one more for the road. (isaac)
MessageSujet: (#) one more for the road. (isaac)    one more for the road. (isaac) 3ViG0Cu Lun 15 Jan - 18:05
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Au commencement de la fin apparurent les névroses, et l'homme naturellement de si bonne humeur, si allègre et si rayonnant, tomba dans une spirale de réactions à fleur de peau, de susceptibilité et de nervosité. Morcant, la paupière agitée par un spasme dû à ces trois petites heures de sommeil qu'il s'était accordées la nuit dernière, tira d'entre ses lèvres un cure-dent qu'il envoya valser vers une poubelle d'une pichenette agile. Les douches matinales ne suffisaient plus à provoquer chez l'Astorian une phase d'éveil progressive, et comme l'eau froide le répugnait, il s'enfermait dans sa cabine de douche et laissait l'eau brûlante lui mordre le peau des heures durant. Dans les volutes de buée qui s'élevaient autour de lui, fantomatique et envoûtantes, Morcant sentait sa dépendance à l'Astre lui chuchoter qu'il ne tiendrait jamais. C'était une main noire, une main sale, une main pleine de maux qui venait lui agripper l'épaule, enfoncer ses ongles dans sa carne, pour lui rappeler qu'il ne se débarrasserait jamais de ce manque. Et Morcant repoussait la main du mieux qu'il pouvait. Soignait ses plaies, calfeutrait les sorties d'air. Il maquillait les effets indésirables de l'Astre en une fatigue passagère qui durait pourtant depuis des semaines, et si personne n'était dupe, il n'acceptait pourtant aucune confrontation, et fuyait le sujet comme s'il s'agissait de la mort en personne. Pis encore, c'était les regards emplis de pitié qu'il redoutait et haïssaient plus que tout. Saedrin, dans sa détresse allant crescendo, coupa l'arrivée d'eau chaude et attrapa une serviette pour se sécher. Il y avait tellement de vapeur dans sa salle de bain que son impression de vivre un rêve éveillé en fut décuplée. La vitre ne lui rendant pas son reflet, il dessina un cercle avec l'aide de deux doigts, et sa figure lui apparut comme par enchantement. Et quel enchantement. Il aurait tout aussi bien fait de laisser la vitre telle qu'elle était. Il quitta la salle de bain non activer la clim, histoire de désembuer tout ça. Il embrassa sa chambre d'un regard amorphe ; pas sûre que cette douche brûlante ait été l'idée du siècle. Quelques minutes plus tard, il terminait de vêtir et quittait son appartement, la tignasse encore humide mais vraiment, qu'en avait-il à faire ? Sa direction, le bar du Regina Mercy, où il avait réussi à caler un moment pour retrouver un ami de longue date qui n'était autre que le capitaine en personne du fameux vaisseau. Une perspective qui apaisa l'esprit tourmenté de Morcant, dont les pensées se perdirent dans les souvenirs le liant à Isaac Woodrow. Astoria. Le sauvetage. Des bribes d'un événement qu'il ne pourrait jamais oublier, tout comme il n'oublierait jamais qu'il devait la vie à Isaac. Au-delà d'un sauveur, ce dernier s'avérait surtout être un ami cher. Leurs responsabilités respectives faisaient que les occasions où ils se voyaient devenaient de plus en plus rares, mais cela n'empêchait pas le secouriste d'apprécier ces retrouvailles avec son mentor. Observant alentour à la recherche de la silhouette de son ami, Morcant finit par en juger qu'il n'était pas encore arrivé. Alors, il prit place près du comptoir, vissant son cul sur un tabouret. Il se pinça l'arête du nez, puis consulta sa montre. Il appuya sur un bouton, et un petit hologramme apparut, représentant le nombre de consultations qu'il aurait le lendemain. Un dix-sept qui se changea en dix-huit, puis en dix-neuf. Une journée chargée. Qu'à cela ne tienne. Saedrin fit disparaître l'hologramme, bien décidé à mettre de côté son boulot pour profiter de ses retrouvailles avec Woodrow, du moins, lorsque celui-ci déciderait de montrer le bout de son nez.
MessageSujet: (#) Re: one more for the road. (isaac)    one more for the road. (isaac) 3ViG0Cu Sam 20 Jan - 21:29
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MORCANT&ISAAC | One more for the road.


Les yeux se perdent sur la surface du terminal. Dans l'espace clos du bureau, il n'y a qu'un air de mélancolie, de nostalgie qui font trembler le silence, qui apaise les absences, la distance. Nina Simone dégueule sa voix rauque, l'amour, la tristesse, les désespoirs. Le français bercé par l'accent anglais porte sa voix, fredonne les promesses impossibles à tenir, à retenir. Elle veut y croire encore, elle veut y penser encore et dans les trémolos de ses « Ne me quitte pas », il y a comme des larmes retenus, si difficilement ravalées, essuyées. Et tu essaies d'imaginer ce qu'était la vie d'avant, lorsque les hommes avaient les pieds cloués sur terre, le nez en l'air. Là où la voix de la chanteuse résonnait dans leur oreilles, là où ils ne connaissaient rien des étoiles, des destinés tracées dont tu t'es épris, dont tu as tout appris.

Et tu sais que l'amour a des absolu, n'a pas de retenu. Tu sais que tu es prêt à des infinis pour ta fille, pour enlacer de nouveau  tes fils. Tu sais comme parfois, il n'y a pas de limites, pas de raisonnement possible. Il n'y a que des sentiments invincibles, indestructibles. Il n'y a que la logique en morceaux, en lambeaux. « Capitaine Woodrow, la voix de Charlie résonne, interromps la musique dans un grésillement de voix machinale et pourtant masculine. Oui ? Lâches-tu, déjà dérangé, lassé. Je vous rappelle votre rendez-vous avec monsieur Saerdin. Quelle heure ? 20H10. Dans 15 minutes et 25 secondes. Merci Charlie. Voulez-vous un rappel supplémentaire ? Selon mes données, vous oubliez souvent les rendez-vous si ils ne sont pas rappelés une minute avant. Non, ça va aller. », glisses-tu, piqué au vif que la machine t'ait si bien analysé, capturé selon ta fréquence de rendez-vous loupés, en retard, à l'heure. Tu grimaces légèrement. « Remets la musique, s'il vous plait. », et la machine se coupe. De nouveau, la voix de Nina Simone envahit le bureau. Il n'y a guère qu'un message envoyé à Boris, en mission, pour te couper de ton travail.

« Tu as oublié ta culotte dans ma cabine, Borislava. Ça ne me dérange pas, sauf quand Lyra le remarque. Veux-tu la récupérer à notre prochaine rencontre ? Travail bien et reviens en vie.

- Isaac. »


Et sous les mots froids, prudents dorment une intimité doucement dessinée, esquissée. Sous l'humour léger s'égare les espoirs d'une prochaine étreinte, d'une inquiétude tenue à bout de coeur. Tu as horreur de la voir partir, tu as peur de ne pas la voir te revenir. C'est stupide, n'est-ce pas, d'être aussi attaché à un peu de plaisir, de rire ? Parce que c'est ce qu'est Borislava, non ? Elle ne te pince pas tellement le coeur lorsqu'elle s'en va, lorsque vous faites semblants de rien en public. Ce n'est pas comme si tu puais la jalousie envers tous ces hommes qui l'accompagnent, qui sont ses amis, et fatalement tes ennemis. Ce n'est pas comme si tout cela t'importait lorsque d'une pression de doigt, tu envoies une photo de l'objet du délit. Ce n'est pas comme si tu l'aimais.

Quand bien même, elle est la seule.
Quand bien même, ça te crève l'être.
Quand bien même, tu te mens.

Et tu écartes le terminal, te concentrant sur un dossier à présenter le lendemain aux autres capitaines. Les minutes filent, défilent, t'oublient. Il faut dire que la proposition a ses complexités, ses vices. Certains y verraient là, l'irréalisme naît comme les idées de Priya ou bien le suicide collectif que propose joyeusement Zafy. Mais, n'est-ce pas, ton rôle de défendre l'impossible, de rendre le bonheur collectif du Regina Mercy a porté de doigts ? Bien entendu. Sauf que lorsque tes yeux se redressent, tu rencontres l'heure  sur l'objet et la demi-heure de retard bel et bien affichée, rivée à tes yeux.

Aussitôt, tu saisis le terminal, déverrouilles ta session et lâche un : « Charlie. Oui ? Envoyez un message à Morcant Saerdin. Et tu n'autorises pas l'IA à répondre par l'affirmative, tu enchaînes déjà. Je suis en retard. J'arrive, navré. ». Et tu entends presque Charlie ricaner, se moquer lorsqu'il lâche : « Dois-je compter ce retard dans mes données, Capitaine Woodrow ? » Le Ta gueule te chatouille la langue lorsque tu passes devant une bande de recrues au garde-à-vous sur ton passage. Tu as, pourtant, la bonne idée de le retenir, de te mordre la langue lorsque tu souffles : « Si ça te permet de t'améliorer, oui. Enregistré. », et le terminal est déjà rangé.Le bar t'ouvre, lui, ses portes.

Au comptoir, ton ami est déjà installé. Et tu remercies toutes les étoiles de ne pas l'avoir fait fuir, s'enfuir par ta négligence, ton obstination à ne pas écouter l'IA. Il faudrait cesser d'être en guerre avec cette pauvre chose qui n'a sûrement aucune idées de ton horreur à recevoir des recommandations, des conseils, des rappels. « Bonsoir Morcant, glisses-tu, un peu trop froid, encore tout habillé de ton uniforme. Mmh, je n'ai pas de réelle excuse à ce retard, j'étais occupé à travailler. Et par esprit de contradiction, tu as désactivé le rappel de Charlie qui justement ne te fait rien oublier, qui justement est là pour obéir. Même à la connerie humaine. Et je n'ai pas vu le temps passé. Tu as déjà commandé ? Tu observes le plan du comptoir vide du moindre alcool. Un soulagement t'agrippe le ventre, il y a là, peut-être, une chance de te faire pardonner, de t'excuser auprès du médecin. Je te paie un verre, si tu veux bien, c'est la moindre des choses après 35 minutes de retard. Commande ce qui te plaît, c'est ton capitaine qui offre. » Un léger sourire court jusqu'aux yeux, glissant un filet d'humour percer, s'emballer. Et pourtant, il semble que, dans ta voix, il n'y ait aucune trace, aucun reliquat. Il n'y a que cette froideur, que le masque toujours en place.  Et le sourire s'est déjà effacé, balayé. « Barman ? L'homme de l'autre côté du comptoir cesse son activité, s'avance vers vous, l'air un peu saoulé de faire son métier. Un verre de ce que vous avez de meilleur. » Et souvent le meilleur n'est que le minimum pour ton palais  exigeant, capricieux. D'un geste, les crédits sont versés. « Comment vas-tu ? », demandes-tu, en t'asseyant à ses côtés, sincèrement soucieux de Morcant.

En amitié, tu es tellement fidèle, tellement éternel aux côtés de ceux que tu chéris, apprécies. Tu es de ceux à parcourir des kilomètres pour des blessures à panser, des inquiétudes à effacer. Tu es de ceux à toujours rester dans le meilleur, le pire, l'adversité, les rires, les pleurs. Tu es de ceux à ne pas savoir réconforter, soulager avec des mots, mais à te tenir droit, solide comme un roc, à doucement rassurer d'une pression de main sur l'épaule, d'un regard toujours en arrière pour surveiller, veiller. C'est un peu de ton existence de soldat qui t'a taillé ainsi. C'est un peu comme ça que Morcant t'a toujours connu. De ceux descendu sur Astoria, tu as sauvé l'homme alors adolescent, voulant bien mourir pour en voir d'autres survivre, acceptant les camarades abattus, tombés au combat. Il paraît qu'avec les pertes, on accepte la gloire. Pour ceux partis trop tôt. Pour ceux qui vivent encore. « Tu n'as pas trop de pression ? Puisque le chef secouriste était de ceux à courir après l'urgence, à sauver des vies sur le fil. Et le stress est continuel, éternelle ritournelle. Parfois, on y trouve de l'excitation, d'autre fois, après une poignée d'années, de la lassitude. Pour savoir si tu as encore du temps à me consacrer. » D'Astoria, il faut dire que tu as des souvenirs à même le corps, des incidents avec lesquels tu veux bien vivre, pour lesquels il faut survivre. Après tout, Lyra t'a interdit de mourir. ( « Tu es pas assez vieux pour ça, 'Pa. », lâche la gamine, en mâchonnant un cookie, un regard déjà tourné vers son prochain projet. « Merci, Lyra. Tu es adorable. », as-tu roulé des yeux, un semblant de sourire déformant ton visage, un brin d'ironie dans la voix. « J'sais. », a soufflé la femme, refusant la menace tenace d'un cancer, qu'un jour, ta vie finira, t'abandonnera. Mais pas maintenant.)

« Nos rendez-vous me tiennent à coeur, après tout. Il est complexe de savoir lorsque tu es sérieux ou non. Il est dur de savoir lorsque l'humour balaye l'éternel sérieux, lorsque tu cèdes enfin place à l'homme derrière le soldat. Il paraît que c'est là le glas de ceux faits pour combattre, se battre. Il paraît que l'humanité t'a abandonné. Alors, souvent, après l'amour, après les amantes jonchant ta mémoire, ton histoire, on laisse traîner une réputation de monstre, d'être sans coeur. J'essaierai de ne pas arriver en retard au prochain. » Et la voilà la plaisanterie jetée au secouriste, l’œillade rieuse, la ridule à la surface du calme olympien, serein alors que tes lèvres trempent dans l'alcool ; comme à son habitude, c'est mauvais. Un geste de dédain pour le verre, ça n'a pas la saveur, la chaleur de votre amitié.

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