T’aurais pu t’installer dans un vaisseau chic, c’est vrai. Avoir la climatisation, une femme de ménage de première classe et le tablier qui va avec. Ou recevoir tes amantes sur une moquette grand teint, éclairage tamisé juste ce qu’il faut, avec plantes aussi tropicales que synthétiques. Le genre boudoir à gratin.
T’aurais pu.
Mais t’as choisi le Colossus 5. C’est la zone, c’est presque urbain et salement périphérique. Tu ne pensais pas que ça arriverait mais tu t’es même faite aux cafards, aux coupures de courant et à la promiscuité. C’est que t’aurais presque une vue panoramique sur les docks. Forcément, du dix-septième.
De là-haut, t'en étais venue à te dire : "C'est comme ça. Il y’a des gens qui n’ont pas de pot. "
Et question galère, on peut dire que tu t’es joliment gratiné le travail. T’aurais dû te méfier. Elle était bien trop jolie, trop agréable pour que ça finisse bien. Y a des choses dans la vie qui ne trompe jamais : tu as la poisse. Ainsi, tout signe du destin indiquant le contraire n’est qu’un traquenard merdique qui te conduira une nouvelle fois entre les bras d’acier du Lady Grace. D’ailleurs, c’est tellement proche d’une loi physique que tu lui as trouvé un nom : le Théorème de Grey.
Ca fait maintenant deux semaines que tu la pistes. Elle joue avec toi, comme le chat se gausse de la souris. Des photos de lui, t’en reçois régulièrement : au bar, dans la douche, à bord d’une navette inconnue. Et à chaque fois, dans la chaleur de l’ombre, dans la finesse d’une main, tu devines sa présence. C’est délicat comme une empreinte, ça chuchote dans les ténèbres mais c’est bel et bien là. Tu remontes le fil, retrace ses errances. Apprend à la connaître. Un peu. Par touche. Dans les coins où tu traînes ta carcasse, elle laisse des messages : une boisson, une bribe de discussion, une trace fugitive. Toujours un pas d’avance sur ta progression, toujours à distance sans jamais être très loin. Elle aime l’herbe – t’as trouvé suffisamment de culs pour débuter une collection - et la bière. Sur le dernier cadavre qu’elle a laissé dans son sillage, t’es presque persuadée d’y avoir vu de la condensation. Cette fois-ci, la jeune femme avait eu l’audace de te laisser approcher.
Tu l’as raté. Encore.
Parfois, elle s’arrête pour observer l’espace à travers les baies crasseuses de votre colosse d’airain. Tu l’imites en fouillant d’un œil scrutateur le vide stellaire à la recherche de réponses.
Il n’y en a pas. C’est juste du noir avec des trucs qui brûlent dedans.
Comme à chaque fois.
Alors, t’es devenue le grand prophète de la cervoise pisseuse tant tu te démènes à lire la trajectoire de ton étoile rapteuse de peluche terrestre. Sans grand succès, tu dois bien te l’avouer. Pourtant, ce soir, tu te sens en vaine. Y’a des intuitions qui ne trompent pas. Cette fois, tu tiens ta chance. Cette fois, tu ne la laisseras pas repartir avant…Pas le temps de réfléchir aux implications d’une discussion hypothétique. La foule t’absorbe déjà. Corps chauds qui se lovent dans ton dos, qui te poussent et te tendent avant de te cracher comme un papier gras sur un des tabourets assujettis au bar. Un signe au barman et tu deviens l’heureuse propriétaire de deux bières rousses et moussantes.
D’un geste délié, tu te sépares de l’une d’entre elles pour la glisser vers ta voisine de droite. – On commence les négociations ? Tu trempes tes lèvres dans le liquide ambrée, sans pouvoir te retenir de lui glisser un regard en coin. C’est que Daisy Brennan t’attire autant qu’elle t’agace. – Que veux-tu en échange ? Ta voix est encore un peu rouillée par le manque d’activité mais tu te reprends bien vite – Il n’a aucune valeur marchande. Tu ne pourras rien en tirer de toute manière. Bien joué Grey, avec ces arguments de poids, c’est sûr qu’elle va ramper en se répandant en mea culpa.
La mission est simple, retrouver l'otage et le sortir de là. Je me fiche de comment vous faites, du moment que vous le ramenez.
L’ornithorynque prenait une énième fois la pose pour une photo en direction de sa propriétaire, qui devait sérieusement commencer à douter de retrouver un jour son précieux. A chaque fois que la blonde se rapprochait, la jeune opératrice prenait la fuite, visiblement amusé par l’idée de faire tourner un peu en rond une innocente. Après cette nuit torride, Daisy s’était gentiment fait la mal avec la peluche la plus mignonne de la flotte, sans réellement penser à la valeur sentimentale que cette dernière pouvait bien avoir. Réfléchir avant d’agir n’était définitivement pas dans ses cordes et de toutes manières, le plus important était la finalité de cet acte -autrement dit, rendre la peluche à Skyler. L’heure de la chasse au trésor arrivait à sa fin et il était temps de laisser les retrouvailles se faire, si bien qu’après avoir signalé sa position, elle décida de rester tranquillement assise dans un bar assez calme du Colossus, pour attendre la blonde qu’elle n’avait pas revu depuis qu’elle s’était glissée hors de la couette.
Après quelques dizaines de minutes, le siège à côté d’elle fut enfin occupé, le tout accompagné d’une bière des plus rafraichissante -comme quoi, elle avait bien fait d’attendre avant de commander. Sans demander son reste, elle attrapa la choppe avec un large sourire, heureuse de voir que la blonde restait d’humeur assez joueuse pour cette histoire de peluche disparue. Une fois assise, Skyler s’empressa de lancer les négociations, comme-ci tout cela était une affaire d’état, comme dans ses films d’un ancien temps qu’elle avait l’habitude de regarder avec son frère quelques années auparavants. Néanmoins, joueuse dans l’âme, elle se prit rapidement au jeu et décida de se la jouer mafieuse, Daisy Brennan, la terreur des doudous. « Qu’est-ce que je veux en échange ? Bonne question, je pourrais bien avoir des idées. » Un sourire en coin, elle caressa rapidement le bras de la blonde, avant de finalement reporter son attention sur sa bière, dont elle avala quelques gorgées bien méritées.
Des faveurs sexuelles, il ne manquerait plus que ça pour parfaire la mauvaise réputation de la famille Brennan. Heureusement, ce n’était qu’une blague, ce que Daisy s’assura rapidement en levant rapidement son verre en direction de l’autre femme pour trinquer. « Mais boire un verre me semble être une bonne option aussi. » Un sourire sincère, tout en gardant la peluche de son côté, comme pour laisser planer un peu le doute. D’une certaine manière, garder l’animal, c’était gardé sa propriétaire et comme elle n’avait rien de mieux à faire ce soir, autant en profiter un peu. De plus, comme elle pouvait le voir, l'ornithorynque n’avait rien, ce qui témoignait des bons soins qu’elle lui avait administré.
« Alors, tu as aimé les endroits que je t’ai fais visiter ? » Un petit sourire en coin en retournant le couteau dans la plaie, sans réellement se demander si tout cela amusait vraiment la blonde. Les chasses au trésor n’amusaient pas forcément tout le monde, encore moins dans le monde des adultes, un milieu que la jeune Brennan avait encore du mal à assimiler. Cela dit, on ne pouvait pas dire que Skyler collait réellement à l’image que l’on pourrait se faire d’une adulte responsable, ce qui plaisait forcément à la brune, bien qu’elle ressente un certain mal être dans ce petit corps si mystérieux.
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Dim 21 Jan - 23:17
nestie luv.
