Pretty boys, they didn't teach me things I didn't know. They don't have the thing that I need, but they don't know they don't.
T’avais tout d’abord refusé. De marcher. De jouer le jeu – encore une fois. De plus. De trop. Tu t’étais affirmer, trop vieille pour ce genre de bêtise, capable de faire ton propre chemin – de choisir un compagnon selon tes propres critères. Seulement, ta mère n’avait pas démordu – jamais même. Elle avait insisté. Et t’avais faiblis. Plier. Par amour, parce que Epsilon t’aurait assurément fait les gros yeux. Accepte Rian, ça ne va pas te tuer. C’est jamais qu’un rencard. Seulement, Epsilon était mort. Il ne savait pas combien maman était aujourd’hui exigeante. Assoiffée, même. De ton sang, de cet enfant qui ne viendrait jamais – pas sans ton accord. Jamais donc. Et c’est un peu par culpabilité, pour ce jamais, pour cette décision définitive – non assumé, cependant – que tu avais finalement cédé. Que tu avais même fait un minimum d’effort, rangeant tes jeans confortable, tes t-shirts usés, pour tripoter une jupe. Sans grande excitation. Ce n’était pas même la faute du pauvre type – pas encore du moins, ça viendrait cela dit – mais celle de ta mère. Parce qu’elle avait le chic de dégoté tout et n’importe quoi. Parce que tu ne savais jamais sur quel genre de spécimen tu allais tomber. Parce que la dernière fois, elle t’avait arrangé le coup avec un homme ayant plus en commun avec ton père – y compris son âge – qu’avec toi.
Alors oui, tu allais enfiler cette fameuse jupe fleuris et tu te coifferais Eirian, mais tu ne pousserais pas le vice au-delà. Par respect pour toi-même. Parce que même ton amour pour te mère, avait sa limite. Parce que franchement, tu ne t’attends pas à grande chose – encore une fois. À chaque fois.
C’est pourtant avec un bref résumé que tu gagnes le lieu de rendez-vous : Dr.Milanovic, chirurgien. Sérieux. Regard expressif. Était-elle sérieuse? Aucune idée. Pas avec elle, ta mère comme entouré d’un mystère propre à sa personne – assurément trop portée par les romans et le radiothéâtre pour ton propre bien. Aurait-elle seulement avertit le pauvre bougre de ce qui l’attendait? De quoi son résumé avait-il été fait? Des questions qui s’emmêlent dans tes cheveux, alors que tu passes les ponts, que tu quittes les remparts d’acier – la protection de l’Argus One, peu attrayant mais plus résistant selon toi – pour les doux mensonges du Columbiad. Et si la mer de corps à de quoi te faire sourciller, tu t’efforces d’être agréable, de contourner les corps, d’éviter d’enfoncer ton coude dans tout ce qui remue trop près de toi. Aussi bien dire que lorsque tu gagnes enfin le point de rendez-vous, tu as l’impression de sortir d’une épreuve – la première manche, oui. La seconde se trouve juste devant toi, dans l’intérieur de la presque maisonnette. Un autre mensonge, typique des entrailles de Columbiad. La chaleur pour rassurer, pour engourdir. Émoussé les sens. Tu prends une grande inspiration, trouve même la force de sourire et t’engouffre à l’intérieur. Une serveuse t’apostrophe alors même que tu sondes la foule du regard – qui peut bien avoir l’air sérieux, avoir un regard « expressif » - qui sait ce que c’est d’ailleurs – et avoir un petit air hautain? Pas le temps. Parce qu’il suffit que tu souffles le nom de ta génitrice, pour qu’on t’enrôle, scénario catastrophe en devenir. Un désastre, oui, dès que tu poses le regard sur lui.
« C’est une blague? ... » Dire que tu es sous le choc est un doux euphémisme. Parce que devant toi se trouve l’un des plus récents goujats que tu as eu la chance de rencontrer au gym. Tu ne souris plus. En fait, tu grimaces même. Si tu pouvais, tu exigerais un remboursement – seulement, Alban n’est pas un « achat ». Pas de remboursement. Pas d’échange. Tu peux bien lancer un regard désespéré autour de toi, personne ne va venir à votre rescousse. La sienne, comme la tienne. Parce qu’il est tout autant déçu que toi – bien piètre consolation, oui. « Vous êtes ? » Tu croises maintenant les bras, ennuyée et n’ayant plus aucune raison de sourire. « Maudite. » Et pas qu’un peu. Mais lui aussi et dans un grand soupire – ultime souffrance qu’est sa compagnie – tu glisses sur le siège en face de lui. La serveuse – soit habituée à ce genre de bêtises ou vous ayant déjà repéré par le passé? - se contente aussitôt de vous sourire, de laisser deux menus et de filer. Comme si tout allait bien. Comme si vous n’étiez pas sur le point de vous lancer la poivrière et la salière – qui te font signe, là juste à ta droite. Sous le hublot. Sous l’espace infini, qui capte brièvement ton attention. Seulement, tu auras beau fixer les étoiles, en retraces les constellations, Alban ne risque pas de disparaître. Il faut faire face Eirian! « Je suppose qu’elle n’a pas dit grand-chose, mmn? » Aller, tu fais ton effort – ultime oui – et tu braques un regard agacé sur l’homme. Chirurgien? Guère étonnant, il a l’air pincé fait sur mesure avec le métier. Pleine de préjugé? Allons, évidemment!
Si tu avais l’intention d’être une bonne fille pour ce « rencard », l’identité de ton fameux compagnon d’infortune, fiche en l’air toutes tes bonnes résolutions. Elles rejoignent l’espace. Les étoiles. Et toi, tu croises lentement les bras sur la table, sans t’intéresser au manque de politesse de la chose – ce ne sont jamais que des bras. Jamais que toi. Tu as déjà enfilé une jupe, par toutes les constellations! « Après… je suppose qu’on ne peut pas la blâmer d’avoir arranger pareille situation… Elle ne pouvait pas savoir que tu étais aussi mauvais perdant. Ma mère ne traine pas dans les gyms, donc… » Parce que, bien entendu, tout est entièrement de sa faute. Aussi, tu enfonces ton menton dans le creux de ta main et le fixe avec une moue ennuyée. « Enfin, je suppose que je peux au moins avaler un café, pendant qu’on met au clair ce qu’on lui racontera. Parce que je t’assure qu’elle ne laissera pas passer, elle tient à ces rencards. Donc, mieux vaut – pour toi, comme pour moi – lui fournir une explication au pourquoi ça n’aura pas duré plus de quelques minutes. On peut aussi mentir… tout me va. » Tu hausses une épaule sans grande conviction et secoue ta main libre, pour obtenir l’attention de la serveuse. Parce que quitte à souffrir, aussi bien le faire avec de la caféine dans le sang.