre le mur, attachant son regard à une lumière bleutée qui brillait au-dessus de sa tête. C’était joli, et il aurait pu rester un long moment à la regarder d’un air ébahi - la douleur ne l’avait pas seulement désorienté, mais aussi pas mal abruti - si des pas ne s’étaient pas faits entendre non loin de là, résonnant contre les murs de la coursives.

Oh damn, pourvu que ce ne soit pas Ela. Sa soeur n’était pas au courant de sa participation aux combats clandestins, et il n’avait pas DU TOUT envie qu'elle le découvre, et par extension qu'ils se disputent. Le fossé entre eux était déjà suffisamment profond ; inutile de le creuser encore.

Mais la silhouette qui s’approchait de lui lui semblait un peu trop, ahem, virile ?, pour appartenir à sa soeur. A moins qu’Ela ne se soit décidée à porter une moustache noire.

Mais non. Il s'agissait de Leandro.

Leandro ? Qu’est-ce que tu fous là ? aurait-il lancé en temps normal, lui qui ne portait pas le physicien dans son coeur. Rien que ce mot, physicien… brrr.
Mais la fatigue, la douleur, les petites étoiles qui menaçaient d’envahir son champ de vision, tout cela adoucissait considérablement les sentiments qu’il portait à l’ancien amant de sa soeur (« ancien amant de sa soeur », voilà d’autres mots qui ne lui plaisaient pas beaucoup). Alors tout ce qu’il parvint à dire, ce fut un misérable et néanmoins chaleureux (un peu) :  « Belle soirée hein. » Belle soirée, c’était un bien grand mot, surtout pour quelqu'un qui venait de se faire casser la figure. Belle soirée pour enterrer la hache de guerre, peut-être ?  « Q-qu’est-ce que tu fais dans le coin ? » Il essaya de se décoller du mur pour se rapprocher de Leandro, et manqua de s’effondrer pour lui.  « Désolé… » Il se raccrocha à son mur comme à une bouée de sauvetage. « Je vais essayer de ne pas m'écrouler sur toi. Je sais que je ne suis pas le Hartmann que tu as envie de prendre dans tes bras. » Pour l’élégance, on repassera.