C’était la première fois qu’elle rentrait chez elle depuis son retour — après quelques jours passés chez ses parents, il fallait bien à un moment ou à un autre retourner dans sa propre cabine et reprendre une vie normale. Ce n’était pas son genre de se cacher dans les jupes de ses parents et cela avait déjà bien trop duré. Elle n’avait pas reçue de notification indiquant que sa cabine avait été réaffectée; première bonne nouvelle, donc. Ses affaires n’avaient sûrement pas bougés d’un centimètre depuis qu’elle était partie, attendant sagement que leur propriétaire regagne ses quartiers. Rowan imaginait sans peine la couche de poussière qui avait pu s’installer, et soupirait déjà à l’idée du ménage qui pouvait bien l’attendre.
Reprendre les allées familières du Colossus 5 pour rentrer chez elle était à la fois un sentiment étrange et plutôt rassurant. Elle en oubliait presque pourquoi elle n’avait pas pu rentrer chez elle depuis un moment. Sans doute, en un an, beaucoup de choses avaient dû changer. Peut-être qu’elle n’avait plus les mêmes voisins; Rowan eu un petit pincement au coeur en imaginant ne plus voir les mêmes têtes familières sur le chemin entre chez elle et son petit bureau sur le Colossus 5, ou à la machine à café du coin. Néanmoins, la flotte n’était pas non plus infinie : elle aurait sans aucun doute l’occasion de les recroiser, ce n’était pas un drame en soi, pas de quoi s’alarmer.
Où avait-elle bien pu mettre cette foutue clef ? Cela devait bien faire cinq minutes qu’elle fouillait dans les diverses poches à la recherche de cette clef; à coup sûr, elle l’avait oublié dans la cabine de ses parents et devrait se taper un aller-retour supplémentaire avant de retrouver le confort de sa couchette et le reste de ses affaires. Néanmoins, alors que Rowan commençait déjà à soupirer entre ses dents quelques jurons, un mouvement attira un peu son attention, suffisamment pour la détourner de la recherche de ses clefs et poser son regard sur la silhouette. Silhouette plus que familière, qu’elle reconnu dès le premier coup d’oeil.
« Pavla ? » Rowan s’autorisa un sourire en voyant sa voisine sortir de sa cabine. Pavla, sa voisine et amie, lui avait mine de rien manqué. Rien que de revoir une tête familière, la journée de Rowan s’illuminait un peu, détournant son attention de ses clefs disparues. Elle aurait sûrement à répondre à des questions de Pavla — ou pire, à des reproches — mais pour l’instant, l’heure étaient encore aux retrouvailles et l’ingénieure se souciera des reproches lorsqu’ils pointeront le bout de leur nez. Elle abandonna sa porte pour s’approcher de Pavla. « Ca fait trop longtemps. » Bon, ça, c’était de sa faute, un détail qu’il n’était pas forcément nécessaire de rappeler. « Tu vas bien? J’allais rentrer, mais si t’as le temps, on peut aller boire un café et rattraper le temps perdu. »
black pumpkin
Sujet: (#) Re: home alone x pavla Mar 13 Fév - 22:25
Faire les courses pour Nugget pouvait s’apparenter à un véritable parcours du combattant. L’alimentation de ce brave petit reptile n’était pas aussi simple à trouver que la sienne et il lui fallait bien souvent arpenter les boui-boui les plus étranges du quartier pour dénicher à prix convenables des substituts d’insectes et de la poudre de calcium. Adopter un chat aurait sûrement nécessité moins de complications mais après tout, les animaux à sang-froid étaient bien la seule compagnie animale capable de survivre dans cette Flotte. Aussi fallait-il s’en contenter.
Pavla revenait le bras chargé de victuailles qui n’étaient pas pour elle. Cette fois, pas de rongeur pour Nugget, le dernier qu’elle avait acheté s’étant enfui du sac avant même qu’elle n’ait eu le temps d’arriver chez elle. La brune atteignit l’entrée des hauteurs où se situait sa cabine, fouilla sa poche pour en sortir la clé magnétique qui permettrait d’ouvrir la porte et de se réfugier dans son havre de paix. Au troisième passage de celle-ci, usée par toutes les fois où Pavla l’avait malencontreusement abîmée, la porte daigna enfin s’ouvrir. Mais c’était sans compter sur elle.
« Pavla ? » Elle se retourna, prête comme bien souvent à adresser un admirable regard courroucé à celui qui l’avait interpellée. Celle, en réalité. Car elle avait cru rêver, elle avait bien cru imaginer cette voix – l’avoir rapprochée de celle familière de sa voisine. Son fantôme de voisine, sa lâcheuse de voisine. Pourtant c’était bien elle, plantée devant elle comme l’ectoplasme qu’elle avait été durant un an. Incroyable vision, au point que l’Astoriane faillit rester plus d’une seconde la bouche ouverte, muette d’incrédulité.
C’est long douze mois, même pour quelqu’un de patient. Pavla l’avait expérimentée, elle qui n’avait jamais vraiment souffert de l’attente devait admettre que Qiang était une bien belle garce pour lui avoir fait connaître les prémices de ce sentiment infâme qu’était l’abandon. A moins qu’il ne s’appelait « trahison », à vrai dire elle était encore novice en ce domaine pour comprendre réellement si elle avait juste envie de frapper la brune simplement parce qu’elle lui avait manquée, qu’elle avait nourri une forme d’inquiétude bénigne chez elle ou parce qu’elle paraissait étonnamment détachée pour quelqu’un qui réapparaissait miraculeusement du jour au lendemain. « C’est une blague ? » finit par articuler la brune, la voix légèrement rauque.
Une partie d’elle hésitait encore sur le comportement à adopter entre soulagement sobre et colère brute, mais la serveuse demeura de marbre, seuls ses yeux fusillaient Rowan avec intensité. Passée le maëlstrom indéfinissable, elle reprit la parole et le naturel en même temps. « Il va falloir bien plus qu’un café, Rowan. Crois-moi. » Une cafetière entière ne suffirait pas à épancher les reproches maladroits qui commençaient à envahir le cerveau embrouillé de Pavla.
Elle se remémorait les semaines passées à guetter dans l’ombre, discrètement, un retour potentiel de la jeune femme. Les premiers jours à attendre. Les suivants à s’imaginer toute sorte de scénario. Et puis peu à peu, les habitudes – les vitres de la cabine qui s’encrassent, le silence à travers le mur mitoyen, les plantes reconstituées en pot qui dépérissent peu à peu. Ca valait le coup de s’être pris d’affection pour quelqu’un si c’était pour être laissé tombé sans préavis. Ca, elle ne l’avait pas digérée et pourtant il n’était aucunement question de sentiment ou d’exclusivité ; seulement de peine, au fond. Une fois la porte close, Pavla rugit enfin. « Qu’est-ce que t’as foutu au juste ? » Ca ressemblait plus à un grognement, mais ça n’était guère engageant.
(c) DΛNDELION
Sujet: (#) Re: home alone x pavla Jeu 22 Fév - 11:04
Elle avait été naïve pendant l’espace de quelques secondes. Rowan avait failli croire que Pavla l'accueillerait à bras ouverts, un grand sourire aux lèvres, le tout ponctué d’un “tu m’as manqué” et elles pourraient passer à autre chose: reprendre leur relation mise en pause pendant un an là où Rowan avait été forcé de l’abandonner sans s’attarder sur les petits détails. Elle qui se pensait pas trop naïve, il fallait croire qu’elle avait ses moments; cela aurait été bien trop beau, bien trop simple, et bien sûr, Pavla n’avait pas de grand sourire aux lèvres et n’était même pas sur le point de la prendre dans ses bras. A la place, un regard qui lui fait comprendre clairement que ça ne serait pas si simple, que son attitude n’était pas forcément la plus adéquate. Rowan rentra un peu sa tête dans ses épaules, fixant le bout de ses pieds pendant quelques secondes, le temps de se ressaisir et de trouver quoi dire mais aussi d’éviter le regard de Pavla. « Si c’était une blague, j’aurais vraiment un humour hyper particulier. » marmonna-t-elle, plus pour elle-même que pour la brune.
Le café était plus symbolique, l’occasion de discuter calmement et paisiblement; mais il fallait se rendre à l’évidence et que Pavla n’était pas dans la même optique qu’elle. Rowan avait été — ou était, tout simplement — un peu égoïste. Pensant simplement à sa propre personne, concentrée ce qu’elle avait vécu en se retrouvant coupée de son quotidien brutalement, elle en avait oublié ce que les personnes qui, eux, étaient restés sur la flotte, avaient pu ressentir lorsqu’elle avait disparue du jour au lendemain. Certains, comme Nora, s’étaient inquiétés et avaient été soulagés de la revoir. Et d’autres, comme Pavla, ne la pardonnerait pas aussi facilement. Un simple “désolé” ne suffirait sûrement pas.
Qu’est-ce que t’as foutu au juste ? — la grande question, celle qui étaient sur toute les lèvres. Rowan se tordait nerveusement les mains, balayant du regard la cabine familière de Pavla. Elle n’avait pas changé (les capacités de personnalisation de cabine restaient, quand bien même, limités) et en un regard, il était presque difficile de croire qu’un an s’était écoulé depuis qu’elle avait franchi ce seuil pour la dernière fois.
L’ingénieur prit quelques secondes, le temps pour trouver les bons mots, s’il y en avait; ceux qui parviendraient à calmer la colère quoique légitime de la serveuse. « Euh… » commença Rowan avant de se racler la gorge. « J’ai pas vraiment choisi de disparaître un an hein. J’ai fais… une connerie.» Un euphémisme. Elle eut un rire nerveux. « Pour faire simple j’ai fais un ‘petit’ séjour sur le Lady Grace. » dit-elle rapidement. Pas la peine de tourner autour du pot pendant des heures — autant crever l’abcès immédiatement. « J’aurais bien voulu te prévenir avant, mais j’ai pas eu le choix, vraiment. Sinon je te l’aurais dis. Je t’aurais envoyé un message pour que tu sois au courant. » Si elle avait su, Rowan aurait évidemment fait les choses différemment. Elle n’aurait pas relevé le pari idiot, quitte à passer pour une trouillarde. Valait mieux être une trouillarde qu’une criminelle, non? Enfin, à présent, c’était trop tard pour revenir sur les événements, Rowan avait gagné son pari et une nouvelle étiquette peu brillante. Elle releva timidement les yeux pour croiser le regard de Pavla, y trouver une once de compassion et peut-être même, de pardon.
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