There and back again

Le menton bien levé, le torse bombé, elle cesse d'être figée dans un garde à vous impeccable afin de rendre le salut du gradé qui lui fait face. Son rapport terminée, elle peut disposer et c'est ce qu'elle fait. Sa main se repose le long de sa cuisse en un claquement, alors que ses pieds pivotent pour exécuter un demi-tour droite, geste devenu mécanique avec le temps. Elle va vers la porte, sort, libre. Elle ne sait pas encore ce qu'elle va faire de son temps libre ; dormir est probablement l'option la plus sage, mais, elle se connaît et sait qu'elle va trouver quelque chose de plus intéressant à faire.

En attendant, elle se retrouve dans le couloir, presque vide à cette heure-ci. Elle pousse un soupir de soulagement, heureuse d'être à nouveau seule, elle passe sa main dans ses cheveux pour s'assurer que son chignon est bien en place, et pose son autre main sur son calot, coincé entre elle et sa ceinture afin de se le remettre sur la tête. Elle n'attend pas d'achever son action avant de se mettre en route ; le bureau du cadre qu'elle vient de voir étant assez loin de sa propre cabine. C'est donc en marchant qu'elle ajuste méticuleusement la position de la coiffe noire, sur laquelle brille l'insigne de la fédération. Elle n'a même plus besoin d'y réfléchir ; la vie militaire est un moule qu'elle a parfaitement épousé. On lui dit parfois que cet état d'esprit est dans les gênes, et, si au début elle rétorquait que n'était pas le cas ; et que son affinité avec la discipline résultait d'une éducation où la collectivité était mise en avant par rapport à l'individualisme, elle se contente maintenant d'une réponse sous la forme d'un sourire laconique.

Alors qu'elle marche dans les couloirs du vaisseau, le silence y régnant étant mis en évidence par le résonnement produit par ses rangers frappant le sol, elle décide de faire un petit détour afin de profiter du vide stellaire. Sa vision est inspirante, et elle a besoin d'inspiration ; parce qu'après réflexion, elle sait ce qu'elle va faire en rentrant.
Elle arrive dans le couloir en question, qui offre une vue idéale sur l'espace et la flotte ; et marche en contemplant cet abîme infini pendant un premier temps. Puis, alors qu'elle marche, elle remarque une présence dans sa vision périphérique. Elle jette un coup d’œil timide, et remarque une jeune femme fixant également l'espace. Elle essaie de suivre son regard, incertaine de ce qu'elle observe. Elle s'arrête, ouvre la bouche, hésite. Puis, piquée par la curiosité, se décide et demande:

« Qu'est-ce qui vous captive à ce point ? »

Elle ne la regarde pas quand elle lui parle ; et, debout, bien droite, se tenant les mains dans le dos comme si elle était au repos ; ce qui est plus ou moins le cas au final ; elle cherche la source d'intérêt de cette passante, espérant potentiellement y voire une source d'inspiration.

There and back again

Brooke, silencieuse et concentrée, et elle tâche d'écouter la réponse de celle qui vient de devenir son interlocutrice. Je ne sais pas... une réponse qui énerve Brooke ; elle s'apprête à lui ordonner d'être un peu plus introspective et de lui offrir une observation plus intéressante, quand elle continue en se justifiant.

La pilote ne tourne pas la tête, simplement le regard, perplexe. Elle observe cette femme du coin de l' œil ; est-elle alcoolisée ? Alors que la détermination de Brooke à penser que l'alcool, c'est mal, se renforce, elle lâche une remarque sur l'incohérence de sa dernière intervention, à laquelle la jeune femme va répondre en acquiesçant silencieusement la tête. Elle ne veut pas offenser celle qu'elle vient de rencontrer ;  elle ne cherche pas à la vexer ; mais, elle ne peut pas cacher que ce qu'elle vient de dire ne fait pas de sens. Ou du moins pas assez pour un esprit aussi logique et introspectif que celui de Brooke. Il doit y avoir une raison. C'est juste qu'elle ne cherche pas à le faire, comme le commun des mortels. Enfin, la pilote a l'habitude, et décide simplement de laisser tomber et de passer à la suite de cette interaction sociale.

Un silence s'est installé quelques instants, puis, les regards se croisent alors que Brooke dévisage son interlocutrice sans gêne. Elle penche légèrement la tête sur le côté, interloquée, au moment où elle continue à essayer de se justifier. Quand elle sourit, elle fait de même ; consciente qu'elle a là un réflexe acquis uniquement afin de répondre aux attentes de leur société en matière gestuelle et sociale. À sa question, cependant, elle va répondre :

« Certes. Mais je la qualifierais surtout d'intrigante. Quand je vois ça, je me demande : pourquoi est-ce que ça me plaît ? La réponse est évidente, comme vous venez de la donner. C'est beau. Mais j'ai du mal avec cette notion, je ne parviens pas à en déterminer les critères exacts » elle se tait un instant, les yeux rivés sur les étoiles, et reprend : « c'est étrange, non ? Ce que nous voyons là, ce qui est beau selon nos critères, ce sont simplement des millions, probablement des milliards de réaction principalement thermonucléaires »

Elle se tait encore une fois, et réalise qu'elle est passée à côté du point. Elle reprend donc afin de conclure et de passer à autre chose :

« Enfin, oui, c'est beau. Pourquoi ne pas demander votre chemin à Charlie ? »

Là, la jeune femme est clairement curieuse. Son hypothèse, en fait, est qu'elle ne le fait pas volontairement afin d'errer à la recherche de quelque chose ; il est impossible de se perdre, avec Charlie. Elle suppose que son interlocutrice cherchait inconsciemment à créer une interaction sociale ; ce qu'elle a réussi à faire, au final. Elle attend sa réponse, afin de mettre à l'épreuve son raisonnement ; comptant bien le faire jusqu'au bout.

There and back again

Elle regarde son interlocutrice, la dévisage, son visage légèrement penchée sur le côté. Brooke est intriguée ; et ça se voit probablement, mais elle s'en fiche. Quand son interlocutrice lui donne une première réponse, elle arque un sourcil, perplexe. Puis, elle fait non vigoureusement de la tête, tout en écoutant les balbutiements de justification de la jeune femme qui lui fait face. Elle n'ose pas la couper. Le visage de Brooke se fige, et elle a l'air encore plus perplexe. Après un instant de silence, elle répond simplement dans un premier temps :

« La beauté a des critères ; ils sont juste généralement subjectifs, et c'est cette subjectivité qui me pose problème »

Elle pose ensuite ses yeux bleus sur la baie vitrée, et reprend :

«  Vous venez de subir une opération oculaire ? » d'où la netteté. En un instant, ses théories sur cette demoiselle évoluent. Elle suppose que, fraîchement arrivée sur la flotte, elle rentre maintenant du Regina Mercy où elle vient de subir une opération des yeux afin de rectifier une vision défaillante ; d'où sa dernière intervention. Son comportement et ses propos étranges sont justifiés par les contrecoups de l'anesthésie qu'elle a subie.

D'abord, fière de sa théorie, Brooke réalise vite qu'elle s'est peut-être emballée. Et qu'elle doit être assez bizarre. Elle n'est pas très empathique, mais là, le malaise semble palpable. Elle essaie d'écarter donc son côté un peu trop logique quelques instants pour reprendre :

«  Laissez tomber » elle hésite, puis reprend en s'avançant et en lui tendant la main : «  Brooke. Brooke Everson. Désolée d'avoir été un peu trop... Moi ? » un sourire fugace puis elle conclue : «  Si vous avez des questions, ou besoin d'un guide pour achever votre visite, je serais ravie de vous aider »

Son ton est neutre, mais sa petite voix rend le tout amical. Elle ne pense pas vraiment ce qu'elle dit ; elle imite un comportement qu'elle a déjà vu et qui lui semble plus adapté à la situation. Un comportement courtois ; pas vraiment hypocrite, pas complètement sincère. Elle veut bien l'aider ; mais elle n'en sera pas ravie. Elle en sera probablement indifférente.