ONE La Terre lui manque. Jesper garde une vision idéalisée de sa planète d'origine, l’imaginant pleine de verdure, de soleil, de sable chaud qui glisse comme de la soie entre les doigts et de somptueuses rivières qui jalonnent des paysages fleuris. Il sait que la Terre était encore plus belle, des siècles plus tôt, avant la montée des eaux cruelle et dévastatrice qui a réduit la surface habitable du globe ; pourtant, sa Terre à lui, celle sur laquelle il est né, lui semble être le plus beau lieu du monde. Un lieu de splendeurs et de félicité. Là-bas, l’air est frais et pas recyclé comme celui de la flotte, et la nourriture est goûteuse et variée, pas comme les protéines d’insecte qu’on leur sert dans les cantines des vaisseaux. Et puis surtout, sur Terre, il y a sa mère. Sa « mam’s », qui l’a abandonné aux mains de son père lorsque celui-ci s’est mis en tête de suivre les plans sur la comète de la Fédération…

TWO Sohan Drake, son père, est perpétuellement engoncé dans un manteau de froideur et de sévérité qui tétanise son fils. Militaire, obsédé par le respect de la hiérarchie et des règles en tout genre (existantes ou sorties tout droit de son esprit), Sohan Drake ne semble jamais satisfait de rien… et surtout pas de ses propres enfants. « Arrête de remuer, tu me donnes le tournis ! » « Mais ce n’est pas possible, tu es donc INCAPABLE de faire quoi que ce soit de tes dix doigts ? » « Ne quitte pas ta soeur des yeux ! Tu veux qu’elle se perde dans le vaisseau et atterrisse dans une pièce non-oxygénée ?! Un jour, tu auras sa mort sur la conscience, mon garçon ! » Les remarques s'enchaînent sans cesse, gorgées de reproche. Blessé de n’avoir pas été suivi par son épouse à la conquête des étoiles -elle a préféré vendre son âme au Triumvirat, la sale garce !- il a reporté une bonne partie de sa frustration sur ses enfants, faisant de son mieux pour qu'ils oublient tout de la Terre et de leur mère, leur prodiguant une éducation d'une rigueur irréprochable. Une main de fer dans un gantelet d'acier.

THREE C’est lui qui a forcé Jesper à embrasser une carrière militaire ; c’est lui qui a insisté pour qu’il devienne tireur et soit placé sous le joug du Ministère de la Défense. Jesper ne s’est jamais rebellé, obéissant scrupuleusement aux ordres de son père qu’il a longtemps considéré comme un héros, dans l’espoir confus d’obtenir son affection ou, du moins, son respect... Ce qui, semble-t-il, n'a pas vraiment fonctionné.
Sa vision de son père s’est dégradée au fil des années, l’homme passant du statut de héros à celui de source infinie d’angoisse. Il n’est pas certain de ce qu’il ressent pour cet homme si sévère et distant ; néanmoins, il caresse encore l’espoir de l’impressionner, un jour.
S’il n’est pas devenu officier par conviction, Jesper n’est cependant pas malheureux de l’être. Il n’est certainement pas le meilleur de sa promotion -au grand désespoir de son père !-, mais il se débrouille comme il le peut. Au moins, il sait se servir d’une arme à plasma. Et il sait courir très vite lorsqu’il le faut !

FOR Jesper ne dort pas beaucoup, si bien que de larges cernes se déploient en permanence sous ses yeux verts. Il passe la plupart de ses nuits à tourner en rond dans sa cabine en fumant sa maigre réserve de cigarettes. De temps à autre, il parle à Charlie, sans se douter qu’il casse les oreilles des pauvres collègues qui essaient de dormir de l’autre côté de la cloison. Il aime bien Charlie, même si ce n’est qu'une Intelligence Artificielle. Au moins, elle ne lui a jamais mis de râteau et ne l’a jamais insulté. Ça lui rappelle les amis imaginaires que forgeait son esprit lorsqu’il était plus jeune, mais en version plus bavarde !

FIVE Jesper n’est pas très bagarreur ; généralement il tente de désamorcer les conflits en (s’écrasant) essayant de détendre l’atmosphère, croisant les mains en signe de paix et souriant d'un air faussement détendu. Il n’y que dans deux cas de figure qu’il peut s’avérer moins conciliant : lorsque quelqu’un touche / dit du mal à sa petite soeur, et lorsqu’il a un peu trop bu. Il agite alors les poings en vociférant comme un vélociraptor, bien décidé à marteler le visage du fauteur de troubles ; par chance, la rage qui se répand dans ses veines rend ses coups plutôt approximatifs et neuf fois sur dix, ceux-ci atterrissent dans le vide. L’alcool a tendance à lui donner des ailes et à lui insuffler un courage et une autorité qu’en temps normal, il ne possède pas.

SIX Il fréquente assez peu les sphères du marché noir, par manque de moyens et crainte de se retrouver embarqué sur le Lady Grace. Néanmoins, il a toujours une petite réserve de marijuana bien planquée sur lui ou dans sa cabine (ce qui explique pourquoi il a bien du mal à faire de quelconques économies). Il fume pour apaiser son stress (d’autant plus qu’il fume également des cigarettes, ce qui le rend nerveux), et pour se préparer psychologiquement aux innombrables confrontations qui jalonnent son quotidien. Après avoir consommé de l’herbe, lui qui, d’ordinaire, est déjà assez flegmatique, devient alors particulièrement lent et a une fâcheuse tendance à sourire dans le vide, planant malgré ses pieds fermement vissés dans le sol. En revanche, il n’a encore jamais testé l’Astre, même si ça coûte moins cher, de crainte de devenir dépendant. (Si on lui posait la question, il nierait totalement être accro aux clopes et à la fumette… mais il n’a jamais cherché à s’en passer et il est peu probable qu’il y arrive un jour.)

SEVEN L’amour n'est pas sa tasse de thé. Il a déjà eu des relations plus ou moins brèves, mais il a toujours cherché à calquer son comportement sur celui de son date, courant droit à la catastrophe. Persuadé qu’Unetelle est une romantique dans l’âme, il lui promet monts et merveilles, la faisant fuir en courant ; échaudé par cette expérience, il assure à la suivante que ce n’est que l’histoire d’une nuit, ce qui lui vaut une belle claque dans la gueule accompagnée d’un « goujat ! » amer. Il tâtonne, papillonne, mais ne parvient pas à se poser avec une Vénus (ou une Saturne ou une Pluton -quoi ce n’est pas une planète-) des temps modernes dans les bras.

EIGHT Jesper fait plus jeune que son âge. Baby Face, pourrait-on l’appeler, si bien qu’on a du mal à le prendre au sérieux. Cela n’améliore pas ses problèmes d’autorité et de confiance en lui ; avouez que se faire appeler hey kiddo à trente-quatre ans, ça n’aide pas à se dire qu’on a largement l’âge de se marier et d’avoir un enfant. Il n’améliore pas vraiment la situation, ayant un comportement globalement irresponsable et immature, ce qui fait pleuvoir sur sa tête les reproches de ses supérieurs. Généralement, lesdits reproches semblent glisser sur lui comme l’eau sur les plumes d’un canard, mais au fond, il aimerait bien qu’on le prenne davantage au sérieux. Il aimerait qu’on l’écoute avec admiration. Qu’on lui tape sur l'épaule en lui disant qu'il se débrouille bien. Malheureusement, tout le monde ne peut pas avoir la carrure d’un leader…
Il essaie parfois d’être un peu plus responsable. Pour sa soeur. Mais chassez le naturel… !

NINE Comme beaucoup de ses compatriotes, Jesper suit avidement les émissions de radiothéâtre, ne ratant aucun épisode de ses séries préférées. Mais l’art qui parle véritablement à son coeur, c’est la danse. Il danse comme un canard à trois pattes, mais il adore regarder les troupes de danseurs se mouvoir lors de représentations, tout en sirotant le peu de Xingji qu’il parvient à s’offrir avec ses crédits. Il cherche parfois quelqu’un pour reproduire leurs chorégraphies avec lui, mais cela aboutit la plupart du temps à des bosses et des bleus un peu partout sur leurs corps respectifs. Et beaucoup de fous-rires.

TEN Jesper est accro à son terminal. Et à Internet. Il n’y a pas forcément grand-chose à faire sur l’Argus One quand on s’ennuie, et il passe beaucoup de temps à pianoter sur l’appareil technologique qu’on lui a confié pour ses douze ans et à écumer Starchat. Il a déjà été tenté de trafiquer son terminal pour lui ajouter des fonctionnalités, mais il a renoncé, songeant qu’il risquait surtout de le faire exploser. Lorsqu’il songe à la Terre, il se dit que là-bas, il y a bien d’autres choses à faire que de rester scotché à un terminal ou à surfer sur Internet ; on peut sortir, aller à la mer, sentir l’écume bouillonnante nous lécher les mollets, grimper aux arbres…
Du moins, il l’espère.  
Il voudrait tant y retourner, un jour…