welcome to the light

L’heure de la fin de journée venait enfin de sonner et Daisy s’empressa déjà de ranger sa affaire pour fuir les fastidieuses conversations au sujet des élections. Tout le monde à bord de la flotte ne parlait plus que de ça, comme si alimenter des spéculations allait changer quoi que ce soit. Bien sûr, elle pouvait parfaitement comprendre que certaines personnes n’aient rien de mieux à faire que gaspiller de l’oxygène à défendre corps et âme des gens qu’ils ne connaissent même pas, mais refusait totalement de s’infliger un tel moment. Une fois hors du bureau, Daisy commença déjà à rouler sa cigarette, tout en sortant son terminal de sa poche. Maintenant qu’elle se retrouvait libéré de sa journée de travail, l’opératrice pouvait enfin penser à sa soirée et chercher quelques personnes avec qui la passer. Bien que son répertoire regorgeait de contacts plus fêtards les uns que les autres, elle se retrouvait bien embêter au moment de faire une sélection, partager entre l’envie de faire quelque chose qui change de d’habitude ou de rester avec ceux qu’elle avait l’habitude de fréquenter. La routine restait son meilleur ennemi, si bien qu’elle lâcha un rapide soupire, avant d’entrer dans l’ascenseur qui pointait le bout de son nez, lui offrant d’ailleurs une éventuelle nouvelle option.

En effet, alors que les portes se refermaient déjà dans son dos, ses yeux se posèrent sur la seule occupante des lieux. Cette fille, elle l’avait déjà croisé à plusieurs reprises, sans pour autant réellement avoir le temps de la connaître un peu plus. Cela faisait déjà plusieurs moins que cette dernière avait fais ses premiers pas chez les douaniers, sous la direction de Krishvin, une place que Daisy ne souhaiterait vraiment pas avoir. Néanmoins, malgré les mois passés à bord de la flotte, cette dernière ne semblait pas plus à son aise ce qui amusait légèrement la jeune Brennan. « Tu sais que je vais commencer à croire que tu me suis en fait. » Un sourire sympathique, tout en rangeant son terminal dans la poche arrière de son pantalon, comme pour montrer qu’elle se rendait totalement disponible. Daisy se souvenait assez bien de ses premiers temps à bord de la flotte et bien qu’elle avait rapidement pris ses marques, elle devait avouer qu’il faut un certain temps pour réellement s’y sentir chez soi -d’ailleurs, aujourd’hui encore elle avait le sentiment de ne pas y avoir réellement sa place.

Bien qu’elle ne connaissait pas vraiment la douanière, elle se plaisait à penser qu’avec son expérience à bord, elle pourrait l’aider à trouver sa place. « Je rigole. Enfin j’espère sinon ça serait flippant ? » Un sourire histoire de faire comprendre que c’était de l’humour, chose qui lui semblait évidente, mais qui parfois ne l’était pas réellement, comme avec un certain Krichvin. Maintenant que l’approche était lancé, Brennan ne lâcha rien, profitant de l’occasion pour sauver sa soirée et pourquoi pas en apprendre un peu plus à propos de cette presque inconnue et plus vraiment nouvelle. « Bon tu sais quoi ? On va se boire un verre, ce n’est pas possible autrement. » Sans réellement lui laisser le choix, Daisy lui attrapa la main pour sortir de l'ascenseur et prendre la direction d’un bar sympathique qu’elle connaissait bien. Une fois dans le couloir, elle lâcha la main de l’autre, espérant qu’elle ne fasse pas demi-tour directement. Comme cette dernière semblait rester, l’ancienne pirate tenta de garder son attention. « Héloïse, c’est ça ? » Sa mémoire des prénoms restait catastrophique, peu importe la volonté qu’elle y mettait.

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Il y avait des choses qui la rassuraient désormais. Des choses qui, petit à petit, lui faisaient comme un signe ; celui qu'elle était moins une pièce rapportée et plus une petite chose paumée qui essayait de se faire discrète. Qui essayait de s'adapter. Helion était toutefois claire avec elle-même ; elle n'aimait ni l'un ni l'autre. Sa situation, elle espérait qu'elle se tasse vite. Elle espérait... quelque chose. Mais que ce ne soit plus comme ça. Hah, la belle affaire. Elle n'avait jamais été douée pour coller des mots sur ce qu'elle ressentait. Là maintenant, à cette heure, elle pourrait essayer de s'épuiser. De courir, d'affiler des pompes. N'importe quoi pour qu'elle ne pense plus à rien. Sa veste dans une  main, son terminal das l'autre, elle lisait plutôt distraitement quelques informations sur son terminal. Il lui avait fallu quelques temps pour songer que cette machine pouvait lui être utile. Après s'être perdue un nombre incalculable de fois. Elle s'était comportée comme un chat devant une tasse de café. A ceci près que la tasse de café avait eu un goût de liberté.

Elle découvrait ainsi tout un monde qu'elle n'avait pas vraiment pu observer par elle-même. Bien que ses capacités d'observations furent honorables bien entendu, elle avait les formations pour repérer ce qui allait ou pas dans un environnement donné – plutôt utile pour une douanière anciennement flic, mais la Flotte et ses codes lui étaient encore peu familiers. C'était une différence qui pouvait paraître légère tant les humains semblaient humains et les lieux lui semblaient... Presque terriens. Mais c'était là qu'il ne fallait pas se tromper. Tout était différent et elle ne le comprenait qu'à peine.

Elle ne fit pas attention à la porte de l’ascenseur qui s'ouvrit, du moins pas jusqu'à ce qu'on lui adresse la parole ; à ceci, elle redressa la tête, fronçant les sourcils.

Le ton était familier, ce qui l'interloqua une seconde. Mais le sourire était franc. Aussi, d'étonnement elle passa en surprise, une agréable surprise, était-il nécessaire de noter. « J'me perdrais en essayant de te suivre. T'inquiète pas là dessus. » lui avait-elle répondu, lui souriant pour conclura sa phrase.

Un premier contact hésitant, par ses standards. Est-ce qu'elle serait capable de faire mieux, un jour ? Elle était à milles lieues de la personne qu'elle avait été sur Terre, et la personne qu'elle se bornait à être ici ne lui plaisir pas. Elle se bornait, mais n'arrivait pas à changer, à évoluer. A trouver ses marques. C'étaient des soirées passer à se demander que faire, à hurler dans le vide, ou bien des journées muettes, grises et qui se ressemblaient.

Du moins jusqu'à ce que cette jeune femme lui prenne la main alors que s'ouvrait la porte de l'ascenseur. Sans qu'Helion aie le temps de lui répondre. Elle suivit le mouvement, son terminal toujours dans sa main. Au moins comme ça, elle était sûre de ne pas se perdre. Les alentours de son appartement, ça allait, le boulot, ça allait aussi mais la catastrophe, c'était quand elle devait s'en éloigner.

« Helion, et toi c'est … ?  Pardon, j'ai encore du mal avec tout le monde, c'est pas évident - » Elle n'était pas toujours là. Elle ne travaillait pas seulement aux douanes, non. Mais le temps de se rappeler ce qu'on lui avait dit sur elle, la journée serait finie. La semaine serait passée aussi, d'ailleurs. « T'es sûre que ça va pour un bar comme fringues, ça ? »

Elle se lança un regard mi-curieux mi-consterné. Son uniforme. C'était un uniforme comme tant d'autres, noir au col rouge. Mais la question, elle était plus délicate que ça. Est-ce que c'était bon de se mettre des caisses en portant un uniforme ? Si seulement elles allaient boire beaucoup. Sinon, ça irait ? Que pensaient les habitants de la Flotte des soldats qui finissaient leurs journées au bar ? Elle en avait déjà suffisamment entendu de belles de la part d'un certain candidat possédant une haine notoire du Ministère de la Défense– dont les douaniers dépendaient évidemment, pour leur donner du sucre supplémentaire à casser sur leur dos.

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Contrairement à la plupart des douaniers que Daisy connaissait à bord de la flotte, la nouvelle se montrait bien plus aimable et surtout bien plus enclin à faire connaissance, ce qui se trouvait être justement ce dont elle avait besoin ce soir. Sans le savoir, la jeune femme venait de redonner un rayon de soleil sur la fin de soirée de la brune, qui préférait largement boire une bière que traîner seule dans sa cabine. Aussi indépendante soit-elle, l’ancienne pirate n’appréciait pas réellement la solitude, qui lui rappelait bien trop souvent son manque d’attaches et surtout de racines qui la faisait bien plus flipper qu’elle ne le laissait percevoir. Maintenant que le premier pas avait été emboîté et que l’autre se montrait réactive, Daisy s’empressa de combler le vide pour capter son attention. « Hélion, j’essaye de retenir, j’ai une mémoire de merde avec les prénoms. » Certaines personnes auraient sûrement pu se sentir méprisait face à cet oubli, mais aucunement la plus jeune qui se contenta de la corriger et de lui demander en retour la même information. « Daisy Brennan, pour vous servir. » Comme toujours, elle ne put s’empêcher de rappeler son nom de famille, seule véritable racine dans sa vie, qui malgré les années gardait une certaine prestance.

Une fois sortie de l’ascenseur, Daisy lâcha la main de Hélion, bien décidé à ne pas trop lui forcer la main. Même si elle prenait rarement en compte l’avis des autres, l’opératrice savait mieux que personne à quel point passer la soirée avec quelqu’un de pas motivé s’avérait désagréable. Si l’autre refusait, elle pourra toujours entrer dans le premier bar du coin et s’incruster dans un groupe, espérant que ce dernier ne soit pas trop snob pour quelqu’un comme elle. Cela dit, la douanière ne semblait pas du tout refuser l’invitation, ce qui rassura automatiquement la brune qui s’empressa de reprendre son sourire enfantin. « On est sur l’argus tout le monde se promène comme ça ? Après si tu veux on peut aller à ma cabine, mais c’est plus loin. Comme tu veux ? Moi je force personne. » Pas réellement du genre à se mettre sur son trente et un pour sortir, Daisy ne comprenait pas réellement le problème, surtout sur l’argus one. Néanmoins, elle pouvait comprendre que certaines personnes préféraient ne pas être vues un verre en main en tenue de travail.

Après quelques secondes de silence, Daisy admetta qu’inviter quelqu’un dans sa cabine aussi facilement pourrait paraître très ambigüe, si bien qu’elle réenchérissa rapidement. « Ou chez toi si tu as de quoi boire un verre ? Comme tu veux ? » Non pas qu’elle refuserait un moment plus intime avec la jeune femme, il était bien trop tôt pour en parler, surtout que ce n’était absolument pas le but de la soirée. En effet, l’opératrice souhaitait avant tout se désaltérer en bonne compagnie et pourquoi apprendre à connaître cette nouvelle tête.

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Elle essayait de garder un air assuré, comme une imitation de celui qu'elle avait toujours eu. Celui qu'elle ne savait plus avoir depuis à peu près deux mois. En vérité, elle connaissait exactement la date où elle avait arrêté d'être comme ça. Et y repenser lui faisait mal au cœur. « J'ai pas grand chose chez moi, je crois que j'ai qu'un verre en plus - » lança-t-elle sans réfléchir.

Un sourire éclaira son visage ; tout de même, c'était un peu con de dire ça, et elle ne put empêcher son visage d'afficher cet air. Oui, elle n'avait qu'un verre et en plus la baraque était même pas rangée.

« T'as qu'à me montrer ton bar préféré, après on avisera, s'il y a trop de bordel on ira chez toi ? J'sais pas, ça me paraît sympa comme plan ! »

Elle se demandait beaucoup de choses. Comment devait-elle aborder cette jeune femme ? Physiquement, elle ne semblait pas plus vieille qu'elle ; la familiarité était de mise ? Sans compter qu'elle se montrait ouverte et franche, ce qui n'était pas pour déplaire à la douanière. Elle se sentait en confiance avec elle. La chose la plus folle qu'elle fit ? Se diriger d'elle-même vers la direction qu'elle pensait être la bonne, cachant le fait qu'elle ne se retrouvait pas encore tout à fait dans ce dédale. Dans le pire des cas, Daisy était là, non ? « Enchantée, d'ailleurs, j'suppose ? »

Son sourire était des plus naturels. Elle qui, plus tôt, était partagée entre la crainte de devoir le feindre et l'angoisse de ne jamais plus pouvoir sourire. Elle se posait ses questions ; intervenante extérieure, que faisait-elle de ses journées ? Mais il y avait le lot de questions qui était unique à la Flotte, également. D'où venait-elle ? Depuis quand était-elle là ? Était-elle née ici ? Helion se demandait ceci pour chaque personne qu'elle rencontrait, dans une introspection qu'elle ne s'était jamais connue jusqu'alors. C'était quelque peu dérangeant.

Elle n'avait pas beaucoup partagé jusqu'ici, que ce soit avec des collègues ou des connaissances. Elle avait rencontré quelques personnes qui se comptaient sur le doigt d'une main. Qui l'aidaient à s'acclimater. Chacune de ces relations lui étaient précieuses, car rares. Car nouvelles. Car fragiles. Alors qu'elle se dirigeait à l'instinct, elle restait à côté de Daisy, lui laissant ouvrir la marche. Elle marchait désormais à ses côtés.

« T'es pas toujours là, non ? Au boulot, j'veux dire. Tu as un poste spécial ? »

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Décidément, à chaque fois qu’elle rencontrait une nouvelle personne de son ministère, elle se montrait peu fêtarde, à croire qu’elle était une véritable aliénée dans ce monde. En effet, Daisy se souvenait assez facilement de sa soirée avec Brooke, une pilote, qui avait bien failli se terminer très vite au vue de sa tendance casanière. Heureusement, Brennan savait se montrer très créative et persuasive, surtout quand il s’agissait de s’amuser et de faire la fête. Si la sortie ne pouvait pas se poursuivre chez la douanière, ce n’était pas très grave, après tout la flotte jouissait d’un bon nombre de bar peu sectaire, qui les accepteront volontier, malgré leurs tenues de travail -dans le cas contraire, elles pourront toujours finir chez elle, mais par expérience, elle savait que cela finissait toujours très tard et souvent dans les draps, chose peut-être à éviter si elle voulait se faire pour une fois, une amie. « Mon bar préféré est loin, on se contentera de celui-ci. » Ni une, ni deux, elle s’engouffra déjà dans le dit bar, sans prendre la peine de vérifier que l’autre la suivait, se doutant que c’était le cas, après tout ce n’était pas une enfant.

Bien que ce n’était pas forcément son bar de prédilection, elle connaissait suffisamment les lieux pour s’y sentir comme chez elle et surtout se diriger directement vers la meilleure table à son goût. « Deux bières, on sera sur les tables du fond. » Enjouée, elle s’installa sur la banquette, balayant rapidement la salle du regard, à la recherche peut-être d’un sujet de conversation précis. Seulement, sûrement à cause de l’heure assez prématurée, la salle était encore aérée, ce qui à défaut d’être divertissant offrait un peu de calme pour faire connaissance -ce qui semblait être au goût de la jeune femme. « Tout le plaisir est pour moi, t’inquiète. » Pour une fois, ce n’était pas elle qui devait prendre les devants dans l’échange, ce qui se trouva plutôt agréable d’ailleurs. Hélion se montrait curieuse et visiblement motivée à en apprendre plus sur elle et ce n’était pas Daisy qui allait faire dans le mystère.

« Ah oui. A la base je suis opératrice, mais à côté je suis intervenante extérieure, c’est pour a que tu m’as déjà croisé avec les douaniers. » Son métier d’intervenante restait assez occasionnel, si bien que la plupart du temps, elle ne le notifiait même pas dans les conversations. Pour elle, ce n’était même pas réellement un travail, mais plutôt une sorte de passe-temps qui lui permettait de quitter la flotte quelques temps -aspect non négligeable pour l’indépendante qu’elle était. « J’adore ce boulot, si on oublie que ça veut dire travailler avec Krishvin. Sérieux, tu as tout mon respect pour ça ! » Un petit sourire amusée en faisant allusion au supérieur de cette dernière qui à défaut d’être un très bon élément du point de vue professionnel restait assez exécrable.

Au même moment, le serveur déposa les deux verres sur la table et Daisy lui donna son terminal pour payer le tout. Offrir ce verre lui faisait plaisir, bien qu’au fond, elle espérait que cela lui permettrait d’en avoir un second sûr. « A la tienne ! » Levant son verre vers le ciel, elle accorda un sourire sincère, avant de se délecter de sa boisson qui en fin de journée, lui faisait terriblement plaisir. « Bon, alors tu faisais quoi avant ? » Comme tous les nouveaux de la flotte, Hélion possédait des informations sur le monde extérieur, mais aussi forcément une histoire peu commune qui méritait d’être entendu par quelqu’un, quelqu’un comme elle autour d’une bonne bière.

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«  En vrai c'est dingue, tout le monde me dit de Krivshin comme quoi c'est un connard mais laisse tomber, j'ai du le croiser quoi, deux fois ? Là s'il était dans le bar je sais même pas si je le reconnaîtrait. Bon j'exagère un peu p't'être. »

Il n'y avait rien ici qui pouvait lui faire croire qu'elle était dans l'espace. Et ça, c'était quelque chose qui lui permettait de se détendre. D'oublier, pendant un instant, toutes ces journées passées dans un état d'entre-deux qu'elle abhorrait. Elle était ici, mais n'y avait pas sa place. Mais elle n'avait plus de place sur Terre pour autant. Tout ça, c'était plutôt compliqué, si on lui demandait son avis. Elle était plus qu'heureuse de réfléchir, de penser et de parler d'autre chose. Krivshin, c'était le sujet idéal. C'était un type qui lui rappelait son boulot, qui était en quelque sorte sa raison de continuer, de se lever chaque matin. Bien qu'il n'eut rien pour qu'elle s'entende avec, elle était heureuse qu'il soit là. Que la douane soit là.

Elle trinqua, se laissant quelque peu aller, posant ses coudes sur la table pour réfléchir plus posément à la question de Daisy. Oh. Cette question, ça voulait dire pas mal de trucs. Ce « avant », il était assez évocateur. Helion n'était pas des plus douées, aussi elle ne sut pas vraiment ce que Daisy sous-entendait par « avant », mis à part qu'en effet, elle sous entendait quelque chose. Savait-elle qu'elle débarquait ? Elle n'était pas encore très au fait de ce que ça impliquait. Les nouveaux arrivants, ils étaient un peu particuliers, sans pour autant être mis au ban. Non,a u contraire, elle avait été très rapidement formée, on lui avait trouvé un endroit ou vivre, donné de quoi se vêtir, un travail. Elle ne disait pas à beaucoup de gens qu'elle venait de la Terre, même si en fait, une nouvelle arrivante ne pouvait pas vraiment venir d'ailleurs qu'au dehors de la Flotte. Elle pouvait venir de Mars, aussi, mais non, elle était, avait été, terrienne. Au final il n'y avait aucun sens quant à nier ce fait. « J'étais flic, dans la région cinq. Vers Uppsala. » répondit-elle en buvant une gorgée de bière.

Le liquide laissa un goût amer sur sa langue, qu'elle appréciait. « Ça a pas été dur de m'retrouver un boulot une fois ici. » Elle n'avait pas cherché, plutôt. La Flotte lui avait donné ce poste, et elle s'en sentait redevable. « C'étaiiit... sympa, il y avait plus de trucs à faire en ville. La région est plus sympa dans le nord, mais ça bouge moins, la campagne quoi. » Elle haussa les épaules, restant évasive, pas plus par choix que parce qu'il n'y avait rien d'autre à raconter dessus. En y repensant, des images lui venaient, pas de mots, juste des images vivaces qu'elle avait cru enfouies à jamais. Ça lui serrait le cœur, d'y penser.

Elle hésitait ; devait-elle parler ? Non, elle but, avant de parler, du moins. « C'était beau, on, voyait bien les étoiles, les aurores boréales, ça m'a manqué quand je suis arrivée en ville. Ici y'a moins d'aurores mais plus d'étoiles. » Souriante, elle avait conclu ; c'était pas si mal, ici. « Et toi ? T'es pas née ici, si ? » Ce qu'elle savait de Daisy Brennan, c'était des bruits de couloir, donc des choses dont elle ne jugeait même pas de la véracité.

« Le prochain coup il est pour moi, ok ? » Ajouta-t-elle en désignant les verres. « Tu choisiras. »

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Visiblement, d’après les dires de la jeune femme, elle n’était pas la seule à ne pas être sur la même longueure d’onde que le douanier, ce qui n’était pas réellement une surprise. Sa froideur et son manque d’empathie envers les autres devaient à coup sûr en déboussoler plus d’un, si bien que la plupart s’arrangeaient sûrement pour rester à distance. Hormis pour le travail, Daisy évitait de croiser sa route, trouvant chacune de leurs conversations des plus gênantes, comme s’ils étaient clairement incompatible. Cela dit, même si elle ne le portait pas réellement dans son coeur et qu’elle se plaisait à faire de l’humour à son sujet, elle était loin de le détester, ce doutant que derrière ce personnage se cachait un homme comme les autres. « J’irai pas jusqu’à dire que c’est un connard, mais disons que ce n’est clairement pas la personne la plus sympathique et amusante de la flotte. » Un petit sourire bienveillant pour celle qui aura l’occasion bien assez tôt d’en apprendre plus sur son patron, inutile de la faire stresser inutilement. De plus, il était déjà trop tard pour perdre du temps à parler boulot, autant profiter de la soirée pour faire plus ample connaissance.

Si beaucoup de stellariens ne semblaient pas apprécier qu’on leur pose des questions sur leur vie passée, Hélion elle se montra visiblement partante pour en dire d’avantage à son sujet. La réponse de la brune enthousiasma la jeune Brennan, toujours ravie d’entendre des récits sur la planète bleue, celle qui quelque part restait leur racine commune. « Tu viens de la terre ? Mais c’est trop bien ?! » Peu de temps avant le coup d’état, bien avant qu’elle ne naisse, son père était retourné sur terre pour recruter des hommes motivés à entrer dans l’équipage et ainsi quitter la terre. En plus de rafraîchir les rangs du chancellor, cela avait apporté un bon nombre de terriens, si bien qu’il n’était pas rare de les entendre parfois se laisser à un brin de nostalgie. Fascinée par leurs récits, la petite Daisy s’était alors passionnée pour ce monde chargé d’histoire, à l’instar de tout ceux où elle avait posé les pieds. « Zone 5… Uppsala… C’est dans le nord hein ? Là où vivaient les vikings ? » Malgré sa curiosité sincère pour cette planète, les connaissances de Daisy sur cette dernière restaient assez limitées et surtout un peu biaisé par ceux qui les avaient racontés.

Maintenant que la terrienne venait de se présenter sans rechigner, elle retourna automatiquement la question en direction de Daisy qui resta un peu étonnée. La plupart des gens à bord de la flotte connaissait sa famille, soit directement soit grâce aux moultes ragots qui trainaient dans la flotte. Dans tous les cas, l’autre ne semblait pas au courant, si bien que l’opératrice s'attela à un rapide résumé de ses origines. « Moi ? Je suis une Brennan, alors je suis née sur le Chancellor, un vaisseau pirates vieux de presque un siècle. Enfin ils l’ont amélioré bien sûr, mais ça fait environ cent ans que ma famille est dans l’espace. J’ai presque toujours vécu sur le navire avant de venir ici. » Si l’histoire du Chancellor pouvait sonner comme un roman d’aventure, la réalité était très différente. Seulement, même si cela n’était qu’un tas de ferrailles, ce vaisseau représentait quelques part sa planète à elle. Si un jour il venait à disparaître, alors le nom Brennan ne vaudrait plus grand chose et elle sera totalement destituée de ses origines.

« D’après ce que je sais, je suis d’origine irlandaise, tu connais ? C’est joli ? » Bien sur, avant d’être des pirates, les Brennans étaient des terriens, comme tout le monde, vivant sur une terre celtique fortement rattachée à son folklore. Malgré cela, ils avaient décidées de quitter la terre, dans l’espoir de faire fortune, mais aussi de gagner en libertée. Si leur rêve avait été atteint, ils avaient perdus beaucoup au change, non seulement ne devenant des ennemis publics, mais surtout en s’isolant du reste du monde. Ainsi, le Chancellor et son équipage avait vécu, devenant une sorte de communauté à lui seul, qui disparaîtra sûrement en même temps que son navire. En effet, quand le chancellor disparaîtra, le nom Brennan ne vaudra plus rien, si ce n’est peut-être par chance une courte ligne dans un livre d’histoire qui n’interessera personne.  Cette idée de n’être finalement personne et de ne pouvoir se rattacher à rien de concret l’effrayait un et quelque part, sa venue sur la flotte lui permettait pour une fois d’appartenir à quelque chose de plus grand.

« Eh bien je propose la même ? Histoire de rester sur une bonne lancée ? » Jamais de sa vie Daisy ne refuserait un verre si gentiment proposé, surtout maintenant que la conversation battait son plein. Rencontrer par hasard cette fille dans l’ascenseur fut finalement peut-être une chance autant pour sa soirée que pour le reste de l’aventure. « Pourquoi tu es venue ici ? Enfin je veux dire, la terre ça te plaisait pas ? » Sa curiosité à toute épreuve ne laissait pas une seconde à la jeune femme, bien qu’elle comprendrait parfaitement si l’autre ne souhaitait pas s’y éterniser.

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