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  You'd better not kill the groove ( hestia )
MessageSujet: (#) You'd better not kill the groove ( hestia )    You'd better not kill the groove ( hestia ) 3ViG0Cu Mar 20 Fév - 23:26
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     Elle rêve, Sid, d'un ciel rouge et noir, où fleurissent des flammes et des nuages. D'un ciel sanglant qu'elle n'a jamais vu. La pluie fouette son visage, coule en abondance sur le tissu ample qui virevolte autour de ses jambes cuivrées; la robe colle à son corps, lascive. Elle foule des rizières, des millions de petits grains blancs qui s'éparpillent par delà les montagnes. D'un coup, ses yeux se couvrent de noir. Impuissante, elle veut protester; qu'est ce que c'est, cette torture qu'on lui impose ? Mais elle aussi muette qu'aveugle; sa langue se mue doucement en couleuvre, tentacule froid qui rampe le long de sa gorge, qui effleure son sein, erre entre ses cuisses, jusqu'à glisser au sol dans un bruit des plus répugnants. Elle ne sait plus si elle pleure ou si c'est la pluie torrentielle qui la frappe de toutes parts. Au loin, les voix de Zafy, Roseinstein and Mugheri s'entremêlent et se démêlent, résonnent si fort dans sa tête. Elle veut leur intimer de se taire, mais tout ce qui parvient à s'échapper d'entre ses lèvres, c'est un souffle d'agonie. Alors qu'elle se consume de froid, seule dans ces rizières qui, depuis la flotte, ressemblent à des champs d'abélias, elle se réveille.

          De la sueur sur son front,
          sur ses mains,
          des bras de travailleur qui l'encerclent, l'emprisonnent.

           Pas de doute, elle a encore ramassé une âme éperdue sur le chemin du retour... voire même de l'aller. Alors qu'elle tente de remettre de l'ordre dans ses souvenirs les moins entachés par la liqueur, un grognement typiquement masculin, à mi-chemin entre le râle détendu et le ronflement brise le silence métallique du vaisseau. Elle fronce les sourcils, perturbée. Elle croit sentir une odeur étrange, que quiconque ayant foulé un jour le sol d'une planète aurait qualifié de "terre mouillée"; mais ça, Sid l'ignore. Elle hausserait bien des épaules, mais l'homme l'enserre, l'étouffe, comme une araignée trop fainéante pour terminer sa toile. Cette proximité lui donne des frissons. Cette proximité n'avait été appréciable que durant les quelques minutes d'euphorie fugitives où il était en elle, et encore. La jeune femme tente alors de deviner les traits de cet homme mystère, colosse aux muscles saillants, qui irradie de chaleur. Impossible. Ce n'est pas plus mal. Encore un autre dont elle n'aura pas besoin d'éviter le regard inquisiteur, vu qu'elle ne s'en souviendra pas. Elle sait qu'elle lui a donné un faux nom -Irène- , un faux âge, une sensualité déplacée qui ne lui ressemble pas.  Ce corps nu qu'il a entraperçu, n'était que le reflet d'une illusion. Lassée, elle tend le bras hors de la couchette, tentant d'attraper son charlie, qu'elle a normalement posé sur la table de chevet. Elle a beau être un peu fougueuse, ce n'est pas pour ça qu'elle se rend chez des inconnus sans l'intelligence artificielle à proximité. Sait-on jamais. Cinq heures du matin. Hmm. Aujourd'hui, elle assure la permanence de l'après-midi à la station. Y'a de quoi à dire, avec ce fameux mouvement de foule sur le Tiantang et puis... tout ça, quoi.

       Il est donc temps de laisser cet homme d'une nuit. Sans doute se réveillera t-il bientôt. Elle se rappelle de ses mains, calleuses et brodées de cicatrices - un ouvrier, peut-être ?-, mais cela lui importe peu. Elle ne l'a pas séduit pour finir sa vie avec. Ce qu'il est, ce qu'il fait, dans ce train-train quotidien qui embourbe tous les habitants de la flotte, elle s'en fout. Elle réussit à ramper hors du lit, tant bien que de mal. Il y a une tempête sous son crâne. La lumière fluorescente de l'écran de Charlie la nargue, lui indiquant qu'il reste un bon demi-gramme d'alcool dans son sang. L'espace d'un instant, elle se déteste. Puis, elle se dit qu'elle ira nager, au moins une heure, pour paraître fraîche au moment de reprendre le boulot. Sid quitte alors la cabine, silencieuse comme une ombre. Dehors, la lumière des néons est agressive. Cela sent la sueur et le sale; c'est l'aube du labeur physique. Sid arrange sa perruque et salue deux types à la peau translucide, qui lui renvoient un regard méfiant. Bon. Elle n'est pas sûre d'où elle se trouve, mais elle prête à parier qu'elle est sur le Colossus. Elle n'y est pas souvent, mais son père y travaillait, il y a quelques années de cela. Elle se rappelle avoir supplié sa mère de la laisser "aller voir papa au travail.". Comme s'il avait voulu d'elle.
   
    Elle marche. Autour d'elle, une petite foule commence à s'agiter. A l'heure où le Tiantang s'endort difficilement, le Colossus braye et s'électrise, cheval fou de la flotte. Cet endroit est un véritable labyrinthe et, encore un peu éméchée, faut bien se l'avouer, alors qu'elle commence à se dire qu'il faudrait peut-être qu'elle demande son chemin à quelqu'un, une voix claire la sort de ses pensées. Certes, Sid a habituellement meilleur goût lorsqu'elle est sobre, mais elle sait reconnaître une voix juste. Elle tourne la tête à gauche, à droite, jusqu'à entrapercevoir un recoin, faiblement éclairé par les néons. Elle s'approche, jusqu'à distinguer un minuscule couloir, une sorte de cavité aux murs irréguliers, à la peinture écaillée. La voix est de plus en forte, tout en se voulant discrète. Une sorte de chanson soupir. La journaliste enclenche la fonction enregistrement de Charlie. C'est pas très réglo, mais la déontologie ne l'a jamais étouffée jusqu'ici. Sid se glisse entre les parois; ce qui est sûr, c'est que la moitié des types qui bossent ici, avec leurs carrures de titans, n'y rentreraient pas. L'endroit idéal pour se cacher. Au fond, une jeune femme, son âge à peu près, tranquillement assise. Son visage semble familier, mais dans la pénombre, c'est dur à dire. De toute façon, Sid voit flou. Elle reste là une trentaine de seconde, silencieuse, juste à apprécier la chanson, puis lance, de sa voix la plus charmante. " J'ignorais qu'on avait des sirènes, sur notre petit arche de noé." Elle résiste à l'envie de se gratter la tête, foutue alopécie. "Pourquoi réduire cette douce voix à ces quatre murs ? Ils ne peuvent pas apprécier, eux. "   

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