Le vestiaire était vide, ce qui n’était pas une surprise au vu de l’heure et surtout, ça arrangeait David qui prenait son temps dans la douche. Il avait encore le corps léger, ou du moins la sensation de. Il s’était enfin mis au taikong, des années après être resté simple spectateur admiratif. Par un concours de circonstance, il avait rejoint les Wardens dont l’entrée en compétition demandait aux membres de l’équipe un véritable investissement. Des efforts que David devait doubler pour atteindre leur niveau. Alors il était resté s’entraîner après que toute l’équipe soit partie, afin de mieux comprendre les déplacements en apesanteur. Ce qui ne devait être qu’une petite heure supplémentaire s’était transformée en une soirée entière. Ce qui expliquait son unique présence dans les lieux.

C’est en se rhabillant qu’il note les quelques égratignures sur son corps ou encore des tâches violacés nées d’un mauvais coup. De quoi faire croire qu’il avait eu une intervention musclé alors qu’il en était rien. Il s’amuse seul en préparant déjà des récits complètement idiots qui attireront sûrement l’attention sur lui à des prochaines soirées. Le brun attrape sa veste d’uniforme - il avait été obligé de remettre partiellement son uniforme, faute d’avoir oublié une tenue de rechange. Peu désireux d’être interpellé par un civil qui le penserait en service, il garde sa veste en main et reste dans un t-shirt blanc qu’il ne prend pas la peine de rentrer dans son pantalon.

Même en sortant du vestiaire, les couloirs de l’Argus One demeurent tout aussi vides et paisibles. Les lumières plongeaient les lieux dans une ambiance tamisée dans un dégradés d’orange et de bleu violacé que David assimilait à un coucher de soleil, bien qu’il n’en est jamais vu un. Il scrute les environs, s’assurant de croiser personne pour s’autoriser un raccourci pour quitter le vaisseau militaire plus vite. Pas que l’endroit était réellement interdit d’accès, mais plus souvent emprunter par les grandes têtes pensantes de la flotte. Des têtes qu’ils n'espèrent pas rencontrer si tardivement, espérant que tous dormaient à poings fermés. Il appelle l’ascenseur et se glisse dedans aussitôt les portes ouvertes. Avec plus d’une cinquantaine d’étage à descendre, il s'assoit à ses aises contre une paroi métallique, épluchant les nouveautés sur starchat.

L’ascenseur s’arrête imperceptiblement - ce qui contrastait avec les montes charges grinçant du colossus 5 auxquels il était habitué. Si bien qu’il en oublie de se relever. David lève le menton pour vérifier l’étage et, en plus de n’avoir descendu qu’une dizaine de palier, il reconnaît immédiatement la personne qui entre avec lui. Le jeune homme reste un instant consterné avant de sauter sur des pieds, ce qui ne manque pas d’agiter la cage d’ascenseur. « M-ma-dame Hartmann. » C’est la bouche béat qu’il lui fait face avant se raviser et se pincer sévèrement les lèvres avant de dire une parole déplacée. Il pense à quitter le lieu mais les portes se ferment derrière elle. Tout était différent maintenant qu’elle était conseillère. Bien qu’elle s’efforçait de rester accessible, il était fini l’époque où elle était son ancienne professeur - la seule dont il garde un souvenir agréable de cette année difficile de sa scolarité.

D’un réflexe sorti de nulle part, David tend le bras pour rattraper le terminal qui glisse des mains de la conseillère avant que celui-ci ne se brise au contact du sol. Il lui rend aussitôt, sans même un regard en direction de l’écran. « Je suis vraiment désolé ! Je ne voulais pas vous faire peur. » Et il était vraiment au vu de son visage encore marqué par la surprise. Il culpabilise mais ça aurait pu être pire. Elle aurait pu casser son terminal, le faire glisser dans cette effrayante feinte entre le sol et l’ascenseur ou encore se blesser elle-même. Il se pince les lèvres alors que l’ascenseur entame de nouveau sa descente. Les mains dans le dos, il vient s’appuyer contre l’un des murs, droit comme un i alors qu’elle demande ce qu’il fait ici. Un passage qu’il n’était pas supposé emprunter mais qui s’avérait être bien pratique.

Le milicien n’ose rien dire pendant quelques secondes. Incapable de trouver un mensonge rapidement et surtout valable. Il ne pouvait clairement pas prétendre être en service alors qu’il tenait sa veste d’uniforme du bout du bras. Il grimace en plissant les yeux d’un air déjà désolé et coupable. « C’est plus rapide en passant par ici. Je ne pensais vraiment pas croiser quelqu’un ou déranger… Le garçon s’emballe avant de se rendre compte qu’il listait que des excuses vaines. Il soupire en rabaissant ses épaules. Désolé. » Conclut-il d’un air sincère.

Il aurait voulu croiser Elara à un autre moment, dans une situation moins compromettante. Prendre de ses nouvelles, lui demander comment c’était de passer de simple professeur à proche conseillère de l’Amirale. Parler un peu de lui aussi, lui montrer ce qu’il était devenu loin des bancs de l’école qui lui ont posé tant de difficulté. Il lève les yeux vers le compteur d’étage, le sien se rapprochant à grand pas. « Je descends bientôt, vous inquiétez pas. »

David se détend quand la conseillère lui assure que tout va bien. Il mentirait en disant qu’il imaginait la blonde le dénoncer. Il la connaissait, pas aussi intimement qu’une amie mais elle avait été présente, sur son parcours épineux. A son échelle, peut-être sans s’en rendre compte, Elara Hartmann avait apporté ce qu’une mère absente n’avait pu lui donner. Du soutien, un peu de rigueur et beaucoup d’encouragement. « Oui je me doute bien… Merci. » De lui faire une faveur, de fermer les yeux sur cette écart qu’il n’osera plus commettre désormais. Il connaissait peut-être quelques figures importantes de la flotte, ça ne le sauvera pas de remontrance de la Vice-Amiral.

Un sourire apparaît enfin sur le visage du jeune militaire quand elle demande de ses nouvelles. Une fois la surprise passée, il était réellement heureux de la voir. Il avait énormément entendu parler d’elle sans jamais pouvoir lui dire bonjour. Cela semblait quasiment impossible maintenant qu’elle était devenue conseillère. « Super, et vous ?? Félicitations ! Pour, euh, votre nouveau poste. » Il tend les bras comme pour la désigner, plus qu’admiratif du chemin parcouru. Elle le méritait et il le pensait sans honte. Pour cause, il avait déjà monté le ton devant des amis qui s’étaient permis de la discrédité sans raison. Sans compter les fois où il avait voulu tenir tête à Lanzo qui n’avait aucune confiance en la conseillère.

Elle désigne sa veste et il baisse les yeux sur son uniforme pour comprendre de quoi elle parlait. Son sourire s’étire à nouveau et il cache difficilement sa fierté. « Très bien, j’ai reçu mon diplôme il y a deux mois. Je suis milicien sur le Colossus maintenant ! » Il sort même son badge de fédéré qui indiquait autour du signe de la Fédération Milicien de la défense intérieure. En l’exposant ainsi, il se vante aussi silencieusement d’être sorti major de promotion. Un titre que l’on pouvait remarquer grâce à l’étoile qui couronnait son badge. « Je vous ai croisé quelque fois de vous mais vous aviez l’air tellement occupée. C’est pas trop dur ? Enfin ça le sera sûrement toujours moins que gérer des classes d’une trentaine d’adolescent. »

La fierté peut se lire sur le sourire de David lorsque la conseillère le félicite. C’était un gamin en manque de reconnaissance. Il avait essayé de se détacher du regard des autres, de faire ce qui lui plait (l’armée) mais ce sentiment était toujours là. Et les encouragements de son père, que trop lointain maintenant ne suffisait plus. Alors la bienveillance de l’ex-professeur Hartmann touche le jeune homme droit au cœur, là où l’affection manquait. Il récupère et range soigneusement son badge au fond de sa poche alors qu’il avoue l’avoir déjà croisé plus d’une fois dans les vastes couloirs du Colossus. Il n’avait jamais douté de sa bonne volonté, mais pour une dizaine de raison, il n’avait pas voulu déranger. Sûrement qu’il était préoccupé par l’image que cela pouvait renvoyer, pour elle plus que pour lui.

La remarque inattendue d’Elara fait exploser de rire David. Si bien qu’il se rattrape aussitôt en mettant sa main devant sa bouche. Il est désolé mais il est bien trop facile de rire à cette image d’Assemblée aussi survolté que des académiciens. D’autant plus que deux des membres de sa famille siégeait là-bas. La conseillère est sûrement à des lieux de s’imaginer qu’elle est dans le vrai même en dehors de la salle des capitaines.

Le moment touche à sa fin lorsque l’ascenseur s’arrête imperceptiblement. Seule une douce sonnerie indique leur arrivé. Le jeune homme lève le nez vers l’étage et remarque qu’il s’agit de la conseillère. « Je ne vais pas vous retenir plus longtemps. C’était super de vous rencontrer à nouveau. Les portes s’ouvrent et personne est à l’horizon mais il se fait tout de même tout petit. Rentrez-bien ! Et faites attention à vous. » Lance-t-il dans un élan protecteur de milicien. Il la regarde sortir de la cage d’ascenseur, regrettant de ne pas avoir eu plus de temps pour prendre de ses nouvelles.

« Oh et, Madame Hartmann ! David s’interpose entre les portes de l’ascenseur qui se referme sur lui avant de le libérer. Je joue dans l’équipe des Wardens en ce moment. Je… Enfin je sais pas si vous aurez le temps mais vous êtes la bienvenue aux matchs. » Il lui adresse un sourire timide et sans attendre il lui offre un dernier signe de main en guise d’au revoir.

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