L’idée d’un pique-nique ne lui serait jamais venue spontanément. Il avait bien fallu que David mentionne partir en escapade avec sa petite-amie Neema – qui sortait toujours par les yeux d’Evelyn sous une façade qu’elle voulait tolérante, sans grand succès – pour qu’elle se dise que le concept n’était pas sot. Il y avait peu de gens avec qui la vice-capitaine aurait accepté de partager un moment en tête à tête, privé et qu’elle qualifierait d’intime, aussi la liste de gens à étudier avant d’oser la suggestion fut bien courte. La lieutenant Lloyd l’avait largement emporté sur le reste de sa maigre liste et les choses s’étaient placées relativement rapidement, à son plus grand plaisir. Un samedi après-midi, chacune délestée de son service à la flotte, qui profitaient d’un moment de repos. La brune avait apporté de quoi grignoter et du vin, ignorant si Norah se laissait parfois tenter par la bouteille; preuve qu’en vérité, elles ne se connaissaient pas tant que ça. Or, il y avait quelque chose de rassurant dans le fait de passer un peu de temps avec quelqu’un qui semblait sur la même longueur d’ondes dans tous les aspects – connus – de sa vie. Assise en tailleur dans l’herbe soigneusement entretenue, Evelyn décoche un bref sourire à Norah alors que la blonde approche, la gratifiant d’un salut quasi militaire qui ne la froisse pas le moins du monde. « Hey », qu’elle lui fait en retour, brève et concise. « Bien, merci. J’espère que tu n’as pas eu trop de mal à me trouver? » Logiquement, si aucune alerte n’était apparue sur son terminal, un message de Norah lui demandant de préciser son emplacement, c’était que tout avait été clair dès le départ. Par les étoiles, qu’elle détestait les banalités.

La brune agite sa main doucement devant elle, à côté d’un sac en tissu qu’elle avait rempli de quoi se mettre sous la dent. « Assied-toi, je t’en prie. » C’était l’objectif, après tout. « Je ne sais pas si tu bois du vin, mais j’ai quand même pris deux verres. Sinon, il y a de l’eau. » Simple, sobre et efficace. Pas besoin d’en dire ou d’en faire plus que nécessaire, après tout, et elle savait que la militaire ne s’offusquerait guère de la platitude de l’offre en breuvages. « Pas trop difficile de décrocher? » Evelyn adresse à son interlocutrice un nouveau sourire, plus posé. L’une comme l’autre étaient constamment en service, elles le savaient bien, toutes deux passionnées (pour ne pas dire obsédées) par le travail et le dévouement au bien-être de la flotte. Si ça pouvait rassurer la lieutenant, parler du travail était tout à fait acceptable, sinon bienvenu. C’était, après tout, un sujet neutre et qui ferait l’unanimité entre les deux femmes.