Monter les abris.
Xylo & Damian

Elle était sur Qiang. Putain de bordel de merde : elle était sur Qiang. La chaleur inhabituelle et l’inconfort qu’elle éprouvait à devoir s’adapter à ce nouvel environnement, le lui rappelaient à chaque instant. Elle n’était pas chez elle et si elle avait eu le cœur serré lors de son départ de la Flotte, en cet instant précis plus rien ne comptait si ce n’était sa présence sur la planète. Tant pis pour les nausées, les pertes d’équilibre et toutes ces sensations désagréables éprouvées simplement parce qu’elle foulait de nouveau la terre ferme. Elle ne voudrait, pour rien au monde, se trouver ailleurs en cet instant précis. Le temps s’était écoulé bien sûr, pourtant Anastasia avait toujours la gorge un peu nouée, encore crispée par l’émotion qu’elle avait éprouvée en descendant parmi les premiers du vaisseau. Elle se souvient encore avoir refermé ses doigts sur le premier bras à sa portée, sous le coup de l’excitation, à savoir celui d’Aileas, et le sentiment de gêne et de honte qu’elle avait pu éprouver sur le moment s’était évaporé au profit d’un bonheur simple mais sans précédent. Elle y repensait aujourd’hui encore, tout comme elle repensait à ces nuits qui n’en étaient pas vraiment, les couchers de soleil infinis de Qiang la laissant sans voix à chaque fois. Difficile de se concentrer sur les tâches qui lui incombaient alors qu’elle crevait d’envie d’embarquer un sac à dos et de partir vadrouiller, seule, afin de faire encore plus de découvertes qui la laisseraient béate d’admiration. La milicienne s’appliquait toutefois, se mettant d’autant plus la pression lorsqu’elle voyait des légionnaires lui tourner autour (bien qu’elle sache qu’ils n’étaient probablement pas là pour la surveiller ou se lancer dans une compétition puérile). Incapable de rester inactive, bien qu’elle appliqua les recommandations qu’on avait pu lui faire et qui consistaient à ne pas se surmener les premiers temps, la jeune femme se retrouva donc rapidement à s’impliquer plus encore dans le cadre de l’installation et la colonisation.  

Consciente du fait qu’elle n’était qu’un soldat (de ce fait, incapable d’être utile lorsqu’il était question d’antenne de communication ou de dôme d’agriculture), la milicienne avait décidé de s’atteler à la tâche jugée ingrate qui consistait à monter les abris. Lorgnant du coin de l’œil l’ascenseur qui menait au vaisseau qui les avait amené jusque sur Qiang, Anastasia découvrit ainsi le sergent Kyenge (dieu merci, une douanière) en train de déplacer l’équipement en dehors de la carlingue. En quelques foulées, la jeune femme la rejoignit donc, découvrant également la présence de … Mathilde ? (elle n’était plus sûre du prénom). « Un coup de main ? » L’aide se voit accueillie dans un sourire et Anastasia se retrouve à emporter de l’équipement avec elle, afin de l’emmener sur ce qui leur servirait de lieu d’habitation, tandis que l’ingénieure lui expliquait avoir demandé à la chef d’équipe de la main d’œuvre supplémentaire qui ne tarderait probablement pas à arriver non plus. A la mention de Xylo, la milicienne se crispe légèrement avant de se décider à laisser couler. La hiérarchie voulait ça, en toute logique, et Ana avait tout intérêt à ne pas oublier qu’elle avait elle-même voté pour que la légionnaire se retrouve en charge de l’équipe. Les regrets qu’elle semblait éprouver en repensant à cette décision, n’étaient clairement dû qu’à une rancœur mal placée. Mais en cet instant précis, il était certain qu’elle doutait encore de sa capacité à rester mature en présence de celle qu’elle exécrait depuis sa sortie de l’Académie.

- BLACK PUMPKIN

Les mains sur les hanches, Damian observe le campement qui se réveille, un air satisfait plaqué sur le visage. C’était le matin, il le savait; nonobstant la montre réglée en fonction des journées de Qiang qu’il portait au poignet, il avait l’impression de retrouver le rythme de sa planète natale. Entre ça et le fait qu’il était habitué à une gravité similaire – bien loin des gens qui avaient grandi sur la flotte et s’étaient habitués à l’apesanteur et à la gravité artificielle –, il avait l’impression de s’être mieux remis de leur arrivée sur la future colonie que les autres. Il était prêt à mettre la main à la pâte, après que les dernières journées aient été un peu longues, à décharger du matériel et à comptabiliser des stocks pendant que les gens intelligents faisaient leurs trucs. Aujourd’hui, il brillerait dans la tâche qui lui avait été assignée par la chef d’expédition : aider à monter les abris terrestres qui seraient leurs maisons. Lise lui avait fait remarquer que leurs vêtements Bybliens seraient particulièrement bien adaptés aux conditions météorologiques de Qiang, aussi portait-il les fibres texturées de sa planète natale. Il faisait quand même un peu frais à son goût (bien que ce soit plus tolérable que sur la flotte).

Le Byblien se dirige avec entrain en direction du petit groupe de femmes qui s’affaire autour des abris. Ils se connaissaient tous un minimum, désormais, pour avoir passé le temps d’entraînement et de préparation ensemble, en plus des quelques jours sur Qiang. Quand on n’était que vingt-cinq, les présentations allaient vite, et Damian n’était pas du genre à se gêner pour apprendre à connaître les autres (pour le meilleur et pour le pire). « Me voilà! Par quoi on commence? » s’exclame-t-il alors qu’il s’approche de Leanne, le pas léger, presque en gambadant. Anastasia et Mathilde revenaient d’un premier aller-retour pour disposer les modules là où seraient construites les habitations. « Vous avez tous les morceaux pour celle-là? » demande-t-il à Anastasia, pointant l’amas posé en retrait. « Est-ce qu’on sait déjà où on doit les disposer ou faut faire des calculs et tout? Parce que ça je peux pas aider, mais je peux déplacer des choses pendant ce temps-là. » Tout sourire, il se tient prêt.